Monsieur le Président, je tiens à vous remercier de nous avoir confié cette mission et à remercier mes deux collègues, Michel Canévet et Rémi Cardon, pour l'excellent travail que nous avons pu réaliser ensemble, Les éléments de contexte présentés par mon collègue Michel Canévet sont essentiels pour comprendre que la situation est celle de l'urgence : urgence pour le développement de notre économie notamment à travers nos ETI, urgence face au risque de disparition de nos savoir-faire et de nos emplois, urgence face à la compétition internationale, urgence enfin d'un point de vue stratégique pour ne pas devenir encore plus dépendants de fournisseurs étrangers demain.
Malheureusement, l'urgence de la situation n'est pas nécessairement perçue par tout le monde. Tout d'abord du côté de l'Etat, nous avons noté qu'en 2022, toujours aucun suivi chiffré ne permet de suivre les cessions d'entreprise en France, depuis que l'Insee n'est plus en charge de ce décompte, c'est-à-dire depuis 15 ans ! Seul BPCE L'Observatoire mène des études fiables sur le sujet.
Du côté des dirigeants, nous avons constaté qu'ils sont nombreux à trop souvent attendre le dernier moment pour organiser leur succession. Ainsi, la modernisation des outils législatifs, évoquée par Michel Canévet, n'a manifestement pas été suffisante pour qu'un « sursaut » ait lieu.
Forts de ce constat, nous avons mené des auditions qui nous ont conduits à déterminer ce qui, du point de vue des chefs d'entreprise, est aujourd'hui nécessaire pour enfin relancer la transmission d'entreprise. Celle-ci implique nécessairement une cession d'une part, et une reprise d'autre part. Or pour encourager ces deux facettes de la transmission, il faut comprendre les deux principales attentes : la sécurisation et la simplification. Ces deux logiques, qui sont d'ailleurs au coeur des missions de la Délégation aux entreprises, nous ont amenés à formuler 11 recommandations.
Les trois premières d'entre elles sont relatives au « Pacte Dutreil » et à la notion de holding animatrice.
Il nous semble essentiel de sanctuariser le « Pacte Dutreil », qui permet une exonération à hauteur de 75 % des droits de mutation à titre gratuit. Combiné à d'autres dispositifs, tels que l'abattement de 50 % en cas de donation avant les 70 ans du cédant, l'exonération atteint les 90 %. Aller plus loin serait déraisonnable dans le contexte évoqué plus tôt. En revanche nous constatons que peu de dirigeants connaissent ce dispositif, pourtant salutaire pour les transmissions familiales et le développement des PME en ETI. Un très récent sondage de CCI France réalisé avec l'institut Opinion Way montre que 82 % des chefs d'entreprise n'en n'ont jamais entendu parler ! Aussi notre première proposition vise à sanctuariser le « Pacte Dutreil » en organisant une campagne d'information des chefs d'entreprise afin qu'il devienne un dispositif incontournable pour tous ceux qui le souhaitent. Nous allons montrer l'exemple, puisque cet automne nous vous proposons de réaliser une vidéo qui pourra être diffusée à tous et sera en ligne sur notre site Internet.
Par ailleurs, dans le cadre du dispositif « Dutreil », la question du caractère animateur de la holding revient souvent. Cette question est également posée pour la mise en oeuvre d'autres mesures fiscales. Or, les critères que doit suivre l'administration fiscale pour apprécier si une holding est animatrice ou non semble insuffisamment sécurisée si l'on observe les dernières jurisprudences, du juge judiciaire ou administratif. Elles constituent des revirements par rapport à la doctrine administrative qui s'est développée ces dernières années. Notre proposition n°2 vise donc à consolider et clarifier dans la loi les éléments de définition de la holding animatrice. Elle va de pair avec la proposition n°3 qui vise à sécuriser l'appréciation administrative en instaurant un rescrit spécifique encadré par un délai de 6 mois. Idéalement, en complément de ces deux mesures, il faudrait que l'administration fiscale désigne un référent « cession - Pacte Dutreil » dans chaque direction départementale.
Enfin je souhaiterais évoquer la proposition n°5 visant à sécuriser les dispositifs de financement de la transmission par Bpifrance. Il s'agit des garanties bancaires et du « Prêt Transmission », essentiels pour les TPE et PME, comme l'ont souligné l'U2P et la CPME. La ligne de crédit a été supprimée depuis plusieurs années (il s'agissait de l'action 20 du programme 134 de la mission Economie), le Gouvernement souhaitant que le financement soit pris sur les dividendes de Bpifrance, suite à sa réorganisation. Or, cette décision nous semble menacer sérieusement la pérennité de ces dispositifs de financement, au moment même où nous appelons de nos voeux une véritable politique publique de la transmission d'entreprise ! Nous vous proposons donc de rétablir cette action budgétaire et de voter les financements nécessaires.