– Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, merci d’avoir mis sur pied cette table ronde, qui permet d’aborder en toute transparence ce sujet ô combien important pour la filière musicale qu’est le financement du CNM. De fait, on pourrait estimer qu’il aurait été préférable que cette concertation ait lieu un peu plus tôt, afin d’éviter certaines confrontations. Quoi qu’il en soit, elle arrive aujourd’hui, et c’est tant mieux.
Je rappelle que la filière a voulu le CNM. Elle l’a profondément et intensément appelé de ses vœux pendant de nombreuses années. C’est désormais une réalité depuis le 1er janvier 2020, ce dont nous nous sommes tous félicités, d’autant plus pendant la crise.
Pour autant, le projet de CNM, de notre point de vue, est resté inachevé pour des raisons qui ont déjà été en partie évoquées. La crise sanitaire a évidemment ralenti l’agenda de cet établissement, ce qui a parfois été un bien. Du côté de la musique enregistrée, ces aides ont été en effet absolument cruciales, car elles ont permis de maintenir un très haut niveau d’investissement et d’emplois.
La filière fonctionne sur deux jambes, le spectacle vivant et la musique enregistrée. Si l’une de ses jambes est à l’arrêt forcé, il est impératif que l’autre continue à fonctionner afin de faire en sorte, lorsque la crise est passée et que le corps essaye de fonctionner à nouveau, que les choses puissent se faire progressivement et sans effondrement général.
La deuxième raison de cet inachèvement est un schéma de financement incomplet à ce jour. Hormis la dotation de l’État, dont on peut se réjouir qu’elle soit conforme à la trajectoire budgétaire prévue initialement, hormis la taxe sur la billetterie, héritée de l’ancien Centre national des variétés et qui vise à soutenir le spectacle, quid de la musique enregistrée ? À ce stade, elle ne contribue malheureusement pas au budget de l’établissement – ou de manière extrêmement marginale. Il existe donc une asymétrie entre le financement par le live et le financement par la musique enregistrée qui, selon nous, est incompatible avec cet objectif de maison commune de la musique qui était prévu pour le CNM.
La musique enregistrée savait dès le début qu’elle serait amenée à contribuer. Selon nous, ce jour-là est venu. Plusieurs pistes de financement avaient été évoquées avant la création de l’établissement. On ambitionnait en effet d’impulser une dynamique de création et de production bien plus forte que ce que pouvait faire le FCM, le Bureau Export, etc.
C’est cette politique ambitieuse que l’on souhaite toujours pour le CNM, mais cela se finance. Il faut des ressources pour soutenir l’observation impartiale de la filière, l’aide financière à la diversité musicale, à l’export, à l’innovation, à la transition écologique et à l’égalité femmes-hommes, etc.
Parmi ces pistes, il en existait une, que nous appelons aujourd’hui « contribution de l’écosystème de la diffusion numérique au financement de la diversité musicale ». Afin de faciliter les choses, appelons-la « taxe streaming », comme c’est désormais le cas dans la presse.
Les producteurs indépendants ont regretté que le Gouvernement n’ait pas pris l’initiative d’inscrire ce projet dans le cadre du PLF pour 2023. Il s’agit d’appliquer à l’ensemble des acteurs diffusant de la musique en ligne, que ce soit sur un modèle payant ou gratuit, une taxe d’un taux très faible, dont le produit abondera le CNM et lui permettra de financer les missions que j’ai mentionnées. De notre point de vue, la croissance constante à deux chiffres du streaming justifie que ce marché soit ciblé en priorité pour contribuer au financement du CNM.
C’est de notre point de vue une solution pérenne, sans incidence pour les finances publiques. Je le précise, car nous venons de passer par deux ans et demi de « quoi qu’il en coûte », et il nous semble important de ne pas solliciter à nouveau la ressource publique. C’est sans incidence pour les finances publiques, mais ô combien bénéfique pour la création locale, la prise de risques artistiques, la diversité musicale et également pour la survie de notre tissu de TPE-PME ! C’est un mécanisme contributif, qui permettra de corriger les effets de la seule loi du marché et de dupliquer ce qui existe pour le cinéma français depuis des décennies, qui a fait sa vitalité.
Il s’agit également, de notre point de vue, d’un pari à long terme, puisque aujourd’hui, la production de nouveauté, c’est le catalogue de demain. Or si l’on assèche la production locale, on assèche également le catalogue des plateformes. Nous trouvons donc étonnant que les plateformes ne soient pas plus enthousiastes à l’idée de créer ce mécanisme redistributif vertueux pour la création.