– Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes honorés de l’intérêt que vous portez à ce sujet, et nous vous remercions de votre présence.
Aujourd’hui, on constate que le secteur de la musique enregistrée est en croissance depuis assez peu de temps. D’ailleurs, ce retour à la croissance a peu ou prou coïncidé avec la création du CNM. Quinze ans de crise du disque ont conduit à une destruction de valeur, dans le secteur, d’environ 70 % de notre chiffre d’affaires, entre le début des années 2000 et l’année 2015.
C’est une période extrêmement complexe pour le secteur, qui a amené de la casse sociale et une diminution de la production, mais l’outil productif s’est malgré tout maintenu en grande partie, grâce à un dispositif extrêmement structurant pour le secteur qu’est le crédit d’impôt à la production phonographique (CIPP).
Le retour à la croissance est évidemment précieux. Il se fonde d’abord et avant tout sur le pari que les ayants droit ont fait – la Sacem en premier, il faut le dire – sur le nouveau modèle économique qu’est le streaming par abonnement. Ce modèle est extrêmement vertueux et a permis de ringardiser le piratage dans le secteur de la musique, même si cela ne l’a malheureusement pas complètement éteint. Ceci a surtout recréé du consentement à payer pour la musique via ses abonnements, ce dont nous nous réjouissons évidemment.
Dans ce contexte, la création du CNM a permis de rationaliser les guichets d’aide et de créer une maison commune de la musique, avec des missions qui vont bien au-delà de la simple distribution de soutiens financiers.
À l’heure de ce premier bilan, il faut constater que le CNM a été plus qu’au rendez-vous de la crise sanitaire, qui a eu aussi un impact sur la musique enregistrée : la fermeture des commerces culturels a handicapé le secteur, alors que nous aurions dû être en croissance rapide et en rattrapage par rapport à la perte de valeur que j’évoquais. La perception de certaines contributions, telles que celles portant sur la diffusion de musique dans les lieux publics, a bien évidemment été également affectée par cette période. Nous sommes restés stables, alors que nous aurions dû connaître la croissance durant cette période.
Le soutien du CNM à la musique enregistrée a donc été plus que bienvenu. Il a permis de rassurer les entreprises et de leur permettre de continuer à envisager l’avenir à peu près sereinement pour poursuivre les investissements et la production et la création.
Le CNM a fusionné des associations préexistantes que sont le FCM ou le Bureau Export de la musique, entre autres, qui intéressaient particulièrement le secteur de la musique enregistrée. Le CNM a également repris la gestion du crédit d’impôt pour la production phonographique, mais le soutien du secteur s’est aussi historiquement organisé par lui-même, notamment par la contribution des OGC et la mise en place de guichets d’aide par les organismes de gestion collective.
Aujourd’hui, environ 15 millions d’euros ont été distribués à la profession par la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), pris sur des ressources telles que la copie privée ou les irrépartissables.
Bien sûr, les aides à la création des sociétés de gestion collective ont été fortement affectées par une décision de la Cour de justice de l’Union européenne. Nous savons que la Commission européenne et le Gouvernement français travaillent au rétablissement de la situation antérieure. Ce sera long et complexe et c’est encore incertain, mais cela va dans le bon sens.
Je le souligne parce que, pour capitale que soit l’intervention du CNM, le secteur a aussi organisé sa propre forme de soutien direct aux entreprises, et il faut qu’il en soit tenu compte.
Toujours dans le modèle de soutien à la musique enregistrée, je veux également souligner une mesure particulière qui bénéficie aux très petites entreprises du secteur, issue du Fonds national pour l’emploi dans le spectacle (FONPEPS), doté de 29 millions d’euros en PLF 2023. Une enveloppe, à l’intérieur de ce fonds, bénéficie aux entreprises de moins de dix salariés du secteur de la musique enregistrée afin de les aider à embaucher un nombre toujours plus important d’intervenants artistiques, qu’ils soient musiciens ou artistes principaux.
Jusqu’à une date très récente, nous n’étions pas certains que cette mesure se poursuive l’année prochaine. Nous avons désormais davantage de certitudes, après avoir échangé sur cette question avec le ministère de la culture, mais je tiens à rappeler que c’est là aussi une forme de soutien indispensable à la diversité pour les très petites entreprises du secteur.
Le Parlement – et nous vous en remercions à nouveau – a soutenu l’an passé le renforcement du CIPP, désormais géré par le CNM. Il avait très peu évolué depuis son origine, en 2006, au plus fort de la crise du disque. C’est heureux, car il est, là aussi, un vrai moyen de soutien à la diversité. Pour vous donner un ordre de grandeur, le CIPP représentait, depuis 2006, 10 et 11 millions d’euros de dépense pour l’État. Il devrait représenter, sous réserve de l’évaluation qu’en fera le CNM, environ 17 millions d’euros dans sa version renforcée. Là encore, ces éléments positifs ne doivent pas éteindre le contexte qui a été rappelé mais il est, me semble-t-il, important de le mentionner.
Je rejoins la Sacem quant au fait qu’il est nécessaire de lister les besoins, et je salue la mise en place de la mission parlementaire. Certes, la concertation permanente existe au CNM, mais le fait est que, pour l’instant, elle est intervenue alors que l’établissement bénéficiait de ressources exceptionnelles et que nous n’étions pas en mode de gestion de pénurie.
Enfin, je veux dire qu’il n’est évidemment pas question pour notre secteur de ne pas être mis à contribution et de ne pas compléter le modèle de financement du CNM. Nous sommes toutefois extrêmement attentifs à ce que ceci ne vienne pas remettre en cause le modèle sur lequel on se reconstruit. Nous souhaitons tout au contraire nous appuyer sur les acteurs qui, aujourd’hui, ne soutiennent pas suffisamment la création, comme les services de partage de contenus vidéo que sont Facebook, TikTok ou YouTube.