Intervention de Olivier Darbois

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 octobre 2022 à 9h35
Situation du centre national de la musique – audition

Olivier Darbois, président du Prodiss :

– Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier pour l’organisation de cette table ronde, qui nous permet, collectivement, de rappeler le rôle essentiel joué par le Centre national de la musique depuis bientôt trois ans, dont l’avenir est aujourd’hui au cœur de tous les débats de la filière musicale.

La semaine dernière encore, lors du MaMA Festival qui rassemble tous les acteurs du monde de la musique, nous échangions sur les défis et les moyens d’un CNM qui, rappelons-le, est encore très jeune, malgré l’expérience acquise pendant la crise sanitaire, celle-ci ayant d’ailleurs montré toute la légitimité de la création, en 2020, d’une vraie maison commune de la musique, à l’image de ce qui a été fait pour le cinéma.

Le Prodiss, que j’ai l’honneur de présider, qui est aujourd’hui la première organisation professionnelle du spectacle vivant privé et regroupe 400 entreprises, producteurs, diffuseurs, exploitants de salles et organisateurs de festivals, s’est mobilisé pendant plusieurs années pour la création d’une telle instance, jugée indispensable à la cohésion et au renforcement de la filière.

La gestion de la crise sanitaire par le CNM, seulement deux mois après sa création, et alors que le secteur du spectacle vivant est resté à l’arrêt durant deux ans, n’a fait que renforcer cette conviction.

Dans un contexte difficile et tendu, le CNM a fait preuve d’une agilité incroyable, permettant d’accompagner et même de sauver tout un secteur qui subissait encore des restrictions au premier trimestre 2022.

Néanmoins, le CNM n’a pas vocation à être uniquement le pompier de la filière musicale. Bien au contraire, il a des missions précises qui lui ont été confiées par la loi, et il est désormais temps de lui donner les moyens de les remplir, dans un contexte nécessairement bouleversé, d’abord par la crise sanitaire. Sur ce point, il est important de ne pas confondre reprise et relance. Certes, le secteur se relève progressivement, mais il doit être encore accompagné dans sa prise de risques, car la reprise se fait sous tension.

Par ailleurs, des enjeux plus structurels touchent toute notre filière. En effet, nous ne nions pas les mutations profondes que connaît le monde de la musique : numérique, transition écologique, compétences nouvelles. Accompagnons-les ! Pour le secteur du spectacle vivant, par exemple, l’évolution du live dans notre société est au centre de nos réflexions.

Nous savons d’ores et déjà que nous allons devoir opérer notre propre transition. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si nous parlons parfois de 2023 comme de l’année zéro du CNM, celle qui lui permettra enfin de déployer toute sa puissance pour répondre à des transformations de fond.

Or chacun le sait, un tel objectif n’est atteignable que si des moyens sont mis en place. Ce constat n’est évidemment pas qu’une marotte du Prodiss même si, rappelons-le, nous avons toujours alerté les pouvoirs publics sur l’importance de prévoir un financement pérenne pour le CNM afin d’éviter le syndrome de la coquille vide.

C’est en effet aussi une réalité, rappelée à plusieurs reprises par Jean-Philippe Thiellay. Que les choses soient claires : le budget du CNM, en 2023, ne sera pas à la hauteur des enjeux et de son ambition initiale. Que faire ? Devons-nous sacrifier certaines actions, au risque de rogner sur la diversité musicale ou sur notre souveraineté culturelle française ? Ce serait un contresens !

Dès lors, face au constat partagé selon lequel le CNM a besoin de ressources supplémentaires pour assurer ses missions, nous avons réfléchi collectivement à la façon d’assurer un financement solide, mais surtout équilibré, car maison commune ne veut pas dire maison témoin. Après l’avoir construite, il est essentiel de la consolider, de la préserver mais, surtout, d’y inclure tous les acteurs pour qu’ils s’y sentent réellement chez eux. L’idée n’est certainement pas de créer une multitude d’annexes autour de cette maison.

Vous le savez tous, l’idée d’une taxe ou contribution streaming pour renforcer le financement du CNM n’a pas fait l’unanimité. Or je veux le redire très clairement : nous avons besoin de tout le monde pour développer ce projet culturel français. Ainsi, nous, acteurs du spectacle vivant, avons-nous besoin de la musique enregistrée et travaillons déjà avec elle au quotidien depuis de très longues années.

Néanmoins, aujourd’hui, l’asymétrie dans le financement du CNM pose un problème réel. En dehors de l’État le spectacle vivant est le seul financeur du CNM via la taxe sur la billetterie. Ce n’est plus tenable pour une instance qui regroupe tous les acteurs de la filière musicale dans son périmètre.

C’est dès lors une question d’équité. C’est pourquoi nous sommes plusieurs acteurs du spectacle vivant, comme du secteur phonographique, à défendre une contribution des plateformes en ligne de streaming musical. Cela permettrait ainsi à tous les secteurs de la filière éligibles aux actions du CNM de partager les charges de la maison commune.

Preuve que le défi est immense, Mme la Première ministre vient de confier au sénateur Julien Bargeton, que je salue, une mission parlementaire sur le financement de la filière musicale, avec un volet consacré au CNM. Les résultats de cette mission sont évidemment très attendus. Des amendements ont été déposés par vos collègues députés sur le sujet, mais l’examen avorté du projet de loi de finances ne permettra certainement pas d’avoir une discussion à bâtons rompus dans l’hémicycle. Nous verrons si le Sénat s’en empare de son côté.

Si l’État a été au rendez-vous dans la création du CNM, il doit désormais être au rendez-vous de son développement.

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