Intervention de Laurent Lafon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 octobre 2022 à 9h35
Situation du centre national de la musique – audition

Photo de Laurent LafonLaurent Lafon :

président. – La parole est à Jean-Raymond Hugonet, qui a été le rapporteur de la proposition de loi sur la création du CNM.

M. Jean-Raymond Hugonet. – Je souhaiterais lire quatre lignes de la synthèse de ce rapport, qui louait la création du CNM, dont nous sommes tous très fiers : « Encore faudra-t-il que les réponses apportées à deux questions absentes de cette proposition de loi permettent aux acteurs de la filière musicale de trouver leur place et de vouloir effectivement se rassembler au sein de cette maison commune : la gouvernance de l’établissement, dont les modalités devraient être déterminées par voie réglementaire, comme son financement, dont la discussion est renvoyée au prochain projet de loi de finances, qui cristallise en effet les inquiétudes du secteur ». Ce n’est donc pas nouveau !

Depuis 44 ans que je pratique ce beau métier de musicien, j’ai l’impression de vivre le film Un jour sans fin. L’heure est grave ! Vous voudrez bien m’excuser de parler ici plus en tant que musicien que sénateur, mais il m’est impossible de faire autrement.

On sait que le secteur de la musique est depuis longtemps en profonde mutation. Je rappelle que c’est le secteur artistique qui, le premier, a connu la révolution numérique. Il l’a connu surtout dans ce qu’il y a de plus important dans la musique, mes chers collègues, et qu’on oublie trop souvent : les créateurs eux-mêmes ont eu à faire face à une révolution numérique et se sont parfaitement adaptés. Ils ont guidé nos vies depuis ce moment avec intelligence et en sachant rebondir à chaque fois, trouvant les moyens de nous faire vibrer.

Aujourd’hui, je suis à la fois très heureux et excessivement agacé. Je suis très heureux, parce que j’ai vraiment le sentiment qu’avec la création du CNM, on a franchi un pas très important en faveur de la musique, et donc de la vie. D’autres l’ont dit brillamment avant moi, notamment Victor Hugo : s’il n’y avait pas la musique, que seraient nos vies ?

En revanche, dès qu’il s’agit d’industrie, je m’agace véritablement : ce métier connaît des lignes de fracture énormes. Tout le monde s’embrasse sur scène – ici même peut-être, autour de la table –, mais entre la musique enregistrée et le spectacle vivant, ce n’est pas forcément l’amour fou, je peux vous le garantir, ayant la chance d’être depuis quelque temps sur scène le week-end.

Il y a un véritable gouffre entre le secteur subventionné et le secteur privé, les musiques savantes, les pratiques professionnelles et les amateurs. Une culture commune est nécessaire. Vous affirmez, monsieur le président – et merci encore une fois pour ce que vous faites avec vos équipes depuis la création du CNM – qu’il n’existe pas de problèmes de financement. C’est vrai pour la structure de base. C’est fondamental, mais le plus intéressant, c’est l’avenir, c’est ce dont on parle aujourd’hui et que l’on devrait avoir déjà abordé depuis un bon moment.

Pour mettre les musiciens autour de la table, c’est plus compliqué : quand le temps se couvre, chacun pense à sa chapelle. C’est un réflexe humain classique. Le CNM vient d’être créé, et c’est une excellente chose. Je défendrai ici aussi la Sacem, qui existe depuis bientôt deux siècles dans notre pays, et dont on peut être fier. Si je partage votre vision sur les objectifs transversaux, monsieur le président – je n’ai rien contre la transition écologique ni contre l’égalité femmes-hommes –, il n’en demeure pas moins qu’il existe des urgences. Elles ont été développées par David El Sayegh et sont très claires : ce sont les créateurs et l’export. J’aimerais que vous nous expliquiez si vous êtes d’accord et savoir comment vous allez faire pour y répondre.

Je voudrais également savoir pourquoi la réflexion n’a pu aboutir avant que des tiraillements n’arrivent sur la place publique, alors même qu’on a besoin d’union et qu’on est incapable de la réaliser. Je trouve cela contre-productif.

Enfin, comment percevez-vous la place des collectivités territoriales ? Elle est importante, et j’aimerais que vous puissiez approfondir cette question.

président. – Merci. Je précise que le film Un jour sans fin, évoqué par Jean-Raymond Hugonet, se termine bien.

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