– Les établissements d’enseignement supérieur et les organismes nationaux de recherche seront suivis et accompagnés au cas par cas. En plus de la mobilisation de leur fonds de roulement, ils pourront avoir un budget en déficit. Nous sommes en train d’étudier les modalités précises de cette compensation : celle-ci interviendra soit en tant que recette dans le budget 2023, soit en 2022 pour alimenter le fonds de roulement et sera compensée sur le budget déficitaire au moment des comptes. Nous donnerons les consignes précises aussi bien aux organismes qu’aux universités, lorsque nous en aurons décidé.
Vous l’avez dit, le fonds de roulement comprend une réserve de 15 jours de masse salariale, et d’autres parties qui sont plus ou moins gagées par des projets en cours ou à venir ; nous connaissons la répartition pour chacun des établissements. Ce que nous visons, c’est le fonds « dormant », c’est-à-dire la partie disponible que nous demandons de mobiliser par solidarité et responsabilité. Ce fonds est aussi prévu pour faire face à des situations de crise ; or nous sommes face à une crise, nous mobilisons donc tous les moyens qui ne compromettent pas les projets de recherche et nous préservons bien entendu les 15 jours de fonctionnement.
Le dispositif des CPJ a connu un démarrage plus long que nous ne l’envisagions, en raison d’un degré divers d’acceptabilité. Mais les crédits dédiés sont fléchés ; il n’est pas question de les réorienter, et je vous confirme qu’ils ne sont pas menacés.
L’ANR est mobilisée pour renforcer les liens entre sciences et société, pour la science participative, la science avec et pour la société. Vous avez raison de signaler que le Conseil national de la culture scientifique est « dormant », nous allons regarder de près cette question. Nous discutons aussi régulièrement avec France universités sur des sujets très divers, pour conforter en particulier le rôle territorial des universités.
La recherche polaire est déterminante pour la connaissance du changement climatique et des océans. Nous avons doté l’Institut Paul-Émile Victor de 11 postes supplémentaires entre 2021 et 2023, dont 7 l’an dernier, mais cet institut a des difficultés structurelles ; tous les postes n’y sont pas pourvus. Nous avons également financé 7,8 millions d’euros pour les études sur la rénovation de la base Dumont d’Urville. Il faudra régler le problème structurel en choisissant entre plusieurs scénarios de rénovation des stations et en regardant du côté des partenariats européens. En tout état de cause, je m’engage à ce que la campagne engagée de novembre à mars ne soit pas gênée – et je prévois, pour cela, une enveloppe d’urgence d’1 million d’euros. Aucune mission ne sera bloquée.
La réorganisation de l’année universitaire est une piste, il faut se mettre autour de la table.
Le rapport de la Cour des comptes sur l’immobilier universitaire – qui représente un peu plus de 18 millions de m2 –, souligne le fort impact écologique de notre patrimoine. Nous travaillons avec Christophe Béchu à une planification écologique, avec des propositions de rénovation énergétique et thermique, pour parvenir à un grand plan de rénovation ; nous espérons l’annoncer rapidement.
Le nombre de COMP n’est pas fixé, nous travaillons sur leur contenu et leur format. Ces nouveaux contrats serviront de levier pour les politiques prioritaires des établissements et permettront de mieux suivre l’évolution de leur performance. Je crois que nous irons vers leur généralisation, mais nous n’en sommes pas là.
J’ai demandé une mission d’expertise sur la qualité de la vie étudiante, elle sera lancée avec les acteurs locaux et vous y serez associés.
Nous lançons parallèlement la concertation sur la vie étudiante, avec une réflexion à la fois nationale et territoriale. J’ai nommé un délégué, Jean Michel Jolion, sur la question spécifique des bourses sur critères sociaux. Le débat commence et je ne peux le préempter. Cependant, je ne veux pas laisser penser que rien n’existe actuellement pour les jeunes qui sortent du foyer fiscal de leurs parents ; il y a des aides exceptionnelles des Crous en cas de rupture avec la famille.
Les Eespig ont effectivement évolué et le soutien de l’Etat a, il est vrai, atteint un plancher de 600 euros par élève ces dernières années. Mais nous avons commencé à inverser la tendance en 2021, avec une dotation augmentée de 9 millions d’euros. Nous maintenons notre effort avec 1 million d’euros supplémentaires prévu l’année prochaine pour ne pas la faire redescendre, compte tenu de l’évolution démographique.
M. Jean-Pierre Moga. – La France a une vision trop linéaire de l’innovation, que les pouvoirs publics soutiennent surtout par des appels à projets. Or ceux-ci ne s’inscrivent pas dans des feuilles de route industrielles et technologiques et ne permettent pas la vision sur le moyen et le long terme que nécessitent la recherche et l’innovation.
En réalité, nous devons améliorer l’enseignement scientifique dans notre pays. On estime que notre économie a besoin de 50 000 à 60 000 nouveaux ingénieurs par an, nous n’en formons qu’un peu plus de 33 000. Résultat : notre compétitivité recule. Le nombre de doctorants augmente, après avoir baissé fortement, mais il reste inférieur à celui de 2009. Dans ces conditions, comment attirer davantage d’ingénieurs et de doctorants, pour répondre aux besoins de notre économie ?
Mme Sylvie Robert. – Merci, Madame la ministre pour votre engagement, que nous saluons.
Vous parlez de la compensation du point d’indice, mais les personnels contractuels sont-ils intégrés ?
Les Crous vont avoir de nouveaux travailleurs sociaux - leur rôle a été très important pendant la crise sanitaire : pensez-vous que l’enveloppe prévue suffira à faire face aux hausses des prix alimentaires et de l’énergie ? On nous rapporte que les prix de confection des repas augmentent, les contraintes sont réelles... Quel regard portez-vous sur le rapport de la Cour des comptes qui appelle à une révision du modèle économique des Crous ?
M. Pierre Ouzoulias. – Merci, Madame la ministre, pour la clarté et la précision de vos propos.
J’aurais voulu interroger celui qui, dans l’exécutif, tient les clés de la caisse : M. Bercy ! Lorsqu’en juillet dernier, je l’ai alerté sur le fait que certaines universités manquaient déjà de moyens pour la rentrée, je n’ai pas obtenu de réponse ; maintenant que des difficultés se sont ajoutées, les universités vont devoir quémander des moyens supplémentaires pour assurer leurs missions de service public. Cette forme de curatelle budgétaire est opposée à l’autonomie des universités. Notre humanité fait face à des défis majeurs, nous ne pourrons pas les régler sans un engagement massif, historique, dans la recherche et l’université – mais nous butons sur ce mystère, qui est aussi une question que je vous pose : pourquoi les élites françaises n’aiment-elles pas les universités ? Je le dis en passant, mais si les étudiants descendent dans la rue, le Gouvernement ne disposera pas de la réquisition pour les faire revenir à l’université – et cela coûtera bien plus cher à M. Bercy…
Le Gouvernement, pour former 25 000 hauts fonctionnaires à la transition énergétique, a prévu de recourir aux lumières de l’Institut national du service public (INSP) : pourquoi ne s’est-il pas adressé aux universités ? Cela aurait été un symbole fort…
Votre prédécesseure, ensuite, s’était engagée à une centaine de conventions de formation par la recherche en administration (cofra). Pour cette année, il n’y en a eu qu’une dizaine : le signal est catastrophique et je regrette que l’engagement pris devant nous n’ait pas été tenu. La comparaison avec l’Allemagne pour le nombre de ministres titulaires d’un doctorat témoigne d’un décalage et peut-être explique que nous ayons tant de mal en France à promouvoir la valeur du doctorat...
M. Jean Hingray. – Les universités ont salué l’augmentation des crédits pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes, mais des associations féministes étudiantes soulignent que ces crédits restent quatre fois moindres que ceux consacrés à la santé : est-ce le cas ?
À Rennes, des étudiants et syndicats étudiants dénoncent l’exclusion des hommes d’un atelier informatique organisé par le service culturel de l’Université : comment réagissez-vous à cette nouvelle polémique ? Et que pensez-vous de l’appel à l’insurrection lancé par le député Louis Boyard lors d’une conférence devant des étudiants à Strasbourg ?
M. Bernard Fialaire. – Une question sur l’égalité des chances dans l’accès aux classes préparatoires. Il y avait cette année 83 000 étudiants en classes préparatoires, 63 % en filière scientifique, 23 % en économie et 14 % dans les filières littéraires. Les prépas publiques donnent de très bons résultats en sciences et en lettres, mais pas dans les filières économiques : sur les 10 meilleures prépas, 7 sont privées, avec un coût moyen de 5 000 euros l’année – comment redonner une meilleure place aux prépas publiques ?
Concernant la place croissante des officines privées dans la préparation des études de santé, Mme Vidal nous avait assuré que la fin du numerus clausus règlerait les problèmes d’effectifs. Or il n’en n’est rien : il n’y a jamais eu autant de candidats dans ces filières ! Certaines universités envisagent des tutorats pour accompagner les étudiants dans la préparation du concours, qu’en pensez-vous ?
Sur la recherche en mathématiques, on voit qu’il y a toujours moins de professeurs, mais plus de tâches administratives...
Comment évaluez-vous le rôle des CPJ ? Mme Vidal avait assuré que pour chaque CPJ, on ouvrirait un poste de professeur : où en est-on ?
Enfin, quelle évaluation faites-vous du crédit d’impôt recherche (CIR) ?
M. Max Brisson. – A propos de la territorialisation des bourses, les collectivités territoriales aident déjà les étudiants sur des critères sociaux – aussi la concertation est-elle de bon sens, mais pourra-t-on aller jusqu’au guichet unique, qui faciliterait la vie des étudiants ? Même chose pour la vie étudiante dans son ensemble, et sans aller jusqu’à relayer le propos de la présidente de la région Ile-de-France, qui demande le transfert de cette compétence aux régions, je note que vous avez déclaré dans le journal Le Monde du 15 septembre être « en consultation de terrain » : jusqu’où irez-vous dans la réforme ?
S’agissant de la recherche, je suis heureux de vous entendre annoncer une extension de la revalorisation « au stock » des doctorants - mesure aujourd’hui limitée au « flux » -, mais peut-on en savoir davantage sur les modalités de répartition ?
La LPR avait suscité bien des débats, sur la non prise en compte de l’inflation. Mme Vidal et son collègue de Bercy nous répondaient que nous étions à l’abri de l’inflation ; elle est désormais historique, mais aucune revalorisation n’est prévue. Vous allez répondre sur la compensation des dépenses d’énergie, mais cette compensation est conjoncturelle, alors que la crise ne le sera probablement pas – à ce compte-là, ne faut-ils pas adapter la LPR ?
La loi sur l’école de la confiance avait prévu que le master serait le cursus prépondérant au métier d’enseignant, nous en sommes encore très loin : pourquoi ? Le décalage des dates des concours de M1 à M2 a eu un effet mécanique sur le nombre de candidats, au point qu’il y en a eu moins, dans certaines disciplines, que le nombre de postes : est-ce conjoncturel ou structurel ? Comment y travaillez-vous avec le ministre de l’éducation nationale ?
Enfin, comment comptez-vous faire face à la réduction du vivier de professeurs de mathématiques ? La réponse que vient de donner le ministre de l’éducation nationale à notre collègue Laure Darcos lors des questions d’actualité a de quoi inquiéter…
M. Pierre-Antoine Levi. – Je salue la hausse des crédits, mais je suis déçu par le volet « vie étudiante » ; il faut plus de moyens face à la précarité. Les classes moyennes sont aussi touchées, en particulier quand les étudiants n’accèdent pas aux logements du Crous, ni au repas à 1 euro. Pourquoi ne pas avoir maintenu le repas à 1 euro pour tous les étudiants ?
Ensuite, quelles solutions pour les étudiants dont les établissements ne proposent pas de restauration universitaire ? Il faut regarder les zones blanches des Crous, je regrette que vous ne repreniez pas ma proposition d’un ticket restaurant et j’avoue que vos crédits… me laissent sur ma faim… Il est temps de proposer des solutions à ces étudiants, qui n’ont pas toujours deux repas par jour.
Mme Sonia de La Provôté. – Lors de votre audition du mois de juillet, vous nous aviez dit que vous n’entendiez pas réformer une nouvelle fois l’accès aux études de santé ; cependant, des ajustements restent nécessaires et il faut prendre garde à ne pas pénaliser les promotions d’étudiants d’aujourd’hui : comment comptez-vous vous y prendre ? Ensuite, quand on voit le nombre de places en pharmacie qui ne sont pas pourvues, alors que les pharmaciens sont appelés à jouer un rôle toujours plus grand dans l’offre de soins, on comprend tout le travail qu’il faudrait faire pour promouvoir cette filière dès le lycée : qu’en pensez-vous ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Depuis quelques années, les étudiants doivent payer la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qui est d’autant plus mal comprise qu’elle grève un budget étudiant déjà bien maigre, voire insuffisant et que le pouvoir d’achat des étudiants est en chute libre. J’ai déjà défendu un amendement au dernier collectif budgétaire pour supprimer cette taxe et je compte réitérer – parce que si l’objectif est honorable, je ne comprends pas qu’on taxe davantage les étudiants. La CVEC rapporte 137,9 millions d’euros, quelle part en revient effectivement aux Crous ?