Merci pour votre invitation, je vous présenterai dans leurs grandes lignes les moyens que le ministère de l'intérieur va mettre en place pour organiser ces événements.
C'est le Premier ministre Manuel Valls, en 2016, qui a désigné le ministre de l'intérieur comme unique responsable de la sécurité des JO de Paris : cette responsabilité me revient donc. Nous répondons à quatre menaces : terroriste, d'ordre public, cyber - il y a eu pas moins de 4 milliards d'attaques cyber pendant les JO de Tokyo - et menace « délinquante », que nous qualifions comme telle en nous inspirant de ce qui s'est passé lors de la dernière finale de la ligue des champions au Stade de France.
Nous consacrons à la sécurité des Jeux un ensemble de 15 milliards d'euros. Les moyens supplémentaires, outre ceux de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), sont inscrits dans le budget pour 2023 que vous examinerez très prochainement. Nous y avons prévu une augmentation très forte de la présence des forces de l'ordre sur la voie publique, gendarmes mobiles et CRS, un renforcement des moyens technologiques, avec par exemple 200 millions d'euros dans cette loi de finances pour refaire les salles de commandement concernées, ainsi que celle, centrale, du ministère de l'intérieur. Nous demandons également des moyens supplémentaires de vidéo-protection, et de lutte anti-drones - je précise que je partage avec le ministère des armées la responsabilité de cette lutte contre les drones, afin de prévenir des attentats avec des drones armés qui attaqueraient la foule.
La coupe de monde de rugby, l'an prochain, sera une répétition générale des Jeux, avec la mobilisation, en moyenne, de 7 000 forces de l'ordre par jour, c'est beaucoup. Pendant les JO, nous recevrons 10 500 athlètes venus de 206 nations, y compris de nations qui font particulièrement l'objet de menaces, comme Israël et les États-Unis, nous devrons assurer la protection de 40 sites de compétition, dont la moitié en Ile-de-France et 7 en hyper centre de Paris, il y aura 6 000 journalistes présents sur notre sol, venus du monde entier, 10 millions de spectateurs, et 4 milliards de téléspectateurs ; 22 villes accueilleront des épreuves jusqu'en Polynésie française, ce qui nous oblige à une projection des forces. 13 millions de billets seront vendus à partir de février 2023, sachant que ce n'est pas le ministère de l'intérieur qui est responsable de la billetterie elle-même, mais le comité d'organisation des JO.
Les Jeux paralympliques, eux, accueilleront 4 400 athlètes et auront, eux aussi, une cérémonie d'ouverture, qui devrait se dérouler place de la Concorde, au moment même où Paris retrouvera son activité d'après les Jeux olympiques.
Nous devons faire également face à des menaces qui pouvaient hier faire sourire mais que nous prenons désormais très au sérieux, depuis la guerre en Ukraine, je veux parler de la menace nucléaire, biologique ou chimique.
Nous allons mobiliser plus de 30 000 policiers et gendarmes par jour sur tout un mois, cela implique un très grand travail de préparation. Je consacre deux réunions par semaine à ce sujet, je préside le comité ad hoc de mes directeurs, je réunis les préfets et les élus concernés - en tout, je consacre un bon tiers de mon temps de ministre aux Jeux, un défi que notre pays n'a pas connu à cette échelle. En Ile-de-France, il y aura entre 12 000 et 45 000 forces de l'ordre par jour, avec en point d'orgue la cérémonie d'ouverture, qui se déroulera, pour la première fois de l'histoire des Jeux, hors d'un stade, au bord et sur la Seine avec environ 600 000 spectateurs. Nous élaborons des scénarios de sécurité sur un territoire large, sur l'hinterland des Jeux en quelque sorte : dans les transports en commun, nous aurons par exemple 700 patrouilles qui circuleront simultanément, c'est du jamais vu dans notre pays.
Comment parviendrons-nous à mobiliser de telles forces de l'ordre, sachant que l'effectif global, avant l'application de la Lopmi, est de 250 000 policiers et gendarmes, y compris ceux qui sont en formation, en congés, en arrêt-maladie - donc une base de 140 000 à 150 000 agents sachant que la vie va continuer, qu'il y aura des besoins partout, ne serait-ce que pour la sécurité des quelque 3 000 écrans olympiques qu'on annonce, et qu'il faudra donc conserver une marge de forces disponibles.
Pour y parvenir, j'ai décidé de mettre fin, le temps des Jeux, à la distinction entre zone de police et zone de gendarmerie - la compétence est réglementaire et cette distinction est en réalité déjà effacée par exemple lorsque des gendarmes mobiles interviennent dans des manifestations qui se déroulent en zone de police. Nous devons utiliser toutes les ressources là où l'on a besoin d'elles et il est plus efficace de disposer d'un ensemble sans cette distinction de zones ; nous raisonnerons par mission : des gendarmes, par exemple, pourraient être responsables de la sécurité de la gare de Saint-Denis, tandis que la police serait responsable de la sécurité dans le centre-ville et autour du Stade de France : nous serons alors dans cette logique de responsabilité, avec un chef, un résultat. La suspension des zones de police et de gendarmerie permettra aussi, par exemple, que des policiers en région qui se trouveront envoyés sur un site olympique, pourront être temporairement remplacés par des gendarmes de territoires voisins : on peut imaginer que des communes en zone de police soient couvertes par la gendarmerie le temps des compétitions.
J'ai demandé aux préfets pour la fin de ce mois une première proposition de sécurisation de tous les lieux concernés par les Jeux, y compris les lieux d'entrainement, les fan zones et les zones sensibles. Nous allons établir une première carte pour répartir ces moyens et identifier très précisément les missions, leurs responsables et leurs moyens, en précisant bien ce qui relève des événements en particulier et de la gestion du reste de la sécurité publique. Cela pose évidemment des problèmes pratiques d'hébergement, de restauration, qu'il nous faudra gérer.
Ensuite, nous allons utiliser les réserves des écoles de police et de gendarmerie : cela représente 7 000 effectifs qui auront fait huit mois de formation, ce qui correspond au format d'avant la réforme - ils n'auront pas les quatre mois de qualification d'OPJ mais cela ne sera pas nécessaire aux tâches qu'on leur confiera. De même, nous portons à 8 500 le nombre des réservistes : la gendarmerie a déjà les réseaux pour cette extension et, dans la police nationale, la réserve est une nouveauté que je vous remercie d'avoir votée - et nous commençons à mettre en place cette réserve de policiers citoyens.
Pour mobiliser les forces de l'ordre nécessaires, je demande aussi l'annulation ou le report tous les grands événements qui sont prévus aux mêmes dates que les Jeux, comme les grands festivals culturels, sportifs, les grands concerts, les grandes braderies comme celle de Lille - nous avons commencé ce travail avec les élus, il ne s'agit pas de reporter tous les événements, mais suffisamment pour disposer des forces de l'ordre nécessaires aux Jeux. J'ai décidé également de supprimer en 2024 la mission des CRS de plages - une mission que j'ai maintenue mais qu'il sera impossible d'honorer quand, dans l'idéal, il faudrait distribuer 300 unités de forces mobiles en simultané, ce qui n'est guère dans nos moyens...
Autre mesure : j'ai déjà annoncé aux forces de l'ordre que, sauf exception, il n'y aurait pas de congés de juin à août 2024 ; cela vaut pour toute la hiérarchie, y compris l'état-major puisque le chef montre l'exemple : les congés seront décalés, j'ai demandé à toutes les directions du ministère d'appliquer cette consigne.
Enfin, nous en reparlerons, nous avons besoin de quelque 25 000 agents de sécurité privée.
La cérémonie d'ouverture, le 26 juillet 2024, représente le défi majeur. Il y aura les 100 000 spectateurs des quais « bas », qui auront payé, souvent très cher, leur billet pour assister à cette cérémonie en bord de Seine, avec toutes les « facilities » accompagnant ce genre d'événements afin d'en faire une « expérience client » mémorable, qu'organisent ceux qui en ont la charge ; et il y aura, sur les quais « hauts », dans la rue, environ 500 000 personnes qui viendront pour voir ce qui se passe. Le contenu précis de l'événement n'est pas encore fixé, il se déroulera apparemment sur des barges qui vogueront sur la Seine, il pourrait y avoir un grand feu d'artifice au pied de la tour Eiffel, des concerts, des fans zones le long du parcours... J'attends des retours du comité d'organisation et de la ville de Paris, ma tâche n'est pas des plus faciles puisqu'on me demande de protéger des événements qui ne sont pas encore définis précisément - le tout à Paris mais pas seulement.
Nous attendons donc, ce 24 juillet 2024, environ 600 000 personnes en hyper-centre de Paris, dans des conditions très particulières et qui poseraient d'énormes problèmes d'ordre public si les choses se passaient mal - vous connaissez la configuration des lieux, avec des ponts, des passerelles, des quais, des îles à sécuriser mais qui sont habitées et qui donc continuent à vivre avec leurs problèmes du quotidien, il y aura aussi la tribune officielle devant la tour Eiffel avec des chefs d'État et de gouvernements venus du monde entier...
Tout ceci est un très grand défi, nous y travaillons déjà beaucoup avec le préfet de police de Paris et la ville de Paris. Il y aura, ce jour-là, 35 000 agents des forces de l'ordre dans la capitale, nous souhaitons la mise en place d'une billetterie gratuite, car nous sommes en réalité dans une situation d'établissement recevant du public mais à ciel ouvert, la billetterie nous permettra de répartir le public par zones, donc de mieux le sécuriser, sachant qu'on ne pourra accéder aux quais « bas » qu'en passant par les quais « hauts » - et nous devrons faire tout ceci en quelques heures, en maintenant les conditions de la sécurité civile parce qu'il ne fait aucun doute que des gens feront des malaises, qu'il y aura des malades à évacuer, qu'il pourra y avoir, dans toute cette zone, des problèmes d'ordre public et qu'il faudra, qui plus est, comprendre et se faire comprendre d'un public pas toujours francophone...
Nous mobiliserons également 3 000 agents de sécurité privée. Vous savez que ces agents ne sont pas assez nombreux et que nous avons renforcé l'exigence des critères de recrutement, dans le sens de la sécurité. Nous associons les polices municipales et je salue à ce titre l'engagement de la ville de Paris à recruter 3 000 policiers municipaux supplémentaires en 2024. Ces moyens nous aideront mécaniquement, car les missions que ces agents rempliront dans le cadre de la répartition que nous aurons décidée, les forces de l'ordre n'auront pas à s'y consacrer et seront disponibles pour leurs propres tâches. J'entends dire parfois qu'il n'y aurait qu'à mobiliser l'armée, mais ce n'est pas le travail de l'armée que d'assurer l'ordre public, car ce n'est pas son métier.
La lutte anti drones est placée sous l'autorité du ministre de la défense et du gouverneur militaire de Paris, et il nous revient, au ministère de l'intérieur, d'analyser la vulnérabilité des sites. Nous nous réunissons à ce propos avec le ministère des armées.
Nous voulons également le « zéro délinquance » sur les lieux d'accueil des Jeux. Pour le préparer, j'ai demandé que dans chaque préfecture concernée, des opérations anti-délinquance soient conduites d'ores et déjà pour démanteler la délinquance des sites que l'on connait, sur les sites mêmes d'accueil et sur leur hinterland, ce qui revient en réalité à couvrir l'intégralité de la Seine-Saint-Denis par exemple. Nous prévoyons 5 500 opérations à partir de la semaine prochaine, dont 3 500 en Ile-de-France ; il s'agit véritablement de harceler la délinquance, de lutter par exemple contre ce qu'on appelle les vols d'appropriation, ceci par tous les moyens, y compris la police administrative - laquelle prend du temps, j'ai demandé qu'on veille aux délais mais aussi qu'on utilise les moyens dont nous disposons en matière de contrôle vétérinaire, de contrôle financier et social, nous demandons aux maires d'user de leurs pouvoirs de police notamment en matière d'urbanisme et de voierie. Nous avons devant nous dix-huit mois pour faire ce travail de harcèlement et de nettoyage - et ce sera un héritage des JO, nous aurons été au rendez-vous si, après les Jeux, la délinquance a baissé sur tous ces territoires.
Nous renforçons nos moyens de vidéo-protection. La ville de Paris a demandé à l'État d'augmenter le nombre de caméras, nous allons ajouter au minimum 400 caméras dans la capitale et nous en ajouterons également au moins 500 dans les communes limitrophes, j'ai prévu des moyens pour le faire. Je fais remarquer que si j'ai la main pour le faire à Paris, la compétence étant étatique, je ne peux guère décider à la place des maires dans les autres villes, à qui le législateur a confié cette compétence - je peux dire que les échanges que j'ai avec certains maires ne garantissent pas une avancée sur ce dossier, alors que nous parlons de sécurité des Jeux, je soumets cette remarque à votre sagacité.
Nous devons aider l'embauche par les sociétés de sécurité privée, elles ont accepté d'augmenter les rémunérations, cela va dans le bon sens. Les services de l'État sont mobilisés, Pôle emploi est mobilisé, l'État paie la formation des agents, c'est largement dérogatoire et c'est un levier important pour aider à l'embauche.
La lutte contre le terrorisme est évidemment prioritaire, nous sommes face à une menace très, très élevée, car un terroriste ne peut rêver meilleure audience que 4 milliards de téléspectateurs. Un acte terroriste peut être commis par un commando armé venu de l'étranger, aussi bien que par une personne déjà présente sur notre territoire, connue ou inconnue de nos services - je signale que 90 % des personnes impliquées dans un acte terroriste ces dernières années n'étaient pas connues de nos services. J'ai demandé à la DGSI de mobiliser tous ses agents sur le suivi des personnes que nous connaissons, qu'elles relèvent de la mouvance islamiste, de l'ultradroite ou de l'ultragauche, nous allons utiliser tous les outils à notre disposition, qu'ils soient judiciaires ou de renseignement. Nous avons besoin de moyens supplémentaires de détection et d'exploitation, nous en parlerons en loi de finances. Nous travaillons avec tous les services de renseignements, j'ai demandé que la DGSI élabore une doctrine spécifique pour ce type d'événements.
Le défi des Jeux est donc très important. Nous avons retenu les 15 propositions du rapport que vos deux commissions ont rédigé, à l'exception de celle consistant à faire du délégué interministériel aux grands événements sportifs (Diges) le responsable opérationnel de l'organisation des grands événements sportifs internationaux et de lui reconnaître un rôle de coordination des différentes autorités concernées - nous en reparlerons dans le débat sur le projet de loi que le Gouvernement présentera en préparation des Jeux.
J'attire votre attention sur la spécificité du football au regard de l'ordre public. Nous avons dû mobiliser récemment à Versailles trois unités mobiles pour un match de Nationale 2 ; pour avoir été, il y a quinze ans, arbitre de ce type de match, je sais que la violence actuelle est d'une tout autre dimension que celle que nous connaissions avant. Les instances du football y réfléchissent, nous examinerons leurs propositions. Je le dis aussi pour signaler que les événements liés aux Jeux ne relèvent pas de ce registre très particulier au football.