Quelles missions confier à l'armée et quelle articulation avec les forces de l'ordre ? Je ne suis pas favorable à ce que l'armée fasse le travail des policiers et des gendarmes, les métiers sont différents. La surveillance aérienne, en particulier contre les drones, la présence dans les aéroports, l'opération Sentinelle également, constituent déjà un programme de travail conséquent. C'est la première fois que nous aurons une couverture anti-drones sur un territoire aussi grand - pour le moment, seul l'Élysée et mon ministère Place Beauveau en bénéficient... -, nous découvrons les outils d'interception, avec en particulier la question difficile des drones armées de bombes... Nous discutons aussi avec le ministère de la défense pour voir si certaines tâches pourraient être confiées à l'armée, par exemple la garde des barges qui seront utilisées pour la cérémonie d'ouverture - mais rien n'est encore arbitré.
Qui décide de quoi ? Je suis responsable de la sécurité en dehors des lieux de compétition, et la sécurité à Paris est entre les seules mains du préfet de police, elle ne relève donc pas du DIJOP. Le projet de loi de préparation des JOP proposera aussi que, le temps des JOP, le préfet de police de Paris ait également entre ses mains la sécurité de l'ensemble de la grande couronne parisienne, y compris celle des ports et aéroports - c'est plus cohérent et j'encourage la SNCF et la RATP à se regrouper également. Une disposition écrite me parait nécessaire en particulier pour gérer la sécurité sur les sites des Jeux. Et quand je demande à être responsable de la sécurité, je demande également, par voie de conséquence, à avoir le dernier mot sur la disposition des équipements, sur les circulations qui seront organisées, en particulier le jour de la cérémonie d'ouverture.
Comment parvient-on à une évaluation de 500 000 personnes sur les quais « hauts » le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux ? C'est le nombre qui paraît correspondre aux espaces disponibles sur ces quais, une fois les équipements installés. C'est déjà considérable et c'est pourquoi je demande une billetterie gratuite, elle nous donnera les moyens d'instaurer des périmètres pour répartir la foule, pour connaitre l'identité des personnes qui viennent, et elle permettra aussi de communiquer avec les gens, pour que chacun sache ce qu'il en est. Pour ce faire, nous avons évidemment besoin de connaître précisément le programme et de statuer sur l'accès par exemple au feu d'artifice de la tour Eiffel et aux concerts qui sont apparemment prévus. Et de telles mesures exorbitantes du droit commun supposent un texte de loi, nous en débattrons dans le projet de loi et j'en parle d'ores et déjà avec la maire de Paris.
Les chiffres que je vous ai annoncés sur la présence des forces de l'ordre sont sans équivalent à ce jour : 45 000 policiers et gendarmes sur les 12 kilomètres de la cérémonie d'ouverture, c'est 3 750 par kilomètre, soit près de 4 tous les cent mètres : du jamais vu ! Cependant, ces chiffres sont par deux vacations, il y a donc une rotation. Cette présence inédite pose d'ailleurs de redoutables problèmes logistiques, puisqu'il faut loger, nourrir, acheminer ces forces, dans un contexte francilien déjà surchargé...
La comparaison avec les incidents au stade de France est limitée, même si nous en tirons les enseignements, parce que, sans refaire le débat approfondi que nous avons eu sur ces incidents, vous savez qu'ils tiennent à ce que des policiers présents dans le public, face à une délinquance sur des personnes, sont allés tenter de tenir des grilles et qu'il y a eu de la délinquance d'appropriation - et qu'on a dû alors, faute d'effectifs suffisants, changer de stratégie sans coordination. J'observe que les incidents lors du concert du rappeur Booba, il n'y a pas eu une telle délinquance et que l'origine des troubles tient à la billetterie...
Sur la situation de la gare du nord, il faut bien comprendre que, si je respecte pleinement les compétences de la maire de Paris, la situation de la capitale est particulière, en vertu de quoi le législateur a confié des compétences de voierie aussi à l'État. Et lorsque nous avons contesté le projet de piétonisation des alentours de cette gare, le tribunal administratif nous a donné raison - c'est heureux parce que, sans me prononcer en opportunité, je sais que tel ou tel projet de piétonisation a des conséquences sur les circulations dans la capitale, donc aussi sur l'accès des forces de sécurité et de secours. Quoi qu'il en soit, mon collègue Clément Beaune réunit régulièrement un comité de pilotage « transports » pour les Jeux olympiques et paralympiques, pour avancer sur cet enjeu très important.
La reconnaissance faciale a peut-être d'autant mieux fonctionné au Japon, qu'il n'y a quasiment pas eu de spectateurs aux JOP de Tokyo, c'est un facteur important pour l'organisation... Je constate que le Qatar, pour le Mondial de football, met en place un tel outil. Je constate aussi que, dans le dossier de candidature aux Jeux, la ville de Paris a annoncé des outils technologiques que le Parlement n'autorise pas aujourd'hui. Je me suis déjà exprimé sur ce point : je ne suis pas pour la reconnaissance faciale, un outil qui relève d'un choix de société et qui comporte une part de risque - car je crois que nous n'avons pas les moyens de garantir que cet outil ne sera pas utilisé contre les citoyens sous un autre régime. En revanche, je plaide pour le renforcement de la vidéo-protection dite intelligente, qui permet de cibler non pas tel ou tel individu, mais des personnes répondant à tel signalement, ou encore des catégories de gestes, comme la dégradation de biens publics - et j'ai demandé à la Première ministre d'arbitrer dans ce sens le projet de loi préparant aux Jeux.
Je ne peux guère répondre sur la billetterie, car elle n'est pas de ma responsabilité - les solutions recourant à la blockchain paraissent intéressantes, mais elles ne sont pas de mon ressort, je me contente d'examiner les risques de troubles à l'ordre public liés à la billetterie.
Enfin, la sécurité privée recrute beaucoup et doit encore beaucoup recruter. Ce sont de beaux métiers, qui ont été revalorisés, et la capacité de recrutement dépend aussi de l'appel d'offre de l'organisateur - ce n'est donc, ici encore, pas l'État qui a la main.