Intervention de Olivia Grégoire

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 octobre 2022 à 18h00
Audition de Mme Olivia Grégoire ministre déléguée auprès du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargée des petites et moyennes entreprises du commerce de l'artisanat et du tourisme

Olivia Grégoire, du commerce, de l'artisanat et du tourisme :

ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. - C'est pour moi un plaisir sincère et un grand honneur de vous retrouver pour évoquer le large périmètre dont j'ai la charge au sein du Gouvernement, et qui comprend les PME, le commerce, l'artisanat, le tourisme, mais aussi les indépendants, les professions libérales et la consommation. Mon propos liminaire sera assez lacunaire, car le sujet est vaste ; nous échangerons ensuite.

Mon périmètre comprend l'économie de proximité, qui ne fait pas assez la « une » des journaux, qui s'occupent davantage des start-ups et des grands groupes. Or cette économie fait la « une » de notre quotidien : c'est le restaurant où l'on aime déjeuner, le boulanger, l'avocat, le comptable. Ce sont quatre millions de PME représentant 99,8 % des entreprises en France, la moitié des emplois salariés en ETP, plus de 40 % de la valeur ajoutée.

C'est aussi une économie de la complexité : une boulangerie et une agence de tourisme n'ont pas les mêmes enjeux, de même qu'un grand magasin spécialisé peut difficilement se comparer à un cabinet d'avocats. Mais tous relèvent de mon ministère. Celui-ci a comme fil rouge d'aider ces acteurs économiques à affronter la complexité de leur environnement administratif alors qu'ils ont les yeux rivés sur leur carnet de commandes et leur tableau de trésorerie.

Il y a quelques années, on estimait que le développement des entreprises était bridé par le « mur de l'argent ». Grâce à l'action résolue du Gouvernement lors du premier quinquennat, avec la forte baisse de l'impôt sur les sociétés, le début de la baisse des impôts de production, et le soutien financier de Bpifrance, nous avons fait tomber ce mur. Il ne faudrait pas qu'apparaisse un nouveau mur des complications bureaucratiques, qui freinerait la croissance de nos entreprises, qui les empêcherait d'aller chercher des aides, et que faciliterait notre passion pour les jardins à la française...

L'État doit être un facilitateur. Je salue le travail de Bruno Le Maire et de mes prédécesseurs, comme Jean-Baptiste Lemoyne, durant la crise du coronavirus : nous avons démontré notre capacité à faire simple et vite, et montré l'efficacité de nos administrations et de nos agents, trop facilement décriés. Nous pouvons toujours améliorer les choses, mais nous pouvons aussi nous féliciter des réalisations au service de nos entreprises.

La crise des prix de l'énergie souligne combien nous avons besoin de cet État facilitateur : tous les jours, je croise des chefs d'entreprise angoissant sur la renégociation de leur contrat énergétique. Dès cet été, nous avons travaillé sur ce sujet avec le paquet Pouvoir d'achat. Nous sommes attentifs à toutes les entreprises subissant un déséquilibre trop important. L'augmentation des prix est un fait, mais il n'est pas question qu'elle devienne une fatalité.

Je reviendrai sur les aides aux petites entreprises, mais permettez-moi de rappeler d'abord que la crise est conjoncturelle. Les prix finiront par baisser, certes, mais sans retrouver leurs niveaux précédents... La crise est aussi, en partie, structurelle : les prix des énergies fossiles resteront durablement plus élevés.

L'État est au rendez-vous : nous avons bloqué les prix du gaz et de l'électricité au bénéfice de 1,5 million de TPE bénéficiant du tarif réglementé. Ce bouclier sera intégralement prolongé en 2023. Nous avons annoncé des aides résilience et le prêt garanti par l'État-résilience (PGE-résilience) : l'État aide ainsi directement les entreprises les plus affectées. Publié le week-end dernier, le décret assouplissant les critères des aides résilience tient compte des difficultés des entreprises, notamment concernant l'excédent brut d'exploitation (EBE). Avec Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et Roland Lescure, nous continuons à travailler avec les producteurs et les fournisseurs d'énergie pour trouver des mesures pouvant être mises en oeuvre rapidement au service de notre tissu économique. Nous réunirons demain matin les fournisseurs d'énergie à Bercy.

Structurellement, le Gouvernement est dans l'action : nous négocions avec nos partenaires européens ; en ce moment, Bruno Le Maire est à Luxembourg. Vendredi 30 septembre, les Européens se sont accordés pour créer une contribution exceptionnelle pour les entreprises du secteur énergétique qui réalisent des profits majeurs. Cette contribution sera pour partie reversée aux ménages, mais aussi aux entreprises confrontées à l'explosion des prix. Les négociations se poursuivent pour faire baisser les prix de gros du gaz dans les prochains jours, possiblement lors du sommet du 7 octobre à Prague ou lors du sommet des ministres de l'énergie les 10 et 11 octobre prochains.

La loi protège déjà les TPE de moins de dix salariés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros pour leurs sites et qui n'utilisent pas plus de 36 kilovoltampères (kVA). Éligibles aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRV), ils bénéficient donc du bouclier tarifaire. Nous essayons de créer les conditions pour que davantage d'entreprises soient couvertes par un mécanisme analogue. Les problèmes ne sont pas encore réglés, mais ils sont traités avec la préoccupation nécessaire. Je reste extrêmement attentive aux remontées de terrain pour adapter nos réponses.

L'État a démontré sa capacité d'adaptation et sera toujours prêt à bouger pour protéger ses entreprises : les aider à franchir la montagne, sans leur faire croire que la montagne n'existe pas. La hausse des prix de l'énergie est un moment à dépasser. Nous ne pourrons pas revenir à la surconsommation que nous connaissions hier. Nous faisons face à un ajustement rapide d'un prix considéré auparavant comme un acquis. Depuis des dizaines d'années, ce prix bas nous a fait oublier que le gaz et l'électricité avaient un coût. Ce coût résulte de choix géopolitiques et écologiques concernant des ressources étrangères et rares, y compris pour la France, pourtant mieux protégée par sa production nucléaire.

Jeudi prochain, je serai auprès de la Première ministre pour présenter les résultats de nos travaux sur la sobriété, aux côtés des acteurs du commerce de détail, de la grande distribution, de l'hôtellerie, du commerce et de la restauration, de l'événementiel, des parcs à thème, des commerces de gros, du thermalisme et du ski. Je présenterai les résultats de nos concertations engagées depuis plusieurs mois, qui permettront d'anticiper d'éventuelles difficultés d'approvisionnement en gaz et en électricité. La sobriété ne doit pas être une mode passagère, mais le début de la transformation profonde du modèle de nos entreprises vers la neutralité carbone.

L'adaptation au changement climatique de toutes les entreprises - y compris le restaurateur ou le plombier, infiniment moins émetteurs de gaz à effet de serre que de grandes industries - est au coeur de ma feuille de route. La transition écologique et énergétique est l'affaire de tous. D'abord, elle impose une transformation de tous nos modèles ; ensuite, les consommateurs exigent ce changement, autant des grands groupes que des petites entreprises ; enfin, talents, jeunes et salariés d'aujourd'hui et de demain sont de plus en plus sensibles à ces éléments. Au-delà de la simple compétitivité, c'est pour nos PME un enjeu d'attractivité majeur que de prendre le virage de la transition environnementale et sociale.

Monsieur Babary, vous connaissez ma tendresse pour la directive CSRD... Oui, la réglementation progresse, mais non, nous ne devons pas nous faire peur pour rien. Les PME et TPE ne sont pas concernées par la directive CSRD, votée le 24 février dernier : celle-ci concerne les entreprises de plus de 250 salariés - il y en a 11 000 en Europe, 50 000 demain. Mais les PME seront possiblement concernées, car elles sont au coeur des chaînes de sous-traitance. Les directions des achats des grands groupes contrôlent déjà en 2022 leurs lignes de sous-traitance et vérifient que l'ensemble des fournisseurs, quel que soit leur rang, aient un bilan carbone et montrent leur décarbonation en cours. Il est donc indispensable que la sobriété ne soit pas une mode, mais fasse levier dans nos TPE et PME pour installer la transition environnementale. Avec la performance extra-financière, qui deviendra la norme d'ici à 2025, faute d'un diagnostic environnemental et social, nos PME pourraient être évincées de certains marchés en tant que sous-traitants. Il faut anticiper ce risque systémique. Je sais que la délégation aux entreprises regarde ce sujet avec vigilance, et je continuerai de travailler avec vous.

Il faut aider encore plus nos entreprises à pivoter. Faut-il inventer de nouvelles aides ? Après le temps nécessaire à un « carnet d'étonnement », j'ai pu compter précisément les dizaines d'aides à la transition environnementale, largement financées par l'État, permettant de réaliser un diagnostic environnemental dans les entreprises. Au vu du nombre d'aides disponibles, nous avons le même problème qu'avec les ménages les plus fragiles : un taux de non-recours aux aides important pour les TPE et PME. Or ces aides existent ; des opérateurs qualifiés remarquables, comme l'Agence de la transition écologique (Ademe) ou Bpifrance, disposent de ces outils. Il existe de nombreux diagnostics existants. Nous découvrons encore de nouvelles aides... Mais les entreprises ne les connaissent pas. S'il est plus difficile d'enclencher la subvention à la source comme on pouvait faire le prélèvement à la source et bientôt la solidarité à la source pour les ménages, ces aides existent et fonctionnent, comme le diagnostic Eco-Flux, les prêts verts sur l'investissement accordés par Bpifrance, les volontariats territoriaux en entreprise « Vert » (VTE Vert) via le plan de relance... Les dispositifs sont là, leur efficacité est démontrée, mais ils sont peu connus. Ma priorité est pragmatique et vise aussi à maîtriser les dépenses publiques : je n'ai pas suggéré de nouvelles aides, mais je veux accélérer la connaissance de ces aides et le diagnostic pour toutes les entreprises voulant se développer. Dans les TPE et les PME, nous avons des chefs d'entreprise parfaitement conscients du sens de l'Histoire, qui ne veulent pas que la transition environnementale ne soit réservée qu'aux grandes entreprises, et qui ne savent pas toujours par quel bout commencer. Les bureaux d'études doivent les orienter, et l'État les accompagner.

Le diagnostic est au coeur de la planification écologique voulue par la Première ministre. Je souhaite qu'on accompagne bien mieux la marche des entreprises vers cette indispensable étape. J'y associerai les opérateurs publics comme Bpifrance, l'Ademe, les chambres consulaires, mais aussi les fédérations professionnelles, relais indispensables. Autant le diagnostic peut être partagé par tous les secteurs et filières, autant les feuilles de route dépendent considérablement des filières et des savoir-faire dans chacun des secteurs économiques.

Le tourisme et le commerce seront naturellement concernés. C'est un constat fort issu des Assises du commerce, dont je présenterai les conclusions dans les prochaines semaines. Entre évolution des pratiques de consommation, équité territoriale, défi environnemental, le commerce concentre certains des enjeux les plus importants pour nos concitoyens.

Nous sommes dans une problématique similaire dans le secteur touristique, qui se retrouve au coeur du plan Destination France : deux milliards d'euros ont été mobilisés par mon prédécesseur, Jean-Baptiste Lemoyne. Nous voulons plus de tourisme, mais mieux. Forte de son extraordinaire patrimoine culturel et naturel, la France doit s'enorgueillir de son offre touristique parmi les premières au monde, mais elle doit aussi savoir se renouveler pour faire face, notamment, au défi climatique. Au-delà des défis immédiats, la transition écologique est au coeur de ma feuille de route ; c'est une urgence.

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