Intervention de Olivia Grégoire

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 octobre 2022 à 18h00
Audition de Mme Olivia Grégoire ministre déléguée auprès du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargée des petites et moyennes entreprises du commerce de l'artisanat et du tourisme

Olivia Grégoire, ministre déléguée :

Monsieur Somon, dans la démarche pragmatique qui est la mienne, nous allons investiguer et vous apporter une réponse personnalisée quant à la situation de l'entreprise que vous évoquez et dont les dépenses énergétiques risquent de passer de 200 000 à 800 000 euros. Dans la mesure où ses dépenses représentent l'équivalent de 3 % de son chiffre d'affaires, cette entreprise devrait, sauf erreur de ma part, être éligible à la première étape d'aides jusqu'à 2 millions d'euros. Quant à votre question sur l'électrochimie, elle relève plutôt de la compétence de mon collègue Roland Lescure, ministre de l'industrie, auquel je pourrai transférer d'éventuels éléments complémentaires.

Plusieurs d'entre vous ont émis des critiques à l'égard des aides. Je les accepte bien volontiers, en particulier celles qui sont relatives à leur complexité. Même si bien des efforts restent à faire, nous avons entamé la simplification : un nouveau décret est paru le week-end dernier et le formulaire mentionné par M. Gay est sans doute plus simple aujourd'hui qu'il ne l'était en juillet dernier.

S'agissant de l'énergie, je rappelle le plafonnement de la hausse des TRV à 4 % en 2022 pour 1,5 million de TPE éligibles et qui bénéficient du même bouclier tarifaire que les ménages. Ces TRV seront capés à 15 % en janvier 2023. Je rappelle également l'augmentation du volume d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), la mise en place des nouveaux PGE Résilience, représentant jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires des entreprises qui sont directement confrontées à la hausse des intrants.

Avec Bruno Le Maire, nous avons par ailleurs demandé avec insistance à la Commission européenne d'assouplir les conditions nécessaires - notamment le pourcentage de chiffre d'affaires requis - pour bénéficier des dispositifs d'aide. Si nous devions ne pas gagner ce combat mené au quotidien, sachez que nous nous battons également pour une extension de ces dispositifs ou pour un accompagnement plus large de type TRV, en direction de nos PME. Agnès Pannier-Runacher, Bruno Le Maire, Roland Lescure et moi-même rencontrons demain matin à Bercy l'ensemble des fournisseurs d'énergie. Je leur poserai, pour ma part, des questions très pragmatiques visant à donner un peu de souffle à nos PME en matière de délais de paiement.

Nos TPE-PME font face à une conjonction de préoccupations et de créances qui forment une sorte de goulet d'étranglement en fin d'année. Aux PGE déjà évoqués, il faut ajouter les factures d'énergie, sans oublier - je les salue - les hausses de salaire que de nombreuses PME ont allouées à leurs salariés depuis la rentrée de septembre. Tout cela réduit les marges. Je me bats donc également pour obtenir un échéancier de paiement ou d'autres gestes de la part des énergéticiens.

Permettez-moi d'insister sur l'importance de l'accord européen de vendredi dernier, qui prévoit un objectif de réduction de la consommation de 10 % - identique à celui déjà fixé sur le territoire national -, de plafonner les recettes des producteurs d'électricité et de mettre en place un prélèvement de solidarité sur les producteurs d'énergies fossiles pour un montant estimé à 140 milliards d'euros. Les discussions se poursuivront à l'occasion de la réunion des chefs d'État de l'Union européenne à Prague, les 6 et 7 octobre prochains. Il y sera question des prix de l'énergie, du découplage du gaz et de l'électricité et d'un éventuel dispositif de protection inspiré du TRV, dont le périmètre plus large pourrait concerner nos PME.

Il nous reste beaucoup de travail, mais aussi beaucoup d'énergie pour lutter contre la hausse des prix. Chaque jour, je suis saisie par des TPE et PME dont je me permets, dans le cadre de la reconduction de leurs contrats, de transférer directement les dossiers au Médiateur de l'énergie. Bruno Le Maire a été très clair, je le serai tout autant : nous attendons des prix raisonnables et raisonnés. Nous voulons une offre au moins pour chaque entreprise. Roland Lescure a saisi le Médiateur de l'énergie. Notre détermination est d'autant plus absolue que les difficultés s'amoncellent pour nos TPE-PME.

Madame Berthet, vous évoquez la directive CSRD. Oscar Wilde disait « Je suis moi-même, parce que tous les autres sont déjà pris. » Je serai donc moi-même : nos PME ne doivent pas subir la CSRD. Au-delà des difficultés apparentes, j'y vois une formidable opportunité, un enjeu majeur de compétitivité et d'attractivité.

L'un des principaux problèmes auxquels se heurtent nos PME est la pénurie de main-d'oeuvre. Elles ne parviendront pas à recruter si elles ne considèrent pas le moment dans lequel nous sommes et la transition environnementale et sociale que les consommateurs - mais aussi les salariés et en particulier la génération qui arrive sur le marché du travail -, appellent de leurs voeux. Ne pas accompagner nos PME dans ces mutations majeures serait irresponsable. La directive CSRD a été votée après des années de négociations. L'heure de vérité est venue. La directive n'est rien de moins que le dessein du capitalisme européen environnemental, social et de gouvernance que nous voulons promouvoir.

L'enjeu n'est plus tant les grands groupes, qui sont déjà astreints, depuis 2014, à la déclaration de performance extra-financière (DPEF) : ils sont acculturés et disposent désormais des équipes, du savoir-faire et même, à certains égards, de l'expérience en la matière. L'enjeu est aujourd'hui d'éviter que la directive CSRD ne crée une rupture entre les grandes et les petites entreprises. Nombre d'entre elles seront effectivement concernées indirectement par le truchement de la sous-traitance. Cela n'est pas une mauvaise nouvelle : bien qu'elles n'entrent pas directement dans le champ de la directive, je me suis battue pour que les PME qui le souhaitent puissent enclencher la performance extra-financière. À défaut, elles la subiront et perdront à la fois compétitivité et attractivité.

Comment, dès lors, mettre en place un accompagnement adapté ? Comment faire en sorte que nos PME puissent enclencher leur bilan carbone de scope 1 et 2, voire leur bilan social ? C'est tout l'enjeu qui est le mien aujourd'hui : celui du dernier kilomètre, que nos PME sachent que l'État finance pour partie des dispositifs de diagnostic qui doivent leur permettre non pas de subir, mais de profiter de l'évolution en matière d'extra-financier.

De nombreux patrons de PME désirent prendre ce virage, qui sera bénéfique pour leurs équipes, leur attractivité et leur compétitivité. C'est pourquoi nous avons lancé, il y a deux ans, la plateforme impact.gouv.fr. Il est intéressant de constater, madame Berthet, que la majorité des sociétés à mission dans notre pays sont des PME. Nombre d'entre elles sont inscrites et il me semble qu'elles veulent être parties prenantes de cette évolution. J'entends votre préoccupation : les PME ne doivent pas subir la révolution extra-financière. Nous devons les accompagner, notamment par le financement partiel des diagnostics environnementaux, voire sociaux.

En matière de marchés publics, il revient aux collectivités locales de faire leurs appels d'offres et à l'État de mettre à disposition des outils. Ainsi, le nouveau plan national pour des achats durables (PNAD), désormais ouvert et consultable, permet aux acheteurs publics de bâtir leurs marchés. La loi Climat et résilience a permis des avancées et certaines collectivités locales sont inspirantes en matière de recours à des entreprises d'insertion ou à des TPE-PME.

S'agissant des PGE, je rappelle que la Banque de France estime à 4,6 % le taux de défaut prévisionnel sur toute la durée de vie du dispositif. Ce n'est pas rien, mais cela ne représente pas, non plus, en tout cas pour l'instant, un risque systémique. Pour autant, ces 4,6 % cachent des hommes, des femmes et des entrepreneurs, dont je suis bien consciente des difficultés.

Par le truchement des antennes départementales de la Banque de France, il est aujourd'hui possible de saisir la Médiation du crédit pour rééchelonner son PGE sur dix ans. Il est également possible de solliciter le conseiller départemental à la sortie de crise présent dans chaque département. Tous les jours, ces conseillers rééchelonnent des PGE, mais aussi des dettes sociales ou fiscales pour permettre à nos entrepreneurs de rembourser leurs PGE.

Madame Berthet, la cotation n'est pas automatique. J'y insiste, la cotation Fiben (fichier bancaire des entreprises) concerne uniquement les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 000 euros. C'est loin d'être le cas de toutes nos TPE et PME. Je veux bien qu'on ait peur, mais en l'occurrence, on a peur d'un fantasme. En outre, je précise que l'éventuelle note dite « non performante » n'est en rien automatique : elle est attribuée au cas par cas et le rééchelonnement d'un prêt ne suffit pas à classer automatiquement une entreprise en « non performante ». Je rappelle également que cette note est absolument discrétionnaire : seul le banquier - et pas les assureurs crédit - en a connaissance. Les exemples foisonnent à Bercy d'entreprises classées « non performantes » et dont les capacités d'emprunt ne sont pas automatiquement bloquées pour autant.

Monsieur Redon-Sarrazy, votre question sur les ZRR est très large et n'entre pas dans le champ de mon ministère. Je vous invite, pour la partie fiscale, à contacter le cabinet de Gabriel Attal, pour les questions relatives à la ruralité, celui de Dominique Faure, pour la partie territoriale, celui de Christophe Béchu et pour les questions touchant au travail celui d'Olivier Dussopt.

Monsieur Buis, vous avez rappelé que les agglomérations de moins de 800 000 habitants ont une obligation légale d'extinction des enseignes lumineuses entre une heure et six heures du matin. Les agglomérations de plus de 800 000 habitants sont soumises à une réglementation qui doit être fixée par les élus locaux dans leur règlement local de publicité. J'entends votre interrogation : cela peut ne pas suffire. J'ai l'honneur de vous annoncer qu'un décret en Conseil d'État, dont Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons soumis le projet après concertation, devrait être publié le 6 octobre. Il prévoit d'imposer l'extinction des enseignes lumineuses entre une heure et six heures sur l'ensemble du territoire. Les manquements seront sanctionnés par des contraventions de cinquième classe.

M. Menonville attire mon attention sur la situation des boulangers. Nous recevons justement le 18 octobre prochain à Bercy une délégation de la Fédération des boulangers. Du fait de leur grande diversité - types de fours, taille, etc. - les boulangeries n'ont pas toutes la même consommation. Certaines sont parfaitement éligibles aux tarifs réglementés et donc au bouclier tarifaire, quand d'autres ne le sont pas. Pour les secondes, nous devons trouver des solutions. Je peux vous dire que Bruno Le Maire et moi-même sommes bien disposés à les aider.

Je remercie le président Babary pour les dix axes et les quarante-huit mesures qu'il nous a suggérées pour favoriser le commerce rural. Nous en retiendrons très certainement certaines, dont je reparlerai lors de la conclusion des Assises du commerce. J'ai à coeur d'encourager, comme le font certaines initiatives privées telles que le programme 1000 cafés, Bouge ton coq ou Comptoir de campagne, l'établissement des commerces multiservices. De même, j'aimerais - peut-être pouvons-nous y travailler ensemble - promouvoir dans nos communes rurales le commerce itinérant, qui rencontre un certain succès auprès des jeunes générations.

J'en viens aux CMA. La taxe pour frais de chambre des métiers, dite taxe CMA, est plafonnée à 203 millions d'euros, soit un montant resté stable depuis 2016. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, une baisse du plafond sera proposée, afin qu'elles contribuent aux efforts collectifs en matière de maîtrise des finances publiques à hauteur de 15 millions d'euros. Je sais que l'augmentation des charges de personnel dans le cadre de la négociation sur la revalorisation du point d'indice des personnels et le coût annuel de la garantie individuelle du pouvoir d'achat (Gipa) préoccupent les chambres de métiers. J'ai donc veillé à ce que cette baisse de plafond en 2023 soit soutenable. Les travaux de préparation du prochain contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2023-2026 permettront de prioriser les missions des CMA. J'ai parfaitement conscience, au nom du Gouvernement, de l'effort demandé. Dans un contexte budgétaire contraint pour les finances publiques et au regard des efforts fournis par les autres chambres consulaires que sont les CCI, je maintiens néanmoins cette orientation. Nous n'en sommes, cela étant dit, qu'au début de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. Je connais l'importance des débats parlementaires, et nous verrons ce qu'il en adviendra.

Monsieur le sénateur Gay, je vous le répète : 1,5 million de TPE sur 3 millions au total bénéficient aujourd'hui des TRV. Peut-être pourrions-nous, pour certaines d'entre elles, réfléchir à l'élargissement du dispositif. Au-delà d'un « TRV PME » que j'appelle de mes voeux, nous envisageons également - Mme la Première ministre vient de le mentionner brièvement lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale - la mise en place d'un filet de sécurité qui permettrait de rendre moins douloureuse l'augmentation des prix de l'énergie. En résumé, nous avons plusieurs fers au feu et la détermination du Gouvernement est totale. Nous devrions trouver une solution à l'échelle européenne lors des conseils qui se tiendront à Prague dans les prochaines semaines.

En ce qui concerne la DGCCRF, je remercie le sénateur Cozic et la sénatrice Espagnac pour leur rapport. Cette direction a fait des efforts incommensurables ces dernières années. Pour avoir eu l'honneur d'être rapporteure en commission des finances, je connais bien le sujet. J'échange plusieurs fois par mois avec la directrice, Mme Beaumeunier, au sujet de vos recommandations et mon cabinet est en contact hebdomadaire avec ses équipes. Le contexte est par ailleurs celui d'un redéploiement des effectifs de la DGCCRF vers des missions prioritaires en matière de transition écologique et numérique, au bénéfice notamment du ministère de l'agriculture, qui est plus à même d'agir sur un certain nombre de contrôles de sécurité sanitaire. Ces transferts d'emplois sont toutefois limités. Enfin, compte tenu de l'importance stratégique de ses missions, une augmentation des emplois de la DGCCRF est prévue en 2023 et 2024. La baisse des effectifs touche à sa fin.

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