Intervention de François Klein

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 13 octobre 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde sur les aspects sanitaires de la gestion des déchets dans les outre-mer

François Klein, chef de la mission outre-mer :

Mesdames et Messieurs les sénatrices et les sénateurs, la DGS vous remercie de pouvoir s'exprimer sur les enjeux sanitaires liés aux déchets dans les outre-mer. Nous constatons tout d'abord que l'impact sanitaire lié aux déchets est similaire à celui rencontré sur l'ensemble du territoire français, mais que les risques s'en trouvent augmentés dans nos outre-mer en raison des difficultés rencontrées dans la gestion des déchets.

Quels sont ces risques et quelles sont les pathologies de contamination constatées ? Tout d'abord, des déchets sont abandonnés dans l'espace public, ce qui engendre des conséquences sanitaires manifestes, qui impactent les populations. L'abandon de déchets, notamment les gros électroménagers et les véhicules hors d'usage (VHU) favorisent la prolifération d'espèces nuisibles, potentiellement vectrices de maladies transmissibles aux populations. Les déchets favorisent la rétention d'eau stagnante, la constitution de gîtes larvaires et entraînent le développement de moustiques vecteurs de différentes maladies (chikungunya, dengue, paludisme, etc.). Ces situations favorisent aussi la prolifération de rongeurs, porteurs de maladies telles que la leptospirose.

Plus généralement, l'abandon de déchets entraîne une dégradation de l'environnement proche des populations, notamment de la qualité des eaux superficielles et souterraines destinées à la consommation. La qualité de l'air est également impactée, en termes de nuisances olfactives, et suite au brûlage régulier de déchets à proximité des habitations. Une enquête effectuée à La Réunion montre que 86 % des Réunionnais pensent que les déchets dégradent les sols et 83 % perçoivent les conséquences négatives pour leur santé. Pour autant, les consignes émises par les autorités sont rarement respectées.

À Mayotte et ailleurs, plusieurs maladies sont favorisées par l'abandon de déchets : le paludisme, la dengue avec des épidémies successives, la leptospirose - qui revient régulièrement en Martinique, en Guyane et à Mayotte -, qui peut générer des conséquences très graves. La leptospirose entraîne notamment de nombreuses hospitalisations. En Guyane, une centaine de cas est comptabilisée chaque année. Le taux est 70 fois supérieur à celui de la France hexagonale.

Des maladies hydriques sont également favorisées par l'abandon de déchets, notamment la typhoïde et l'hépatite A. À Mayotte, 14 cas de typhoïde ont été dénombrés en 2021. Entre 50 et 100 cas d'hépatite A s'y ajoutent. À Mayotte, l'Agence régionale de santé (ARS) engage de nombreuses actions de veille, de prévention et de traitement des déchets pour limiter ces impacts sanitaires. Ces actions sont menées dans le cadre de la lutte anti-vectorielle (gîtes larvaires) et prennent la forme d'interventions directes et de moyens mis en oeuvre pour identifier les gîtes à risque dans les décharges sauvages, dans les véhicules hors d'usage, dans les stocks de pneus et dans l'électroménager abandonné. L'ARS accompagne aussi les associations et les collectivités pour leurs actions de lutte contre les déchets, généralement dans le cadre de chantiers d'insertion.

En Martinique, différents incendies ont frappé des sites recevant des déchets en 2021. L'ARS est beaucoup intervenue auprès du syndicat en charge du traitement des déchets, afin de limiter les risques sanitaires induits. En outre, des interrogations portent sur les déchets issus des sargasses. Ainsi, des incertitudes demeurent sur les conséquences sanitaires du dégazage, en particulier les émissions d'ammoniac.

Une problématique porte aussi sur les déchets verts, à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon notamment. Par ailleurs, le plomb est une autre source de contamination, notamment à La Réunion, à la suite de l'abandon de batteries de voitures ou de batteries à usage industriel. Nous avons constaté des regroupements de cas de plombémie et de saturnisme infantile autour de zones de précarité dans lesquelles des batteries avaient été abandonnées. Les dépôts sauvages de batteries ont également pris des proportions importantes en milieu urbain, à La Réunion, à Mayotte et en Guyane. Des pollutions diffuses ultérieures sont à craindre.

J'aborde la seconde question. Les ARS effectuent des actions de sensibilisation des populations aux risques sanitaires liés aux déchets. Les différents territoires mettent en oeuvre des plans régionaux santé-environnement, qui comprennent tous un volet de sensibilisation à la question des déchets. À titre d'illustration, l'ARS Guadeloupe a organisé de nombreuses réunions d'information sur le sujet de l'enlèvement des véhicules hors d'usage. À Mayotte, le plan 2020-2024 comprend de nombreuses actions de sensibilisation. Au final, ces différentes actions ont pour but de réduire la production de déchets à la source et de résorber les dépôts sauvages. En la matière, nous n'obtenons pas toujours les résultats souhaités.

En Guyane, les différents acteurs sont également sensibilisés à cet enjeu, en lien avec des associations telles que la Croix-Rouge pour des projets d'assainissement. L'ARS a financé un projet « Wash » dont l'objectif est de faire monter en compétence les habitants des zones isolées ou précaires sur la bonne gestion de leurs points d'eau et des déchets.

J'ai déjà répondu à la troisième question, relative à la prolifération des nuisibles. Nous avons constaté, lors des enquêtes environnementales relatives aux cas de leptospirose ou de dengue, des problèmes sanitaires liés à la mauvaise gestion des déchets. Pour autant, il est difficile d'isoler la cause.

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