Sur la question de M. le président Bas, je ne vois pas très bien comment nous aurions pu nous hâter autrement, sauf si vous considérez que nous aurions pu à organiser un déplacement du ministre ou de moi-même entre les élections présidentielles et législatives. Je rappelle que l'élection présidentielle a eu lieu au mois de mai, que le Gouvernement a été formé une semaine après, ce qui est bien logique, puis qu'il y a eu la campagne des législatives. Il aurait été bizarre d'entreprendre des discussions alors même que les Calédoniens choisissaient leurs représentants à l'Assemblée nationale. Nous avons décidé d'envoyer le ministre Jean-François Carenco au tout début du mois de septembre après deux conseils de défense organisés par le chef de l'État sur la question calédonienne. Nous avons-nous-mêmes reçu, à Paris, un certain nombre d'interlocuteurs calédoniens dès le début du mois de septembre. Nous avons organisé, après les invitations lancées lors du déplacement du ministre, ces deux journées de travail au mois d'octobre. Je ne vois pas comment nous aurions pu aller plus vite, sauf à bousculer les demandes même des Calédoniens, qu'ils soient indépendantistes ou non-indépendantistes, d'attendre la fin de la campagne des élections législatives et qui ne souhaitaient surtout pas d'accélération du calendrier.
Vous incluez peut-être le moment entre le référendum de décembre et l'élection présidentielle ? C'est une autre question qui se pose. Je rappelle qu'à l'époque le FLNKS, en premier, avait dit qu'il ne discuterait pas avec des représentants de l'État tant que le président de la République n'était pas connu. C'est une position assez logique, il faut bien l'avouer, puisque la fin de la période des accords de Matignon et de Nouméa - trois référendums étaient prévus et nous avons mené ces trois référendums - crée une nouvelle situation à étudier, une discussion ne pouvait pas s'engager avec un président de la République qui n'était pas à coup sûr Emmanuel Macron. Chacun aurait très certainement contesté que M. le président de la République préempte des arbitrages qui engageaient bien au-delà de son quinquennat. Je ne vois pas très bien ce que nous aurions pu faire de plus rapide compte tenu du calendrier qui nous était imposé et d'ailleurs, le fait que nous retournions dès la fin du mois de novembre en Nouvelle-Calédonie démontre, me semble-t-il que l'on considère que chaque mois est une avancée. Au sujet de l'absence des indépendantistes, je veux aussi souligner que le FLNKS est incontestablement divisé. Son congrès politique arrive, et il a souhaité ne pas régler ses problèmes avant. Pour notre part, nous avons justement fait le choix de ne pas procrastiner et de ne pas encore attendre, trouvant une excuse pour ne pas avancer. Par ailleurs, une partie du FLNKS conteste la validité du troisième référendum, partant du principe qu'il pourrait demander à l'Assemblée générale des Nations-unies de saisir un tribunal qui pourrait remettre en cause la validité de ce référendum. Une partie des conseils de ceux qui contestent la possibilité de valider totalement ce référendum disent : « Si vous allez à Paris, alors vous validerez le fait que vous rendez légitime ce troisième référendum. ». Et ils nous disent : « Tant qu'on n'est pas sûrs que les Nations-unies ne valident pas ce référendum, on ne veut pas discuter. ». Ça nous amène à fin 2023, pour faire très vite. Pour nous, ce n'est évidemment pas un calendrier acceptable, parce que les Calédoniens, par trois fois, ont choisi de rester dans la République, après des élections, me semble-t-il, clairement disputées, démocratiques. D'ailleurs, je crois que les Nations Unies n'ont rien eu à redire ; le Comité spécial des Vingt-Quatre a même considéré que nous avons tenu tous les engagements internationaux de la France, dont en premier lieu le droit à l'autodétermination qui reste toujours dans notre droit.
Je crois qu'il y a un sujet, qui est un sujet difficile pour les indépendantistes : c'est la première fois depuis très longtemps qu'ils ne sont pas dans une situation où il y a un référendum d'autodétermination certain à quelques mois ou quelques années près. Je pense que cela crée une difficulté dans le camp indépendantiste. Nous devons le respecter. Nous devons l'accompagner. Nous devons montrer que notre porte est toujours ouverte. Il ne s'agit d'humilier personne. Nous sommes prêts à discuter de plein de sujets qui concernent la Nouvelle-Calédonie : sa forme institutionnelle, la façon dont fonctionne son corps électoral, la façon dont on voit l'avenir. Mais on ne peut pas faire comme si ces trois référendums n'avaient pas exprimé par trois fois que les Calédoniens voulaient rester dans la République française. Du reste, si nous n'avions pas organisé ces réunions, ces déplacements, vous nous diriez à juste titre, en tout cas pour une partie de l'hémicycle du Sénat, que nous ne respecterions pas la voix des Calédoniens qui ont choisi la France, qui souhaitent un avenir et qui se posent désormais des questions sur le logement, la santé, l'énergie, le nickel, le travail, et leur environnement géopolitique. Chacun sait d'ailleurs que d'autres grandes puissances nous regardent pour savoir si nous sommes capables de pouvoir être forts dans ce territoire français.
Messieurs, cette audition va peut-être permettre de lever cette ambiguïté : il n'est pas prévu de nouveau référendum, et d'ailleurs pourquoi aurait-il lieu ?