Monsieur Bourgi, vous avez raison, il faut changer notre façon de faire et c'est ce dont je vous ai parlé, pour mieux suivre les primo-arrivants et les OQTF. Quant aux Canadair, je vous renvoie à ce qu'a dit le Président de la République.
Le placement dans un CRA n'est pas une obligation, il y a aussi les assignations à résidence, les locaux de rétention administrative par exemple dans des chambres d'hôtel, dans des commissariats, en brigade de gendarmerie ou en prison. Que fait-on après le CRA ? Dans les faits, nous expulsons dans les trois mois la moitié de ceux qui y entrent, sachant que la plupart sont inscrits en fichiers S ou qu'ils sont délinquants et qu'on ne fait quasiment plus entrer en CRA des personnes qui ne posent pas de problème d'ordre public. Ceux qui n'ont pas été expulsés dans les trois mois sont assignés à résidence, avec pointage au commissariat, et parfois des surveillances. La directive européenne ne nous permet pas d'allonger la durée de rétention administrative, car n'est pas une peine complémentaire mais une mesure privative de liberté. Cependant, le fait de prolonger ne règlerait pas la difficulté parce que le problème qui se pose, en général, c'est d'obtenir le laissez-passer consulaire du pays d'origine, c'est un travail diplomatique très important dont nous ne pouvons pas nous passer.
Madame Jourda, dans la proposition de titre pour emploi dans un secteur en tension, ce n'est pas l'employeur mais l'employé qui demande la régularisation, et c'est un changement capital parce que cela évite l'exploitation et nous cesserons alors d'encourager les filières d'immigration. Actuellement, les employeurs ne peuvent pas légalement recruter des sans-papier mais ils le font et ils fournissent ensuite une attestation d'emploi pour que leur salarié soit régularisé. Notre droit refuse l'emploi d'un sans-papier, mais l'administration demande une attestation d'emploi pour régulariser, avouez que c'est bizarre et cela encourage les filières d'immigration. Nous proposons de changer les choses : que l'employeur discute par branche pour les métiers en tension, sachant que ces métiers ne peuvent pas fonctionner sans population immigrée - nous le savons tous, et ceux qui le taisent sur les plateaux de télévision, sont souvent les premiers à demander des dérogations pour leur circonscription... -, puis l'employé aura son titre parce qu'il travaillera dans un métier en tension, on inverse la charge de la preuve. Alors qu'aujourd'hui, on peut créer une autoentreprise sans justifier de son droit de résidence, - je l'ai fait, pour le vérifier -, on peut comme cela travailler plusieurs années, payer ses charges et ses taxes, et se trouver après plusieurs années dans cette situation où les gens ne sont pas protégés ni expulsés, ce qui a entrainé l'adoption de la circulaire Valls, et la régularisation massive.
Nous inversons les choses, en disant que c'est à la personne de demander sa régularisation, pas à l'employeur. Dès lors, soit la personne est hors de France et veut exercer un métier en tension, et on l'acceptera son entrée sur notre territoire avec vérification préalable, comme vous le dites, Madame Jourda ; soit elle est déjà présente sur notre territoire, c'est l'exemple donné par M. Bourghi, ou encore de l'étudiante en infirmerie ou du jeune pâtissier en formation qui ont des promesses d'embauche parce que l'on ne trouve personne d'autre et qui ne parviennent pas aujourd'hui à passer du statut d'étudiant, à celui de salarié, et qui deviennent irréguliers le temps que l'administration traite leur dossier : pour ceux-là, le titre de séjour pour métier en tension sera une solution - et on arrêtera avec cette hypocrisie actuelle où on leur demande, pour pouvoir être embauchés, de retourner dans leur pays d'origine puis d'adresser un courrier à notre consulat... Avec le titre de séjour pour métier en tension, on régularise pour un an renouvelable. Enfin, il y a le cas des demandeurs d'asile qui ont le droit de travailler après 6 mois, et parmi eux ceux dont on sait qu'il vont obtenir leur titre de protection - par exemple les femmes yézidies sont certaines d'obtenir l'asile quand elles le demandent, ou encore les Afghans qui nous ont aidés et que nous avons fait venir après la chute de Kaboul ; ne peut-on, dans ce cas, donner un titre temporaire d'une année, en attendant l'asile, pour travailler - et qui peut être repris si l'asile n'est pas obtenu ? C'est une proposition innovante, nos voisins le font, en particulier l'Allemagne. Faut-il lister les métiers en tension et voter chaque année, mettre des quotas ? Il faut en débattre. Aujourd'hui notre pays compte entre 600 000 et 900 000 irréguliers, ce n'est pas nouveau et c'est bien parce que des filières existent, qui créent des non régularisables non expulsables, c'est parce que notre droit prévoit des recours trop long et trop nombreux, c'est aussi le fait d'une hypocrisie capitalistique - le patronat a une part de responsabilité en faisant travailler des étrangers, alors nous leur disons : si vous les faites venir, comment les logez vous, comment leur donnez vous des cours de langue, comment leur permettez-vous de vivre et de s'intégrer dans notre société ?
La philosophie de notre projet de loi à venir sur l'immigration, c'est qu'on doit aider les gens qui veulent s'intégrer et travailler dans notre pays et qu'on doit expulser les personnes qui se comportent mal et qui ne respectent pas les règles de notre pays.
Combien coûte une expulsion ? Je vérifierai ces données mais j'ai plus de dix mille euros par personne en tête...