Intervention de Jean-François Copé

Réunion du 8 février 2005 à 16h00
Conseil des prélèvements obligatoires — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement :

Votre idée, monsieur le président de la commission, de faire évoluer cette situation va donc tout à fait dans le sens de ce que nous souhaitons et permettra non seulement une transparence accrue, mais aussi une plus grande démocratie : le Parlement souhaite légitimement bénéficier de plus d'expertises et d'informations, et le futur conseil pourrait les lui apporter.

La création de ce conseil des prélèvements obligatoires s'inscrit aussi dans notre méthode de travail.

S'agissant de la stratégie fiscale de l'Etat, en effet, nous travaillions jusqu'à présent dans un calendrier beaucoup trop contraint, ce qui nous privait du recul indispensable pour engager les réformes nécessaires : les arbitrages fiscaux, nous le savons bien, étaient rendus quelques jours à peine avant le bouclage du projet de loi de finances, une fois les estimations de recettes connues, et le débat était de toute façon largement mis à mal par toutes les mesures fiscales déjà prises, tout au long de l'année, dans des supports législatifs autres que la loi de finances.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, monsieur le président de la commission, notre méthode s'inscrit en totale rupture avec ces pratiques.

Notre politique fiscale a besoin de lisibilité, de clarté et de cohérence. C'est pourquoi Hervé Gaymard et moi-même avons décidé de travailler beaucoup plus en amont. D'ailleurs, vous l'avez constaté - rien de tout cela ne vous a échappé, et j'ai eu l'occasion de l'évoquer devant la commission -, la mise en oeuvre de la LOLF bouleverse totalement le calendrier ! Nous avons proposé au Premier ministre de « tirer » autant que possible ce calendrier de travail vers le début de l'année budgétaire, de façon que nous puissions, en toute sérénité, en toute transparence, traiter l'ensemble des grands sujets relatifs aux dépenses et aux économies structurelles à réaliser.

Ainsi, comme vous le savez, les lettres de cadrage ont été adressées hier aux ministres, ce qui est tout de même une grande première : nous tenons notre calendrier ! De même, dès jeudi, je commencerai mes réunions d'économie structurelle avec mes différents collègues du Gouvernement, et nous ouvrons déjà les premières réflexions sur la fiscalité, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou de la fiscalité des donations.

A ce propos, je le rappelle, j'ai annoncé ce matin même que le dispositif relatif aux donations, dont le terme était fixé au 31 mai, serait prolongé jusqu'au 31 décembre et que le plafond en serait porté de 20 000 à 30 000 euros. Nous prenons donc, dès le début de cette année, diverses mesures destinées à stimuler l'un ou l'autre des trois moteurs de la croissance que sont la consommation, l'investissement ou l'épargne.

Je soulignerai un deuxième point : notre politique fiscale se doit également d'être efficace. Pour cela, il faut qu'elle soit discutée dans le détail, et je souhaite naturellement que le conseil des prélèvements obligatoires vienne éclairer de sa future sagesse les pouvoirs publics et le Parlement.

Notre politique fiscale doit associer pleinement le Parlement : c'est au coeur même des valeurs républicaines. Je souhaite que ce soit encore plus vrai avec l'entrée en vigueur de la LOLF ; de ce point de vue, les réflexions qui pourront être sollicitées auprès du futur conseil des prélèvements obligatoires seront particulièrement utiles.

La proposition de loi correspond donc très exactement à la philosophie qui est la nôtre, et le Gouvernement n'a aucune raison de s'y opposer ; bien au contraire, il a plutôt toutes les raisons de la soutenir. Tel est le message, monsieur le président de la commission, que je suis venu vous adresser à cette tribune : plus de transparence, plus de démocratie, ce sont là quelques clefs majeures qui nous permettront de faire progresser le débat fiscal.

Je crois néanmoins, et ce sera ma conclusion, que nous devons garder présente à l'esprit l'idée que le conseil des prélèvements obligatoires doit être en mesure de travailler dans les meilleures conditions, ce qui suppose de sa part indépendance et efficacité.

Le conseil ne sera crédible que s'il est indépendant : il ne doit être en aucun cas l'instrument d'un groupe de pression ou d'un courant politique. Son rattachement à la Cour des comptes et le fait qu'il sera présidé par le Premier Président de la Cour constituent déjà de très solides garanties. Les membres qui le composeront devront naturellement être choisis pour travailler en toute indépendance d'esprit, et il devra en aller de même des rapporteurs qui seront chargés de rédiger ses travaux.

Le conseil devra également être efficace : il ne s'agit pas de mettre en place le énième comité Théodule, celui auquel notre République n'avait pas pensé. Ses rapports devront s'inscrire dans la tradition de sérieux qu'a établie le Conseil des impôts, leur objet connaissant, naturellement, l'élargissement que je viens d'évoquer. Gardons-nous de cette maladie bien française qui consiste à multiplier les comités ! Je sais que dans ce domaine, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes le fer de lance de la lutte contre la tendance à oublier de réfléchir à la manière d'utiliser au mieux les structures déjà existantes et, surtout, les hommes et les femmes qui les composent et auxquels la qualité des travaux rendus doit tant.

Les études demandées au futur conseil devront donc être ciblées afin d'être le plus utiles possible et suivies d'effet dans les meilleurs délais. L'organisation des travaux devra donc être suffisamment bien régulée pour éviter une prolifération des rapports risquant non seulement d'engorger la structure, mais aussi de mettre une pression supplémentaire tant sur le Gouvernement que sur le Parlement. De ce point de vue, monsieur le président de la commission, vous conviendrez avec moi qu'il faudra instaurer des règles du jeu telles que nous n'aboutissions pas à un système qui dénaturerait l'esprit même de la nouvelle institution, dont le rôle sera d'éclairer ceux qui débattent, ceux qui décident, dans le cadre le meilleur qui soit : celui de la bonne gestion des finances publiques au service des Français.

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