Intervention de Joël Bourdin

Réunion du 8 février 2005 à 16h00
Conseil des prélèvements obligatoires — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Joël BourdinJoël Bourdin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 30 juin 2004, au nom de la délégation du Sénat pour la planification, Pierre André, Jean-Pierre Plancade et moi-même avons déposé un rapport d'information intitulé L'Evaluation des politiques publiques en France.

Dans ce rapport, nous avons souligné l'importance des enjeux qui s'attachent à la promotion de l'évaluation des politiques publiques. En effet, cette dernière a trop souvent été considérée comme un élément parmi d'autres de la réforme de l'Etat, alors qu'elle en constitue un élément essentiel et qu'elle doit être considérée à la fois comme une composante de la réforme et comme l'un de ses instruments.

Le premier apport de cette évaluation doit être, plus encore que de hausser le niveau de connaissance de l'action publique, de renforcer le fonctionnement de la démocratie en conférant aux décisions publiques un caractère plus transparent et plus participatif.

Dans le cadre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, l'évaluation est devenue une « ardente obligation », que ce soit pour le Gouvernement ou pour le Parlement.

Pour bien légiférer, le Sénat et l'Assemblée nationale doivent disposer d'une bonne évaluation des politiques publiques, que celle-ci s'exerce au travers des nouveaux programmes ou de la fiscalité.

J'insiste aujourd'hui, comme je l'ai fait lors de la présentation de ce rapport, sur la nécessité d'une évaluation indépendante, pluraliste et transparente. Selon moi, ces adjectifs peuvent expliquer les raisons pour lesquelles l'évaluation des politiques publiques est si difficile à acclimater dans un pays marqué par le déséquilibre entre les pouvoirs publics et une administration réputée sans autonomie mais dont les attributions sont en réalité considérables.

Comme nous avons eu l'occasion de le souligner, la France souffre d'un fort déséquilibre s'agissant de la distribution des moyens d'expertise des politiques publiques. Les capacités d'évaluation extérieures au Gouvernement sont soit sous-dimensionnées, soit très difficiles à mobiliser.

Nous devons tourner le dos aux formules qui placent, comme c'est le cas actuellement, l'évaluation et la prospective en marge du processus de la décision publique, dans des instances trop technocratiques et dans des enceintes, certes éminentes, mais trop indirectement en prise avec les lieux d'élaboration des décisions publiques et les acteurs chargés de leur mise en oeuvre.

Il faut que le système d'évaluation des politiques publiques puisse se déployer au plus près des centres de décisions et d'actions publiques et que l'évaluation puisse ainsi s'imposer comme une composante à part entière de la gestion publique.

Ces remarques s'appliquent aussi bien au Conseil national de l'évaluation qu'au Conseil des impôts.

Dans notre rapport d'information, nous avions souhaité citer, pour son intérêt, le constat du Conseil des impôts sur l'évaluation de la norme fiscale.

Selon ce rapport, en effet, « l'évaluation de la norme fiscale est absente de la pratique française ».

« Si l'on excepte le Conseil des impôts (...), les dispositifs d'évaluation de la norme fiscale sont rares dans notre pays.

« L'évaluation des mesures fiscales ressortit en pratique essentiellement à la direction de la prévision, la direction de la législation fiscale étant plutôt chargée de la technique fiscale et du chiffrage budgétaire. L'INSEE n'intervient dans le domaine fiscal que de manière incidente, souvent dans une problématique d'étude large mais ponctuelle, ou dans une problématique économique très transversale. »

J'estime que le quasi-monopole de l'expertise exercé par l'exécutif entraîne des déséquilibres qu'il faut corriger.

Idéalement, ce rééquilibrage devrait se fonder sur le retour à une conception des missions des administrations publiques moins réductrice que celle qui prévaut aujourd'hui, à la suite d'une dérive regrettable.

Je souscris pleinement à l'idée du Conseil des impôts selon laquelle « les évaluations publiques des normes fiscales (...) doivent en réalité être aujourd'hui effectuées par les institutions qui souhaitent en disposer ».

Dans notre rapport, nous avions regretté que le Parlement ne puisse saisir le Conseil des impôts. Je ne peux donc que me réjouir de la proposition de nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini d'élargir la saisine du conseil des prélèvements obligatoires aux commissions des finances ou des affaires sociales du Sénat ou de l'Assemblée nationale. C'est là l'un des principaux apports du texte dont nous discutons aujourd'hui,

Un autre apport essentiel de cette proposition de loi tient à l'élargissement, au-delà de la fonction publique, de la composition du nouveau conseil des prélèvements obligatoires. La nomination de huit personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience professionnelle et de huit fonctionnaires, universitaires et magistrats va dans le sens du pluralisme et de la démocratisation de l'expertise que j'ai appelés de mes voeux.

En mai 2001, j'avais présenté un rapport sur l'information économique et sociale aux Etats-Unis, dans lequel se trouvait décrit l'impressionnant potentiel d'appréciation des politiques publiques développées autour des universités et des think tanks.

D'autres pays, en particulier le Canada, ont connu des développements intéressants de ce point de vue.

Nous n'en sommes pas encore là en France, ce que nous ne devons d'ailleurs pas nécessairement regretter. En effet, les institutions et les pratiques des autres pays, surtout celles qui proviennent des Etats-Unis, ne sont pas toujours transposables telles quelles dans notre pays.

Dans cette proposition de loi, nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini empruntent une autre voie, celle de la diversité des parcours et des points de vue au sein du nouveau conseil des prélèvements obligatoires.

La pluralité des expertises contribuera à améliorer l'information du Parlement sur la globalité des prélèvements obligatoires et lui permettra ainsi de légiférer dans de meilleures conditions.

Le débat y gagnera en transparence et en crédibilité, ce qui bénéficiera aux parlementaires et à l'ensemble de nos concitoyens.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe de l'UMP votera les conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi tendant à créer un conseil des prélèvements obligatoires telles qu'elles résulteront des travaux de notre assemblée.

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