Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui vise à substituer un conseil des prélèvements obligatoires au Conseil des impôts, en élargissant le périmètre d'intervention de ce dernier et en modifiant en profondeur sa composition.
Au demeurant, je remercie le Conseil constitutionnel qui, en déclarant l'article 70 sexies du projet de loi de finances pour 2005 non conforme, nous permet d'avoir aujourd'hui un débat de fond, ce qui n'avait pas été le cas lors de l'examen du long amendement déposé en décembre dernier par M. Arthuis, au nom de la commission des finances.
Cette proposition de loi conduit le groupe socialiste à formuler trois observations portant respectivement sur la pertinence du périmètre d'intervention du conseil des prélèvements obligatoires, sur les motivations auxquelles prétendent répondre les auteurs de cette proposition de loi, et sur la composition dudit conseil.
Tout d'abord, s'agissant de la pertinence du périmètre d'intervention, vous le savez, la notion de prélèvements obligatoires est ambiguë, comme nous avons pu le constater à l'occasion du récent constat d'un surplus de recettes en 2004 lié à la « montée en charge » de la TVA et de l'impôt sur les sociétés. En effet, il est évident que ce surplus de recettes pèsera sur l'objectif du Gouvernement de ramener le taux de prélèvements obligatoires de 43, 8 % en 2003 à 43, 6 % en 2004. Finalement, le taux devrait être sensiblement égal. Nous verrons ce qu'il en sera à la fin du mois, quand les chiffres définitifs seront connus.
En effet, la variation du taux de prélèvements obligatoires résulte non seulement des changements des législations fiscale et sociale, mais aussi de la conjoncture économique.
Je tiens également à souligner que les comparaisons internationales ont évidemment leurs limites.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, plus précisément du débat sur les prélèvements obligatoires qui s'est déroulé ici même, j'ai relu avec attention le « bleu » du Gouvernement, qui conseillait à juste titre de se garder de comparaisons sommaires, une définition commune aux différents Etats, notamment de l'OCDE, de la notion de prélèvements obligatoires n'existant pas.
La définition de cette notion dépend des conventions comptables, des choix d'organisation et des modes de financement de l'action publique. L'analyse du niveau des prélèvements obligatoires est absolument indissociable de la prise en compte du niveau de la dépense publique et de la place des services publics dans l'économie nationale. Cela me paraît extrêmement important dans le cadre d'une comparaison, et nous en arrivons ainsi à des sujets sur lesquels nous avons une divergence d'appréciation : la dépense publique et la place des services publics dans notre économie.
Ensuite, ma deuxième observation concerne les motivations auxquelles prétendent répondre les auteurs de cette proposition de loi. Nous nous sommes sincèrement demandés pour quelles raisons la majorité sénatoriale et le Gouvernement tenaient autant à cette modification.
Bien sûr, nous ne pouvons que souscrire aux motivations explicites qui ont été fournies. M. Arthuis souhaite, selon ses propres termes, donner au Parlement « un bon instrument de lucidité » et « parvenir à une vision globale du niveau de prélèvements obligatoires ». Dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi, il précise que l'objectif poursuivi est d'« avoir une vision complète du niveau préoccupant des prélèvements obligatoires en France ». A ce stade de l'analyse, nous ne pouvons qu'être d'accord avec lui !
Nous le suivons également lorsqu'il affirme vouloir « éclairer le débat » pour pouvoir prendre des « décisions appropriées ».
Cependant, nous commençons à nous interroger quand, au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, il déclare vouloir « impérativement remettre en cause notre système de prélèvements obligatoires ». Mais cela relève du débat démocratique.
Mais nous nous inquiétons carrément en relisant le rapport de M. Philippe Marini intitulé Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution : pour une fiscalité plus compétitive. Nous abordons alors le coeur du sujet puisque, dans ce rapport, notre collègue rapporteur général pose comme postulat « la réduction de la part prélevée par l'Etat dans le PIB par la diminution des dépenses publiques ». Même s'il admet que cela exigera du temps et un certain nombre de précautions, l'objectif est clairement affiché.
Vous nous permettrez de ne pas partager ce postulat, qui est indissociable du débat que nous avons aujourd'hui car on ne saurait isoler la dépense publique de son contexte économique. Je veux parler des mécanismes de production des richesses - la croissance et les moyens que l'on se donne pour l'encourager d'une manière ou d'une autre - comme de la redistribution de ces dernières.
De même, nous ne partageons pas vos a priori sur la répartition du poids des prélèvements obligatoires.
Enfin, il est curieux que la proposition de réforme du Conseil des impôts soit intervenue après la polémique suscitée par le 22e rapport de cette instance, consacré à la concurrence fiscale et à l'entreprise.
Dès lors, nous nous interrogeons et nous avons l'impression, sans esprit polémique, qu'il s'agit finalement de disposer d'un instrument qui dira ce que l'on a envie qu'il dise.