Gaz de France a d'ailleurs parfaitement su anticiper cette nouvelle donne en prévoyant d'investir plus de 6 milliards d'euros dans les années à venir, pour prendre notamment des participations dans des gisements gaziers afin de se doter de ressources propres. Pourriez-vous nous détailler cette stratégie, monsieur le ministre ?
Au-delà de cette stratégie, nos entreprises doivent se donner les moyens d'acheminer le gaz en toute sécurité, afin de diversifier nos modes d'approvisionnement. Ainsi, je ne peux que me réjouir - et je ne suis d'ailleurs pas le seul, si je me réfère au dernier débat que nous avons eu sur ce sujet - de la mise en service prochaine du terminal méthanier de Fos II, prévue en 2007, qui donnera à nos deux opérateurs principaux, GDF et Total, de nouvelles chaînes d'approvisionnement en gaz naturel liquéfié. Toutefois, monsieur le ministre, je m'interroge sur un point : la construction d'un seul nouveau terminal sera-t-elle suffisante compte tenu des enjeux liés à la diversification et de l'insuffisance de la ressource gazière dans certaines zones de notre territoire ?
Il est tout aussi indispensable de développer nos interconnexions avec les pays producteurs par le biais des gazoducs. Il s'agit bien évidemment d'un enjeu stratégique, car la construction programmée d'un nouveau gazoduc dans le sud de la France permettra de nous approvisionner plus massivement en Algérie.
La mise en service de cette infrastructure répond également à la nécessité de permettre une réelle concurrence sur notre marché gazier national. En effet, dans le bilan de l'ouverture à la concurrence du marché du gaz qu'elle a rendu public en novembre dernier, la Commission de régulation de l'énergie mettait en évidence le fait que la concurrence était moins vive dans le sud et l'ouest de notre pays, en raison essentiellement de la faiblesse de la ressource disponible dans cette région.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite saisir cette occasion pour vous demander de nous éclairer sur le développement prévu des infrastructures de transport de gaz.
J'en viens, pour terminer, au troisième et dernier pilier de notre approvisionnement énergétique, bien évidemment l'un des plus importants puisque qu'il s'agit de l'électricité.
Je ne souhaite pas davantage m'étendre sur la contribution majeure de l'énergie nucléaire à notre indépendance énergétique. Il s'agit là d'une réalité désormais largement admise qui, certes, n'est pas sans poser d'autres types de problèmes ; je pense, bien sûr, à la question des déchets nucléaires.
Néanmoins, je souhaiterais simplement exprimer publiquement, rappelant ainsi la position traditionnelle de la commission des affaires économiques, toute ma satisfaction quant à la décision qui a été prise par le conseil d'administration d'Electricité de France, à la fin de l'année dernière, de lancer les démarches devant aboutir à la construction d'un réacteur de troisième génération EPR, european pressurised reactor.
Cette décision était attendue et nécessaire, tant pour apporter une réponse au problème du vieillissement de notre parc électronucléaire que pour conserver l'avance technologique et économique dont notre pays dispose dans ce secteur.
Toutefois, d'un point de vue plus général, le nouveau cadre concurrentiel doit nous inciter à une certaine vigilance. Je pense notamment à la nécessité de garantir un niveau d'investissement suffisant pour assurer le développement de nos capacités de production.
Je crois savoir qu'est actuellement en négociation au niveau communautaire une proposition de directive visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en électricité et les investissements dans les infrastructures. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez à quel stade se situent aujourd'hui les négociations relatives à ce projet et que vous nous précisiez la position de la France.
Enfin, je souhaiterais plus particulièrement évoquer la question des énergies renouvelables.
Conformément à nos engagements européens, nous devrions atteindre, d'ici à 2010, une proportion de 21 % pour la consommation d'électricité brute provenant des énergies renouvelables. Même si les conditions climatiques de l'année peuvent influencer à la marge la production d'énergies renouvelables, cette proportion est légèrement inférieure à 15 % dans notre pays. Reprenant par là même des positions que j'ai défendues à de nombreuses reprises, je tiens ici à réaffirmer qu'il n'est pas souhaitable que notre pays reste sous-développé en matière d'énergies renouvelables.
Que l'on se réfère au solaire ou à l'éolien, notre pays souffre en effet difficilement la comparaison avec l'Espagne, l'Allemagne, et surtout avec le Danemark. Ainsi, entre 1985 et 2001, la consommation totale d'énergies renouvelables doublait en Allemagne quand elle ne progressait que de 15 % en France.
Dans ces domaines, c'est un euphémisme de dire que nous ne sommes pas en avance, puisque la production annuelle en matière de solaire photovoltaïque, par exemple, n'atteignait que 19 gigawattheures en 2003, et 28 000 tonnes d'équivalent pétrole pour le solaire.
Autre statistique parlante, l'Allemagne dispose aujourd'hui d'un parc de panneaux solaires de 5, 4 millions de mètres carrés, loin devant la France, dont le parc compte seulement un peu plus de 700 000 mètres carrés. Le Gouvernement espagnol souhaite, quant à lui, multiplier par dix la superficie du parc de panneaux solaires d'ici à 2010, et envisage même de rendre obligatoire la pose de panneaux solaires pour les nouvelles constructions.
En matière d'hydroélectricité, première source d'énergies renouvelables dans notre pays, je suis persuadé qu'il y a encore des perspectives importantes d'expansion, notamment pour le petit hydraulique. Même s'il est fondamental de poursuivre le travail de protection des cours d'eau et des milieux aquatiques entrepris depuis de nombreuses années, il n'est pas souhaitable, monsieur le ministre, que le futur projet de loi sur l'eau fixe, pour l'énergie hydraulique, des contraintes de nature a entraver, voire empêcher son développement.
Enfin, plus frappant encore, la puissance installée en France en matière d'éoliennes n'atteignait que 0, 3 térawattheures en 2003, contre 11 térawattheures en Allemagne. Pourtant, les éoliennes que nos entreprises spécialisées ont su mettre au point dans cette technologie sont performantes et notre territoire est riche en sites exposés au vent. Nous disposons là d'un vaste potentiel, qui est malheureusement largement sous-utilisé.
Certes, le recours plus massif à l'énergie éolienne reste une question controversée dans notre pays. Si je suis moi-même un partisan de l'éolien, je ne suis pas un partisan des éoliennes partout et n'importe où. Selon moi, il est nécessaire de définir des schémas de développement éoliens intelligents, alliant efficacité énergétique et protection des sites naturels.
Il est tout aussi indispensable de faire preuve de pédagogie avec nos concitoyens, qui considèrent encore l'éolien comme une source de nuisances directe et qui ne perçoivent pas nécessairement les enjeux en termes de développement durable attachés à cette énergie. Je n'en comprends pas moins les inquiétudes de nos concitoyens. En effet, à ce stade de la discussion, je ne peux pas m'empêcher de penser aux habitants de Normandie - vous ne m'en voudrez pas ! -, région à habitat dispersé qui compte déjà trois centrales nucléaires, lesquelles subissent déjà de fortes contraintes environnementales.
Néanmoins, nous devons sensibiliser nos concitoyens à ces enjeux environnementaux et, en favorisant une implantation harmonieuse des éoliennes, les convaincre de la nécessité de promouvoir ces dernières.
A ce sujet, le Gouvernement ayant décidé de lancer plusieurs appels d'offres sur l'éolien terrestre et offshore à la fin de l'année dernière, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dresser le bilan de ces appels d'offres et nous donner les perspectives de développement de l'énergie éolienne dans les prochaines années ?
Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les perspectives à très long terme de la filière électrique et vous demander de faire le point sur la question du réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER. Où en sont les négociations avec nos partenaires sur ce sujet ? S'achemine-t-on vers la construction de ce réacteur expérimental sans le concours des Américains et des Japonais ?
Voilà, monsieur le ministre, brièvement évoqués, les différents points que je souhaitais aborder au cours de ce débat.
Je reste profondément optimiste quant à l'avenir énergétique de notre pays et à notre indépendance. Nous avons su, avec la constitution progressive de deux champions nationaux, créer les conditions de cette indépendance. Le nouveau contexte créé par les directives de libéralisation nous oblige à nous adapter et à réagir ; c'est ce que vous avez su faire avec Nicolas Sarkozy en présentant le projet de loi transformant le statut d'EDF et de GDF.
Certes, ce processus d'ouverture à la concurrence n'est pas exempt de critiques.