Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 8 février 2005 à 16h00
Indépendance énergétique de la france — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu'il est intervenu à cette tribune au nom du groupe de l'Union centriste, dans le cadre du débat sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie, notre collègue M. Marcel Deneux avait déploré la précipitation dans laquelle le Sénat avait dû travailler, le Gouvernement ayant déclaré l'urgence sur ce projet et l'ayant inscrit à l'ordre du jour de la Haute Assemblée huit jours seulement après que l'Assemblée nationale en eut discuté.

Aujourd'hui, huit mois après cet examen en première lecture, je constate que ce projet de loi est resté bloqué et que l'on est toujours en attente de sa deuxième lecture à l'Assemblée nationale. La question de notre collègue M. Ladislas Poniatowski vient donc à point nommé.

Si l'on en croit les propos du président du Syndicat des énergies renouvelables, la part des énergies renouvelables dans la production totale d'électricité, qui était de 18 % en 1990, ne serait plus aujourd'hui que de 13, 5 %, notre collègue Ladislas Poniatowski ayant, quant à lui, cité le chiffre de 15 % il y a un instant. Or, une directive européenne du 27 septembre 2001 a fixé l'objectif à atteindre à 21 % d'ici à 2010.

Il est donc urgent de prendre des mesures concrètes non seulement pour atteindre cet objectif, mais aussi et surtout pour tenir nos engagements internationaux pris dans le cadre du protocole de Kyoto et renouvelés à Johannesburg par le Président de la République lui-même.

Certes, le Gouvernement n'est pas resté les bras croisés.

Il a notamment sélectionné, en début d'année, quinze projets de production d'énergie renouvelable, dont quatorze à partir de la biomasse et un à partir du biogaz, pour une puissance cumulée de 232 mégawatts, et il a d'ores et déjà indiqué qu'un deuxième appel d'offres serait prochainement lancé.

Par ailleurs, un crédit d'impôt de 40 % sur les dépenses d'équipements de production d'énergie renouvelable s'applique depuis le 1er janvier de cette année et devrait accélérer les investissements effectués par les particuliers dans ce domaine, tels que l'installation de panneaux solaires pour le chauffage photovoltaïque.

De même, EDF a décidé, en octobre dernier, et ce avant même que la loi d'orientation sur l'énergie n'ait été votée, d'engager la procédure d'implantation d'un réacteur nucléaire de type EPR, European pressurized reactor, à Flamanville.

Ces décisions vont dans la bonne direction et confortent notre indépendance énergétique, même si beaucoup reste à faire et si se pose encore un certain nombre de questions.

Le Premier ministre a également annoncé, en septembre dernier, dans l'Oise, un plan de développement des biocarburants, sur lequel des précisions ont été apportées la semaine dernière ; il y a déjà été fait allusion.

Par ailleurs, le Plan national d'affectation des quotas d'émission de gaz à effet de serre est aujourd'hui approuvé par la Commission européenne et va permettre à notre pays de participer au marché européen des quotas d'émission. C'est une mesure phare du plan « climat 2004 » qui est ainsi mise en oeuvre.

Ces deux dernières décisions présentent l'avantage non seulement de conforter l'indépendance énergétique de notre pays, du moins pour la première relative aux biocarburants, mais aussi - et je dirai même surtout - de préserver l'environnement et de nous permettre de faire un premier pas vers le respect des objectifs du protocole de Kyoto.

Cependant, si les nouveaux agréments accordés par le Gouvernement pour une production supplémentaire de 800 000 tonnes de biocarburants à l'horizon 2007 vont permettre à ce secteur, et notamment à la filière éthanol, de prendre son essor, il n'en reste pas moins vrai que ceux-ci ne permettront pas d'atteindre l'objectif européen de 5, 75 % de biocarburants dans les essences en 2010 et qu'il faut donc dès maintenant décider des investissements dans les unités nouvelles qui seront encore nécessaires après 2007.

Ce plan n'est donc qu'une première étape et nous ne devons pas remettre à demain les décisions que nous devrions prendre aujourd'hui pour atteindre les objectifs européens.

Je rappelle en effet que le secteur des transports représente 30 % des émissions de gaz à effet de serre et que le développement des biocarburants est aujourd'hui - et pour longtemps encore - le seul moyen opérationnel de réduire de manière significative ces émissions. Ne nous faisons pas d'illusion sur la pile à combustible : le moteur à hydrogène n'est pas pour demain, il faudra encore longtemps avant qu'il puisse être développé en grande série.

De même, en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables pour la production d'électricité, l'énergie éolienne et le photovoltaïque, qui présentent l'avantage d'éviter le difficile problème des déchets radioactifs - qui n'est d'ailleurs pas encore résolu aujourd'hui -, n'auront qu'un impact extrêmement limité sur la préservation de l'environnement. En effet, le secteur électrique français est structurellement peu émetteur de gaz carbonique du fait du recours massif à l'énergie nucléaire et hydraulique pour la production d'électricité. Ainsi, à titre de comparaison, la France rejette huit fois moins de tonnes de gaz carbonique par habitant que l'Allemagne et dix-huit fois moins que les Etats-Unis.

De plus, si le nucléaire pose de vrais problèmes, il a en revanche l'avantage d'avoir assuré à la France son indépendance en matière de production d'électricité, à un prix très abordable et sans production de gaz à effet de serre. Cette filière a aussi permis à notre pays d'être excédentaire en électricité et de développer un savoir-faire dont on devrait tirer d'importants bénéfices au moment où décolle l'économie de pays aussi importants que la Chine ou l'Inde, qui vont avoir des besoins croissants en termes de production d'énergie électrique.

Nous ne devons donc pas réduire la question de l'indépendance énergétique de notre pays et celle du respect des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto au développement des énergies renouvelables dans le domaine de la production d'électricité. Notre collègue M. Ladislas Poniatowski a cité d'autres pistes ; il a tout à fait raison.

C'est en substituant les énergies renouvelables aux énergies fossiles consommées dans le domaine des transports et de l'industrie que nous réduirons significativement notre dépendance à l'égard des énergies fossiles et que nous aurons un impact réel sur le plan environnemental.

Il serait donc intéressant, monsieur le ministre, au-delà de la question précédemment posée sur la sécurité d'approvisionnement énergétique de notre pays, que vous nous précisiez ce que vous comptez faire pour améliorer la substitution d'énergies renouvelables aux énergies fossiles, permettant ainsi de réduire significativement nos émissions de gaz à effet de serre.

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