Contrairement aux mouvements de capitaux, nous sommes, nous, pour un internationalisme solidaire !
Il est presque absurde de discuter de l'indépendance énergétique de la France au moment où le Gouvernement, en ouvrant le capital de nos deux entreprises publiques énergétiques, prive le pays des instruments et des moyens permettant de mettre en oeuvre une politique visant à assurer la sécurité de nos approvisionnements. Car le statut public des EPIC comme EDF et GDF a précisément permis à la France non seulement de se donner les moyens de devenir indépendant sur le plan de l'électricité, mais aussi d'accroître son taux global d'indépendance énergétique de 26 % à 50 %, en une trentaine d'années !
Je continue de penser qu'aujourd'hui il est nécessaire de créer, autour d'EDF et de GDF, un pôle public de l'énergie, pour faire émerger toutes les synergies possibles et les économies d'échelle afin de contribuer à la sécurité de nos approvisionnements.
En effet, qu'est-ce qui nous garantit que la desserte des usagers et des clients éligibles sur notre territoire national demeurera en toutes circonstances la priorité d'une entreprise comme EDF avec un actionnariat privé ?
Que ce soit pour EDF ou pour GDF, nous nous sommes prononcés contre la séparation des activités de transport et leur filialisation. Aujourd'hui, on veut aller plus loin encore, vers une indépendance totale de la gestion des réseaux, autrement dit vers une séparation patrimoniale par le biais de la cession d'actifs.
Déjà, la filialisation des activités de transport et l'ouverture du capital de RTE, Réseau de transport d'électricité, risquent de contribuer à des ruptures de continuité entre production et distribution d'électricité, à des dysfonctionnements remettant en cause notre sécurité d'approvisionnement.
Dans cette conception libérale, les réserves de capacités de production d'électricité, qui, comme l'a montré le débat de cet été, permettent de réguler les flux et de faire face aux pointes de demandes, seront-elles préservées ?
En ce qui concerne le gaz, nous avions eu l'occasion de souligner que l'activité de transport contribue de manière fondamentale à la sécurité de nos approvisionnements. Elle regroupe, dans un ensemble cohérent, les activités de réseaux de transport, de stockage et les terminaux méthaniers. La filialisation de ces activités, avec, à terme, le risque d'une séparation patrimoniale, compromet leur intégration au sein de l'entreprise et porte préjudice à la sécurité de nos approvisionnements et à la continuité de la fourniture.
Quant à nos capacités de stockage, tant enviées par certains de nos partenaires européens, nous savons combien elles participent à la régulation de nos flux et sont essentielles à la sécurité de nos approvisionnements et à l'équilibre de nos réseaux de transports. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en juillet dernier nous nous étions opposés à la décision de la commission des affaires économiques visant à permettre l'accès des tiers aux stockages de gaz, qui plus est dans des termes qui ouvraient la voie à leur dissociation, par le biais de leur filialisation, et, à terme, à leur possible autonomisation. Nous savons qu'en 2003 des tentatives de marchandage des capacités de stockages de gaz du futur terminal de Fos 2 avaient eu lieu entre GDF et Eon-Ruhrgas. Voilà, avec la privatisation, ce qui nous attend, alors que nous ne possédons pas de gaz et que les capacités de stockage sont un élément important de la sécurité de nos approvisionnements !
Enfin, si nous nous réjouissons que la Commission européenne ait finalement renoncé à remettre en cause les contrats de gaz à long terme, nous demeurons inquiets devant le recours croissant au marché spot pour assurer notre approvisionnement.
De fait, le recours plus important à ce type de marché ces derniers mois - de l'ordre de 11 % - ne signifie-t-il pas que notre sécurité d'approvisionnement en gaz risque d'être entamée ?
Jusqu'à présent l'approvisionnement sur ce marché à court terme représentait seulement entre 1% et 2% de nos besoins. Il faut savoir que les prix sur ce marché sont actuellement deux à trois fois plus élevés que ceux des contrats à long terme.
Il semble que nous devions cette situation - et c'est là où le bât blesse, monsieur le ministre - à l'accident du terminal méthanier Skikda, qui a privé l'Algérie d'un tiers de sa capacité d'exportation, soit près de 8% de l'approvisionnement de la France. Cette situation est particulièrement inquiétante. En cas de défaillance d'une source d'approvisionnement, la solution pour la France est-elle de s'approvisionner sur le marché spot ? Quelle est réellement la capacité d'absorption des chocs par le marché spot ? C'est in fine notre sécurité d'approvisionnement en gaz qui est remise en cause.
Dans le contexte géostratégique actuel, où aucune hypothèse ne peut être exclue, que se passera-t-il, par exemple, si la source d'approvisionnement défaillante était la Russie, qui représente actuellement 25 % du gaz que nous consommons ? Dois-je rappeler que l'article 4 du décret du 19 mars 2004 précise que Gaz de France « doit être en mesure d'assurer la continuité de fourniture », notamment en cas « de disparition pendant six mois au maximum de la principale source d'approvisionnement », cette situation représentant environ 25 % à 30 % du marché ?
Une telle défaillance se traduirait par une saturation du marché spot et par une envolée des prix fortement préjudiciable à notre économie. Comment exclure une telle éventualité, qui montre la fragilité de notre sécurité d'approvisionnement en gaz, surtout dans le contexte actuel de libéralisation ?
En conclusion, monsieur le ministre, notre politique énergétique doit être consolidée et rénovée pour faire face aux nouveaux défis posés par le développement durable. Sans une politique volontariste en la matière, nous risquons de remettre en cause notre indépendance énergétique et la sécurité de nos approvisionnements en électricité et en gaz.