Le Président de la République a annoncé la création d'une agence de l'innovation industrielle, à la suite du rapport Beffa. Il est prévu de la financer grâce aux recettes des privatisations. Voilà donc à quoi servira l'ouverture du capital d'EDF, de Gaz de France et d'AREVA ! C'est une façon de tourner en rond, monsieur le ministre. Il aurait sans doute été préférable de laisser ces capitaux à EDF, Gaz de France et AREVA afin de développer notre indépendance énergétique. Mais c'est un autre débat, et nous y reviendrons dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation.
L'indépendance énergétique suppose aussi le maintien de la filière nucléaire. Il faut, bien sûr, soutenir le projet ITER. L'Union européenne a, sur ce point, réaffirmé sa volonté de lancer la construction d'ITER à Cadarache sans le Japon, si aucun accord n'est trouvé. Où en est-on, monsieur le ministre ?
Le maintien de la filière nucléaire suppose de traiter l'aval du cycle et de tenir les engagements de la loi Bataille. Sur ce point, en tant que scientifique j'ai été quelque peu déçu à propos de l'espoir que l'on nous avait fait entrevoir sur la transmutation des déchets. Il s'agit en effet d'une technologie très énergétivore et qui n'aboutira sans doute pas. Si les déchets ne peuvent être transmutés, reste le problème de leur stockage.
Le maintien de cette filière suppose également que le Parlement adopte rapidement la loi sur la transparence nucléaire. Le gouvernement Jospin avait déposé un projet de loi, que le gouvernement Raffarin a d'ailleurs repris. Quand en débattrons-nous ?
L'indépendance énergétique suppose, enfin, de maîtriser la demande d'énergie, ce qui passe par une action volontariste dans le secteur tertiaire et dans les transports. Nous savons tous pertinemment que le plus grand gisement - qui favoriserait d'ailleurs notre indépendance énergétique - réside dans les économies d'énergie. Depuis le dernier choc pétrolier, nous avons tous levé le pied et nous sommes coupables de consommer de l'énergie importée.
Or, s'agissant des transports, le Gouvernement va à contresens : il a supprimé l'aide aux collectivités locales pour les transports en commun en sites propres ; il ne respecte pas ses engagements sur les financements de contrats de plan. Des gels importants - 45 % en 2003 et peut-être plus de 50 % en 2004 - ont bloqué la montée en puissance des investissements ferroviaires. Nous avons eu récemment, au Sénat, un débat sur une question de M. Reiner concernant le fret ferroviaire - je n'y reviendrai pas. Pour autant, ce blocage et l'impossibilité dans laquelle se trouve la SNCF - peut-être par manque de volonté - de développer le fret ferroviaire posent un vrai problème : non seulement sur le plan énergétique, bien sûr, mais aussi au niveau de la concurrence. Cela a en particulier pour effet de favoriser la route par rapport au rail. Sur le plan environnemental, la file - voire les deux files - de camions sur l'autoroute A1 pose un problème réel de maîtrise d'émission de CO2.
Si le gel de 2004 pour les contrats de plan est confirmé, le taux d'avancement ne sera que de 33, 4 %, soit moins que les trois septièmes de l'engagement initial de l'Etat. Si l'exécution de ces contrats se poursuit au même rythme, seulement 50 % du volet ferroviaire du contrat de plan 2000-2006 sera réalisé, soit un retard de sept ans. Les dotations en faveur du combiné ont en effet été réduites de moitié et le plan fret, sur lequel je reviens encore, aboutit à fermer certaines lignes.
Nous espérons pouvoir débattre de tout cela, monsieur le ministre, lors de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation.
En revanche, si un sujet mérite une réponse et une action rapide à l'échelon européen, c'est bien celui des contrats à long terme de gaz, les fameux CLT. Vous connaissez les dangers d'une lecture de la Commission ; ils pourraient priver Gaz de France d'une sécurité d'approvisionnement.
En effet, la poursuite de l'ouverture des marchés doit préalablement faire l'objet d'un rapport d'évaluation d'ici à la fin de l'année 2005, aux termes de l'article 31-3 de la directive.
C'est au regard de ce document que la Commission appréciera au cas par cas les conditions d'accès et si des sociétés intégrées, comme de Gaz de France, pourront être exemptées, à la demande des Etats membres - dont la France, je l'espère, monsieur le ministre -, de l'obligation de séparation juridique du gestionnaire de réseau de la distribution.
Dans l'immédiat, le rapport annuel de 2004 de benchmark a fait l'objet d'une communication solennelle devant le Parlement et devant le Conseil.
Ce rapport, dont la grille d'analyse peut être discutée, pourrait conduire la Commission à avoir une mauvaise opinion de l'ouverture des marchés. Nous aussi, monsieur le ministre, nous avons une très mauvaise opinion à cet égard, mais pour des raisons diamétralement opposées, notamment au vu de l'évolution des prix constatée pour les gros consommateurs. On pourrait en effet connaître la même évolution pour l'ensemble des consommateurs lors de l'ouverture totale du marché.
En effet, la déréglementation a abouti non pas à une baisse des prix, comme cela avait été annoncé, mais, au contraire, à une progression significative, pouvant atteindre 40 % dans certains cas.
Nous le savons, pour le gaz, le contenant, c'est-à-dire le réseau de distribution, et le contenu, c'est-à-dire le gaz, sont intimement liés, ne serait-ce que pour l'investissement dans la distribution finale. Il est donc important que Gaz de France soit une entreprise intégrée.
Nous souhaitons donc, monsieur le ministre, sur les questions très urgentes que sont les contrats à long terme et l'entreprise intégrée ainsi que sur ITER connaître la position du Gouvernement, et en particulier les actions qu'il compte entreprendre auprès de la Commission.