Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Ladislas Poniatowski de son initiative, qui nous permet de débattre aujourd'hui de cette importante question de l'indépendance énergétique de notre pays, en complément de nos discussions sur la loi d'orientation. Monsieur Raoul, j'espère que lors de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation nous disposerons en effet d'un peu plus de temps qu'en première lecture.
Mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le cas de l'électricité, en particulier sur sa production à partir du nucléaire, qui, tous les orateurs l'ont dit, joue un rôle déterminant pour assurer notre indépendance. En effet, le parc électronucléaire français représente près de 80 % de la production brute d'électricité dans notre pays.
Le choix courageux et ambitieux qui a été fait, à la suite du premier choc pétrolier, de se lancer dans cette voie a, selon moi, porté tous ces fruits puisqu'il a permis de bénéficier tout au long de ces années d'une électricité à un prix tout à fait raisonnable pour les particuliers et a favorisé le développement de nombreuses industries en assurant le maintien de leur compétitivité.
Comme je le soulignais dans mon rapport relatif au projet de loi d'orientation sur l'énergie, hormis l'opposition de quelques petites fractions de nos concitoyens, certes farouches et irréconciliables, cette stratégie a reçu l'assentiment d'une très large majorité de nos concitoyens.
Pour autant, je ne souhaite pas dresser un tableau par trop idyllique du panorama énergétique français.
Deux points plus particuliers méritent, selon moi, d'être améliorés.
Il s'agit, en premier lieu, de la question des déchets nucléaires.
Nous le savons tous, l'énergie nucléaire a le mérite de nous fournir une électricité bon marché et encore abondante compte tenu des réserves mondiales d'uranium, qui correspondent, au bas mot, à plus de trois siècles de consommation, et bien au-delà grâce aux réacteurs surgénérateurs, soit une durée largement supérieure à celle qui est prévue pour les réserves pétrolières.
Cela étant, le choix du nucléaire ne manque pas de nous confronter à de véritables enjeux environnementaux. En effet, la réaction de fission nucléaire donne naissance à des éléments radioactifs qui, pour certains, peuvent être recyclés et réutilisés après retraitement dans les combustibles et qui, pour d'autres, nous posent plus de problèmes. Sans chauvinisme effréné, je souhaiterais avant toute chose rappeler l'excellence de l'industrie française du retraitement en la matière, notamment la technicité de l'entreprise COGEMA, qui retraite plus de mille tonnes de combustible irradié chaque année dans ses unités de l'usine de La Hague et qui fait partie des leaders mondiaux du secteur.
Toutefois, en dépit d'un taux de récupération plus qu'honorable et de la production du combustible MOX, qui permet l'utilisation du plutonium, la réaction nucléaire donne également naissance à des éléments hautement radioactifs à vie longue, les actinides mineurs, que l'on ne sait pas encore réutiliser dans le cycle de production électrique, et à des corps dits « produits de fission », radioactifs, dont la durée de vie est assez longue.
Le législateur a, en 1991, et j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur de ce texte, voté une loi qui prévoyait d'organiser notre recherche dans le domaine des déchets nucléaires autour de trois axes pour essayer de trouver une solution à ce problème, et qui disposait qu'un bilan de ces travaux sera présenté devant le Parlement en 2006. Ces trois axes sont: la séparation-transmutation des éléments radioactifs, le stockage de ces éléments en couche géologique profonde et l'entreposage de ces déchets. La commission nationale d'évaluation présente, comme l'a fixé la loi, chaque année au Gouvernement et au Parlement un rapport sur l'état de ces recherches.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, que j'ai l'honneur de présider, vient juste d'achever, la semaine dernière, trois grandes journées d'auditions publiques consacrées à ces trois axes de recherche. Vous avez d'ailleurs bien voulu, monsieur le ministre, nous faire l'honneur de clore l'une de ces journées. Ces auditions ont été organisées sur l'initiative de nos collègues députés MM. Birraux et Bataille, qui travaillent à l'élaboration d'un rapport de l'Office destiné à préparer cette échéance de 2006. Les débats que nous avons eus dans ce cadre furent d'excellente qualité et permettront de préparer au mieux les discussions que nous aurons l'année prochaine sur cette thématique.
Mes chers collègues, ne nous trompons pas. Je sais que le fait d'aborder le sujet des déchets nucléaires peut déchaîner les passions et faire entrer le débat dans la sphère de l'irrationnel. Toutefois, j'aimerais dire ici solennellement qu'il s'agit d'une question dont il convient a contrario de ne pas exagérer l'importance. En effet, peu de personnes savent que la totalité des déchets nucléaires à vie longue produits par le parc électronucléaire français depuis sa création tiennent dans un volume équivalant à celui d'une piscine olympique, dans l'attente des décisions qui seront prises par le législateur l'an prochain. En outre, selon moi, le terme « déchet » est utilisé à tort puisqu'il s'agit de produits intégrés dans des conteneurs, objets de haute technologie, qui, nous l'espérons tous, pourront un jour permettre la valorisation de ces déchets.
Je rappelle également un fait important : alors que la planète est confrontée plus que jamais à l'enjeu du réchauffement climatique, l'énergie nucléaire est la source qui émet le moins de gaz carbonique.