Intervention de Éric Kerrouche

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 novembre 2022 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2023 -mission « administration générale et territoriale de l'état » — Examen du rapport pour avis

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

Tout le monde s'accorde à dire que l'État territorial se trouve actuellement dans une phase de recul, comme en témoignent le dernier rapport de la Cour des comptes sur les effectifs de l'administration territoriale de l'État et le rapport d'information qu'Agnès Canayer et moi-même avons présenté devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

La Cour des comptes juge les suppressions au sein des préfectures irréalistes et considère que les schémas d'emplois postérieurs à 2018 mettent à mal le renforcement des missions prioritaires des préfectures, d'autant plus que celles-ci ne sont pas définies. Elle constate que l'administration territoriale de l'État a perdu 14 % de ses effectifs en une décennie, et que les baisses subies par les services déconcentrés sont souvent disproportionnées par rapport aux à celles supportées par les services centraux. Notre rapport d'information montre que la chute des effectifs au sein des DDI est significative, pour ne pas dire étonnante, de l'ordre de 36 % en dix ans. Cette baisse drastique et continue a conduit à recourir aux personnels contractuels précaires pour des courtes durées. La rapporteure spéciale, Isabelle Briquet, ne dit pas autre chose dans son rapport, mettant en exergue la perte de compétences et donc la perte d'expertise de l'État qui découle de cette stratégie d'économies de moyens.

Étonnamment, le Gouvernement lui-même partage ce constat, indiquant dans le projet annuel de performance de la mission qu'en 2023, l'évolution des moyens dédiés au fonctionnement de l'administration territoriale de l'État « traduit le renforcement de la capacité d'action de l'État sur le terrain [...], mettant ainsi fin à plus de vingt ans de réduction systématique des effectifs départementaux. » Au vu de ce constat, il aurait été logique que le Gouvernement mobilise les moyens nécessaires au renforcement de l'action de l'État dans les territoires, mais il n'en est rien. La hausse présentée dans le projet de loi de finances pour 2023 est en trompe-l'oeil, car elle est liée en réalité à l'augmentation du point d'indice et ne permet pas de répondre aux besoins. La répartition entre les effectifs est floue et ne précise aucun critère de détermination des redéploiements. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la Cour des comptes a souligné le vieillissement des agents territoriaux de l'État, ce qui imposerait logiquement un recrutement échelonné au fil du temps.

Si les objectifs du Gouvernement ne sont pas en soi critiquables - la mission de la politique territoriale est bien d'assurer le service de proximité -, force est de constater que les délais pour l'obtention des titres d'identité vont croissant et qu'il en est de même pour les demandes de titres de séjour. Par conséquent, il est nécessaire de faire un choix : soit les missions des préfectures sont de même niveau, et dans ce cas, il faut donner à l'administration les moyens de ses ambitions ; soit il faut en sélectionner et donc renforcer certains postes. Or le Gouvernement ne choisit pas.

Pour conclure, s'agissant du programme 232 « Vie politique », on peut souligner les efforts réalisés dans le cadre de la distribution de la propagande électorale. En ce qui concerne le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », il est positif qu'un investissement soit réalisé en matière d'immobilier et de numérique. Néanmoins, notre rapport d'information montre une incomplétude au sein des applicatifs utilisés localement. D'importants efforts sont encore à fournir. De même, si la poursuite de l'aspect numérique est nécessaire, il reste à évaluer son déploiement dans le temps, car le numérique représente à la fois un besoin et une limite de l'État territorial. Ainsi, en ne nous limitant qu'à cet aspect, nous connaîtrons les mêmes problèmes que précédemment.

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