Le programme 182 représente 9,4 % des crédits de la mission « Justice » pour 2023. Il serait doté de 1,10 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,08 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 11,2 % en autorisations d'engagement et de 10,4 % en CP par rapport à la loi de finances pour 2022. L'enjeu n'est donc pas le montant des crédits alloués mais leur allocation.
Dans le prolongement des années précédentes, je souhaite me concentrer sur trois défis majeurs auxquels fait face la PJJ : la redynamisation du milieu ouvert, les difficultés de recrutement et la mise en oeuvre progressive de l'applicatif métier PARCOURS.
Je rappelle que le code de la justice pénale des mineurs est en vigueur depuis maintenant un peu plus d'un an. Nous savons qu'il a entrainé un bouleversement de la manière de travailler des services placés auprès des juridictions, dont l'activité a considérablement augmenté, d'après les premiers retours sur la réforme. Mais cette réforme a aussi, peut-être surtout, un impact sur le milieu ouvert, soumis à la nécessité d'organiser une prise en charge avant l'audience de sanction.
Le code de la justice pénale des mineurs peut être un levier de la redynamisation du secteur ouvert qui est un des axes de travail de la PJJ appuyé sur les assises du placement judiciaire, closes en octobre dernier.
Le récent rapport sur la délinquance des mineurs, dont les rapporteurs pour la commission des lois étaient nos collègues Muriel Jourda et Laurence Harribey, a pointé plusieurs difficultés auxquelles fait face le milieu ouvert aujourd'hui, alors même qu'il est chargé de la très grande majorité des mesures judiciaires. Ces difficultés sont de trois ordres : le manque de coordination avec les autres acteurs en charge de l'insertion des jeunes, le manque de personnels et le manque de bâtiments ou leur état.
Le budget pour 2023 tend à apporter des réponses. Sur les 92 postes qui devraient être créés au cours de l'année, 24 seraient consacrés à la généralisation sur le territoire d'une fonction qui paraît utile, celle de « correspondant du milieu d'insertion ». Ces personnels, qui viennent à l'appui des éducateurs, doivent permettre une meilleure connaissance des dispositifs d'insertion existant, en dehors de la PJJ, que ce soit du côté de l'Éducation nationale ou des missions locales et surtout des échanges plus fluides. À juste titre, la mission d'information sur la délinquance a noté les difficultés que posent pour l'insertion le fonctionnement en silo entre ces différents acteurs et le manque de coordination, qui peut aboutir à faire cesser brusquement des projets pourtant prometteurs.
Les postes créés devraient également contribuer à renforcer les équipes territoriales faisant face à un manque d'éducateurs en créant dans chaque région un groupe d'éducateurs volants.
Les unités éducatives d'accueil de jour devraient elles aussi voir leurs effectifs renforcés dans l'optique, à moyen terme, d'augmenter leur nombre et d'améliorer leur répartition. Ces unités sont en charge de la mise en oeuvre d'un dispositif créé par la loi de programmation 2018-2022 pour la justice, la mesure éducative d'accueil de jour, qui est expérimentée depuis 2019 et sera généralisée en lien avec l'application du CJPM. La mesure éducative d'accueil de jour permet une prise en charge continue des jeunes sur des activités d'insertion sociale, scolaire et professionnelle. Elle constitue de fait un intermédiaire entre le milieu ouvert « classique » et le placement.
46 millions d'euros sont prévus pour la construction de 12 nouvelles unités d'accueil de jour. Ce projet se heurte néanmoins à la hausse des coûts de la construction et à la difficulté pour le service de l'immobilier ministériel d'assurer l'organisation d'un nombre toujours plus important de chantiers.
Dans l'ensemble, si la PJ a obtenu des crédits de construction, les crédits de rénovation des structures existantes ne sont pas à la hauteur des demandes et des besoins. Même si les incertitudes économiques font qu'il est délicat d'évaluer le coût des chantiers et que tous ne peuvent être conduits de front, l'état de délabrement de plusieurs structures justifie que l'attention portée par la PJJ sur les rénovations soit soutenue dans le temps.
L'attention croissante portée au milieu ouvert est bienvenue. Au cours des dernières années, nous avons en effet eu l'occasion de nous inquiéter de la place très importante prise par la création des CEF dans l'augmentation du budget de la PJJ, près d'un quart sur les trois dernières années, alors même que les besoins du milieu ouvert étaient très importants.
J'en viens donc à la question des centres éducatifs fermés dont le développement a constitué un axe majeur de la politique du Gouvernement ces dernières années. Le programme de 20 nouveaux CEF (5 publics et 15 privés) n'aura finalement pas pu être mis en oeuvre, pour partie du fait des résistances locales à l'implantation de ces structures. Il semble aujourd'hui que la PJJ soit amenée à renoncer à 3 ou 4 projets qui ne pourront aboutir. Parallèlement, deux nouveaux projets de CEF ont vu le jour. L'un à Mayotte, nous l'avions évoqué avec le ministre, pour souligner que les circonstances locales plaident, à notre sens, pour que ce soit un CEF public. L'autre a été annoncé en août 2021 à Varenne-le-Grand, en Saône-et-Loire.
Depuis 2019, seuls trois établissements ont été livrés, les CEF d'Épernay, de Saint-Nazaire et, en février 2022, celui de Bergerac. Les travaux du CEF de Charente-Maritime sont toujours en cours, tandis que des études de maîtrise d'oeuvre sont toujours menées pour le CEF de Haute-Saône. Aucun nouveau CEF ne devrait être inauguré en 2023 mais 5 pourraient l'être en 2025.
Les CEF, rappelons-le, sont un mode de placement qui permet d'éviter l'incarcération et qui tend à permettre l'insertion en agissant sur des effectifs réduits avec des moyens importants. Ils ont donc toute leur place dans l'échelle des réponses à apporter à la délinquance des mineurs. Cependant, les conditions de la réussite de tels projets s'avèrent particulièrement difficiles à réunir. Il faut une équipe mobilisée et stable, un emplacement qui fasse sens au regard de l'objectif d'insertion, et une relation efficace avec les partenaires de la PJJ, au premier rang desquels l'Éducation nationale. Ces exemples de réussite existent mais ils font encore figure d'exception. Un rapport de la Cour des comptes est semble-t-il en cours sur cette question, qui apportera un éclairage nécessaire sur ces structures dont nous avons plusieurs fois demandé l'évaluation.
Sous-jacente aux difficultés de la PJJ est la question des personnels. Il s'agit là d'une véritable inquiétude de la part de la direction qui pointe un taux de vacance de postes de 6 % et un niveau de rotation élevé sur plusieurs postes difficiles. Le taux de contractuels dans la PJJ, supérieur à 20 %, et leur renouvellement, est lui aussi élevé. Sur les 1 564 sorties et les 1 656 entrées prévues en 2023, plus de 40 % des flux sont liés à des recrutements d'agents contractuels ou des fins de contrats. Si de nouveaux postes sont créés chaque année, nous avons noté par le passé que tous ne parviennent pas à être pourvus.
Face à ce manque d'attractivité, qui rejoint celui de l'ensemble des métiers du social, le Garde des Sceaux a souligné lors de son audition l'important effort accompli en matière salariale pour les agents titulaires. 18 millions sont ainsi affectés à la revalorisation des grilles des directeurs de service. Les agents contractuels ont également été bénéficiaires de mesures de revalorisation de leurs salaires.
La revalorisation salariale est nécessaire, mais elle n'est apparemment pas suffisante, au moins à court terme. Il faut également redonner du sens aux métiers de la PJJ avec des orientations claires et mobilisatrices et la volonté d'agir pour l'insertion des jeunes. Les moyens déployés à cette fin peuvent aller en ce sens.
Un point sur un sujet qui a pu faire polémique et sur lequel le Garde des Sceaux a souhaité revenir lors de son audition. Le Ministre tient à la mise en oeuvre d'un partenariat avec l'armée pour l'encadrement de certains jeunes. Ce sont des réservistes de l'armée qui assureraient cette mission et la PJJ entend mettre en place son propre corps de réservistes pour les épauler. Ce dispositif, budgété en loi de finances pour 2022, ne verra finalement pas le jour cette année mais plutôt à échéance de juillet 2023.
Un dernier point sur le déploiement de l'applicatif PARCOURS qui constitue notre fil rouge. Il doit permettre progressivement d'assurer le suivi de tous les mineurs confiés à la PJJ et le recensement de tous les actes pris à leur égard.
Outre un suivi plus précis et efficace des jeunes, il fournira une image exacte de leur parcours et de l'efficacité des mesures prises, notamment pour éviter les récidives. Le manque d'indicateurs de qualité sur l'efficacité de l'intervention de la PJJ a été pointé à plusieurs reprises et PARCOURS est présenté comme l'instrument adéquat pour trouver une solution.
Le projet PARCOURS, qui devait faire l'objet d'une première version en 2020, a été déployé dans les services à partir de la fin du premier trimestre 2021. L'appropriation de l'outil s'est avérée particulièrement difficile et le besoin de formation est important. La PJJ a donc relancé un programme de formation des personnels.
De nouveaux développements s'avèrent nécessaires, mobilisant 4 millions d'euros en 2022 et à nouveau en 2023, pour permettre le déploiement du deuxième lot de PARCOURS, destiné aux éducateurs eux-mêmes. La DPJJ espère un déploiement fin 2023 tout en indiquant qu'il s'agit, à nouveau, d'une modification importante de leur manière de travailler qui sera demandée aux éducateurs. Cela ne sera donc pas simple et il s'agit d'une affaire que nous suivrons attentivement.
Pour l'heure, au regard de l'augmentation du budget, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 182.