Intervention de Isabelle Lonvis-Rome

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 6 octobre 2022 : 1ère réunion
Audition de Mme Isabelle Lonvis-rome ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes de la diversité et de l'égalité des chances

Isabelle Lonvis-Rome, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances :

ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. - Permettez-moi de débuter mes propos liminaires par un mot sur la situation en Iran.

Nous avons toutes et tous été bouleversés par l'assassinat de Mahsa Amini aux mains de la police des moeurs iranienne. Et l'hommage que le Sénat et l'Assemblée nationale ont rendu à ces femmes, à ce peuple, en est l'illustration. Au visage de Mahsa Amini, s'ajoutent désormais ceux de nombreux autres Iraniennes et Iraniens. Ce sont les visages de la jeunesse iranienne surtout. Ce sont les visages du courage et de la liberté pour sortir des griffes de l'oppression et de la dictature.

Comme l'ont déjà affirmé à plusieurs reprises la ministre de l'Europe et des affaires étrangères Catherine Colonna et la secrétaire d'État chargée de l'Europe Laurence Boone, je réitère devant vous la condamnation la plus ferme par la France des violences commises contre les manifestantes et manifestants.

Et je tiens à rappeler l'attachement indéfectible de notre pays aux droits des femmes ainsi qu'à la liberté.

S'agissant du rapport sur la pornographie du Sénat, votre délégation a mis en lumière un tabou de notre société : les violences sexistes et sexuelles intolérables qui règnent au sein de l'industrie du porno. Comme je l'ai dit mercredi dernier dans votre hémicycle en réponse à la question d'actualité de la Présidente Billon, ce travail fera l'objet d'échanges interministériels afin que chaque ministère concerné puisse agir. Et je me réjouis de vous rencontrer le 18 octobre prochain pour échanger plus en détails. Encore une fois, bravo et merci d'avoir mené ce travail inédit qui décille notre société.

Depuis ma première audition devant votre délégation le 27 juillet dernier, au cours de laquelle je vous ai présenté les grandes lignes de ma feuille de route, nous avons avancé. Comme l'a annoncé la Première ministre, le 2 septembre dernier, à l'occasion du troisième anniversaire du Grenelle des violences conjugales, sur le volet hébergement : d'ici la fin de l'année, 10 000 places d'hébergement seront opérationnelles sur le territoire, soit près de 1 000 places de plus que l'objectif initialement attendu et 1 000 places supplémentaires seront ouvertes en 2023, pour renforcer notre maillage territorial et mieux doter certains territoires, notamment en zones rurales, villes moyennes en métropole comme outre-mer. Au total, ce sont 10 millions d'euros supplémentaires qui seront engagés et qui permettront d'atteindre 11 000 places d'hébergement.

Sur le plan de la sécurité, dans le sillon des annonces du Président de la République, le 10 janvier dernier, à Nice, la présence policière dans la rue sera doublée, tout comme le nombre d'enquêteurs spécialisés. D'ici 2025, le nombre d'intervenants sociaux en gendarmerie et dans les commissariats passera de 400 à 600 et l'outrage sexiste sera délictualisé dans les cas les plus graves tandis que l'amende verra son montant triplé.

La Première ministre a également annoncé la mise en place d'une mission parlementaire visant à dresser le bilan et améliorer le traitement de ces violences. L'objectif de cette mission, confiée à la sénatrice Dominique Vérien et à la députée Émilie Chandler, est de créer les conditions d'une action judiciaire lisible, réactive, performante ; une action judiciaire qui concilie spécialisation des enquêteurs et des magistrats avec la proximité nécessaire pour les victimes. En tant qu'ancienne magistrate et haute fonctionnaire à l'égalité au ministère de la justice, je sais combien le parcours judiciaire peut être complexe et pavé de difficultés pour les victimes. Je sais que c'est un sujet capital pour beaucoup d'entre vous. C'est en tout état de cause un engagement que le Président de la République a pris durant la campagne présidentielle et je me réjouis que nous avancions enfin sur ce sujet capital. Je me réjouis également qu'Élisabeth Borne ait annoncé le lancement de l'expérimentation d'un nouveau dispositif auquel je crois fermement, « un pack nouveau départ » visant à faciliter le départ du domicile des femmes bénéficiant de mesures de protection. Car je l'ai observé au cours de ma carrière, et les associations le signalent régulièrement, les victimes quittent ou plutôt fuient le domicile conjugal mais, sous emprise ou dépendantes financièrement, ont tendance à revenir dans le huis clos auprès de leur bourreau. Nous devons agir pour remédier à ces « faux départs » qui peuvent s'avérer tragiques pour certaines victimes.

Enfin, la Première ministre a indiqué qu'elle présiderait dans les prochains mois un comité interministériel sur l'égalité entre les femmes et les hommes que je piloterai pour décliner la feuille de route des cinq ans à venir et affirmer une nouvelle ambition pour chacun des champs d'action gouvernementaux.

Toutes ces annonces sont de grande ampleur. Elles ne pourront trouver une véritable traduction concrète sans l'appui indispensable des parlementaires et sans un budget important.

S'agissant du budget, vous m'aviez interrogée le 27 juillet dernier, Madame la Sénatrice Laurence Cohen, et vous l'avez mentionné, Madame la Présidente, lors de votre introduction, je me réjouis de vous répondre positivement aujourd'hui.

Les crédits dévolus au programme 137 connaîtront en 2023 une augmentation de 7,3 millions d'euros, portant le budget de mon ministère à 57,7 millions d'euros. Cette progression de 15 % par rapport à 2022 vient s'ajouter aux différentes hausses successives enregistrées ces cinq dernières années.

Au total, depuis 2017, le programme 137 a progressé de 95 %.

Les moyens supplémentaires permettront de renforcer les aides aux associations agissant en faveur de l'égalité femmes-hommes, d'intensifier la prévention et la lutte contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles, de renforcer l'accès aux droits sur l'ensemble des territoires de l'hexagone et d'outre-mer, et de poursuivre les actions conduites en faveur de l'éducation à l'égalité entre les filles et les garçons.

Avant de conclure, permettez-moi de dire un mot sur les enjeux d'égalité en ruralité.

J'ai eu l'occasion de vous féliciter pour le rapport sur la situation des femmes dans les territoires ruraux, que vous avez réalisé, assorti de 70 recommandations.

Si leur réalisation ne dépend pas systématiquement de l'État - et c'est tant mieux car nous avons absolument besoin de l'ensemble des collectivités locales pour mener ce combat -, nous avons néanmoins avancé car il s'agit d'un enjeu majeur.

Car, pour reprendre vos propres termes, il ne peut y avoir de « zones blanches » en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

Parce qu'elles cumulent plusieurs types d'inégalités, les 11 millions de femmes vivant dans nos territoires ruraux doivent bénéficier de politiques publiques spécifiques.

Depuis la publication de votre rapport, nous avons précisé le cadre réglementaire des « arrêts à la demande » par un décret publié en octobre 2020. Il faut désormais que les autorités organisatrices de mobilité s'en saisissent. Il s'agit d'un outil essentiel pour que toutes les femmes puissent se déplacer en sécurité dans notre pays.

Sur l'accès à l'emploi et la prévention des violences faites aux femmes en milieu rural, avec ma collègue Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité, nous avons récompensé récemment les lauréats d'un appel à manifestation d'intérêt que nos prédécesseurs avaient engagé.

Au total, 1,5 million d'euros ont été investis pour soutenir de très beaux projets sur tous nos territoires ruraux.

Nous avons également multiplié le nombre de places d'hébergement ainsi que les intervenants sociaux en gendarmeries et commissariats en zones rurales.

En conclusion, si nous avons beaucoup progressé depuis 2017, le chemin vers l'égalité réelle et concrète demeure long. Ce combat de longue haleine, je souhaite le conduire avec vous, en proximité avec votre délégation. Je crois profondément en l'intelligence collective : c'est la seule intelligence qui vaille à mes yeux.

Je sais le travail important réalisé par votre délégation et le rôle à la fois d'aiguillon et de vigie qu'elle joue, et vous en remercie.

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