Madame la Ministre, Madame la Procureure générale, très chères lauréates, chers collègues, Mesdames et Messieurs, j'ai le plaisir de vous accueillir au Palais du Luxembourg pour la cérémonie de remise du Prix de la délégation aux droits des femmes du Sénat, édition 2022.
Notre délégation a créé ce prix en 2019, à l'occasion de son vingtième anniversaire. Cette initiative visait à affirmer notre considération, et celle du Sénat, à l'égard des actrices et acteurs de la lutte pour les droits des femmes et l'égalité femmes-hommes, sans qui aucun progrès dans ce domaine ne serait possible. Chaque année, nous mettons à l'honneur des personnalités engagées dans la défense de l'égalité, qui ont contribué par leur réflexion et leur engagement à enrichir et à éclairer nos travaux.
Comme toujours, ceux-ci ont été très riches au cours de l'année écoulée. Nous avons traité plusieurs sujets cruciaux d'attention, de réflexion et de vigilance.
Sur le plan international, d'abord, nous avons porté un intérêt tout particulier à la situation des femmes et des filles afghanes. Le 25 novembre 2021, date symbolique en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, nous avions organisé une table ronde consacrée à ces femmes, en présence notamment de l'ambassadeur de France en Afghanistan, mais aussi de réfugiées afghanes.
En attribuant aujourd'hui le prix de la délégation à deux femmes engagées de longue date dans le soutien aux femmes afghanes - Marie George Buffet et Shoukria Haidar -nous souhaitons remettre en lumière les violences subies par ces femmes qui ne sont plus au coeur de l'attention médiatique. Les restrictions imposées par les talibans aux femmes en Afghanistan se poursuivent. Elles ne peuvent continuer leurs études au-delà de l'école primaire. La plupart des emplois situés à l'extérieur de leur domicile leur sont interdits. Elles doivent porter un voile intégral en public et être accompagnées d'un chaperon masculin lors de leurs déplacements, y compris pour accéder à des services essentiels.
Ces discriminations ne sont pas limitées à l'Afghanistan, comme en témoigne la situation actuelle en Iran. La mort, en septembre 2022, de la jeune Mahsa Amini, après son arrestation par la police des moeurs, et celle d'autres manifestantes et manifestants iraniens depuis, nous engagent en tant que parlementaires, défenseurs de la cause des femmes.
Femme, vie, liberté : nous devons faire nôtre ce magnifique slogan des manifestants qui ont le courage de défier le pouvoir en place pour défendre leurs libertés, et en premier lieu celles des femmes.
Ces derniers mois, notre délégation a également travaillé sur des sujets difficiles, en lien avec la marchandisation des corps : la prostitution, tout particulièrement celle des mineures, mais aussi l'industrie pornographique. Pour cette raison, nous avons tenu, à travers le palmarès 2022 du Prix de la délégation, à saluer le travail accompli par la procureure générale honoraire Catherine Champrenault en tant que présidente du groupe de travail sur la prostitution des mineurs. Notre délégation a pris connaissance de la qualité et de la densité du rapport publié par ce groupe de travail à l'été 2021, qui a couvert tous les aspects du sujet. Il nous a évité de nous pencher sur ce sujet, en réalité. Nous ne pouvons que souscrire à ses recommandations.
Enfin, nous venons de publier avec mes collègues rapporteures Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol un rapport intitulé Porno : l'enfer du décor. Au cours de ce travail de plus de six mois, nous avons notamment entendu les associations Les Effronté.es, Mouvement du Nid et Osez le féminisme ! que nous récompensons ce soir. Nous tenons à les remercier pour leur soutien apporté aux femmes victimes de violences commises dans un contexte de pornographie.
C'est avec fierté et émotion que je vais maintenant procéder à la remise du Prix de la délégation aux lauréates de la promotion 2022.
Avant d'accueillir la première lauréate, Marie-George Buffet, j'invite Laurence Cohen, membre très engagée de la délégation, à me rejoindre.
Madame la Ministre, nous connaissons toutes et tous votre engagement féministe et vos initiatives pour faire progresser la place des femmes dans le sport, en tant que ministre de la jeunesse et des sports notamment.
Ce que l'on sait peut-être moins, c'est que vous êtes également engagée, depuis de nombreuses années, en faveur de l'émancipation des femmes afghanes. Vous mêlez ces deux combats.
Le sport, amateur comme professionnel, est en effet un vecteur formidable d'émancipation et de liberté. La visibilité donnée à des sportives et à des compétitions sportives féminines est également un outil remarquable pour faire évoluer l'image que la société se fait des femmes, et pour démonter les stéréotypes sexistes et les préjugés.
Il y a vingt ans déjà, vous étiez partie prenante de l'association Afghanes, Afghans. Vous vous rendiez à Kaboul pour promouvoir l'accès au sport pour toutes les femmes. Vous étiez parvenue à obtenir la participation de deux jeunes afghanes lors des championnats du monde d'athlétisme. Bravo, Madame la Ministre !
De façon particulièrement symbolique, l'une des premières mesures prises par les talibans, lors de leur retour au pouvoir l'an dernier, fut d'interdire aux femmes de pratiquer une activité physique. Un représentant des talibans a ainsi affirmé - je cite - que « la pratique du sport pour les femmes n'est ni nécessaire, ni appropriée » et qu'« elles pourraient être confrontées à une situation où leur visage et leur corps ne seront pas couverts. L'islam ne permet pas aux femmes d'être vues comme ça. » Des joueuses et athlètes professionnelles ont dû fuir leur pays, et celles qui n'y sont pas parvenues sont menacées pour le simple fait qu'elles ont pratiqué une discipline sportive.
À l'automne dernier, vingt ans après vos premières initiatives, vous avez lancé un collectif pour développer la solidarité avec les femmes afghanes. Il regroupe notamment une dizaine d'associations et de personnalités sportives.
Vous vous êtes mobilisée, et continuez à l'être, pour que la France accueille les sportives afghanes menacées dans leur pays.
Comme vous nous l'aviez annoncé à l'occasion de notre table ronde du 25 novembre 2021, vous vous engagez également pour obtenir que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ne soient composés que de délégations paritaires, excluant les pays interdisant la pratique sportive aux femmes. Nous ne pouvons que relayer ce combat, d'ailleurs conforme à la Charte olympique ainsi qu'à l'engagement du Comité international olympique, de faire des JO 2024 les premiers Jeux olympiques de la parité. Nous y sommes évidemment favorables. Il est inenvisageable que des femmes afghanes ne participent pas aux Jeux de Paris 2024. Dès l'année dernière, avec mon collègue Michel Savin, président du groupe d'études Pratiques sportives et grands événements sportifs, j'avais d'ailleurs adressé un courrier en ce sens aux trois ministres, respectivement en charge des sports, de l'éducation et de l'égalité femmes-hommes. Je pense que nous devons, de ce point de vue, maintenir ensemble la pression sur le Gouvernement et sur les instances sportives internationales.
C'est avec un immense plaisir, Madame la Ministre, que Laurence Cohen et moi-même vous remettons aujourd'hui cette médaille consacrant votre engagement pour la cause des femmes en Afghanistan.