Intervention de Annick Billon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 25 octobre 2022 : 1ère réunion
Cérémonie de remise du prix 2022 de la délégation aux droits des femmes

Photo de Annick BillonAnnick Billon, présidente :

Merci beaucoup. Il était important de vous entendre. Vos mots vont faire le lien avec le dernier prix que nous remettons aujourd'hui. Nous vous avons entendus, au sein de la délégation, et nous sommes rendu compte que vous aviez réalisé un travail très important sur la prostitution des mineurs. Laurence Cohen et Laurence Rossignol nous ont alors persuadées de travailler sur le thème de la pornographie. Les constats tirés sur ce sujet ont dépassé tout ce que nous pouvions attendre de cette industrie effroyable. Au travers de nos travaux, nous avons réalisé que les notions de prostitution, de pornographie et de proxénétisme présentaient une porosité certaine.

J'invite désormais Céline Piques de l'association Osez le Féminisme !, Claire Quidet du Mouvement du Nid et Claire Charlès des Effronté.es, à me rejoindre. Je propose par ailleurs à Laurence Rossignol et Laurence Cohen de se joindre à nous, puisque nous avons mené ce travail ensemble, avec Alexandra Borchio Fontimp, qui n'a malheureusement pas pu être parmi nous ce soir.

Très chères lauréates, chaque année, nous choisissons de distinguer, au-delà de personnalités marquantes, une association ou une ONG dont nous souhaitons saluer l'action en faveur des droits des femmes et de l'égalité femmes-hommes. Ce soir, nous accueillons un collège de trois associations. Nous ne pouvions pas vous départager, Mesdames.

Notre choix s'est imposé comme une évidence. Après plus de six mois de travaux sur l'industrie de la pornographie, il nous semblait indispensable de saluer l'engagement des associations Osez le Féminisme !, Mouvement du Nid et Les Effronté.es contre les violences pornographiques et aux côtés des victimes.

L'audition de vos associations a été notre toute première audition consacrée à l'industrie pornographique, au mois de janvier 2022, et je dois dire qu'elle a été particulièrement marquante et choquante pour nous toutes et tous. Je me souviens des regards que nous échangions à cette occasion. Nous nous sommes immédiatement rendu compte que nous avions eu raison de choisir ce sujet. Nous ne mesurions pas toutes et tous l'ampleur du désastre.

Vous nous aviez alors expliqué comment votre engagement aux côtés des personnes prostituées vous avait amenées à également être sollicitées par des femmes ayant participé à des tournages pornographiques. Vous nous aviez décrit sans détour et faux-semblant les pratiques abjectes dont ont été victimes les femmes impliquées dans l'affaire dite French Bukkake, dans laquelle vous vous êtes portées partie civile.

Vous nous aviez également fait part du recensement que vous avez effectué de catégories et titres de vidéos disponibles sur des sites pornographiques grand public. Une fois que nous avons consulté ces rubriques, nous avons compris la gravité et l'urgence de la situation. Cela a permis de rapidement couper court à toute vision faussée ou édulcorée du porno. J'ai d'ailleurs pour habitude de dire que le porno éthique est anecdotique.

Vous aviez notamment mis en avant la fréquence de termes comme interracial, bukkake, étranglements, fantasme familial, ado et de nombreux autres termes mettant en avant les violences et humiliations subies par les femmes filmées. Les propos étaient difficiles, mais devaient être entendus pour que nous nous fassions une juste idée de ce qu'est le porno aujourd'hui.

Je me souviens de ces mots de Sandrine Goldschmidt du Mouvement du Nid qui me semblent bien résumer la situation : « L'industrie du porno est une industrie de production de films ayant la particularité de ne pas être du cinéma. Les actes sexuels, les pénétrations, les coups et les tortures sont réels. » J'ajoute le sang, les cris ou encore les pleurs et hurlements. Tout est réel. Je ne suis pas certaine que les 19 millions de visiteurs uniques de sites pornographiques chaque mois en France en aient conscience.

Nos travaux ultérieurs n'ont fait que confirmer les propos que vous avez tenus devant notre délégation et l'ampleur des violences envers les femmes générées par l'industrie pornographique.

Je suis, pour ma part - et je pense pouvoir parler au nom de l'ensemble de mes collègues - très fière que la délégation aux droits des femmes du Sénat soit à l'origine du premier rapport parlementaire consacré à cette industrie. Vous le constatez, nous étions quatre rapporteures issues de groupes politiques différents. Nous avons nous aussi trouvé un consensus assez facilement.

Les travaux que nous avons menés pendant six mois et les dizaines d'heures d'audition ne nous ont pas laissé la possibilité de nous séparer sur les conclusions. Ainsi, notre rapport transpartisan a été adopté à l'unanimité par notre délégation. Je ne doute pas qu'il fera date. Nous allons continuer à le faire vivre et à travailler avec les ministres concernés pour faire avancer nos préconisations. Vous pouvez compter sur notre engagement.

Nous espérons notamment pouvoir présenter une proposition de résolution sur le sujet au Sénat, et que celle-ci pourra être votée à l'unanimité.

Pour ces raisons, je suis particulièrement heureuse de vous remettre, au nom de l'ensemble de mes collègues, cette médaille de la délégation qui récompense votre action contre les violences pornographiques et aux côtés des victimes.

Nous avons parlé de prostitution puis de pornographie. Si nous ne prenons pas tous conscience des conséquences de cette industrie, notamment chez les jeunes, nous ne parviendrons jamais à faire reculer les violences intrafamiliales, même en votant toutes les lois possibles.

Prostitution, pornographie, proxénétisme, même combat. Femme, vie, liberté, il faut y aller, Mesdames !

Je laisse la parole aux associations. Merci à toutes les trois, même si vous nous avez bousculés et dérangés.

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