Bonjour à toutes et à tous.
Merci beaucoup pour ce prix, qui est collectif, pour la bonne et simple raison que nos trois associations ont décidé de s'unir pour entendre, enfin, la voix des plaignantes. Il ne revient pas qu'aux militantes engagées que nous sommes au côté des femmes victimes. J'ai aussi, et avant tout, envie de le dédier à toutes les plaignantes. Elles sont d'un courage et d'une force inouïs pour se lever cinq ans après le début de #MeToo, et dire qu'elles aussi, elles ont vécu cela. Nous sommes aujourd'hui au seuil d'une révolution, d'un #Metoo de la pornographie incroyable. Sans ces femmes, nous n'en serions pas là. Elles ont décidé de se porter parties civiles. Aujourd'hui, la justice les entend. C'est tout le sens de #MeToo, qui a pour objet d'écouter les victimes. Sans elles, il n'y aurait rien.
Les deux procès en préparation seront terribles. Ils rejoignent totalement le constat dressé par le rapport du Sénat. L'industrie pornographique est une industrie proxénète. C'est une industrie criminelle qui agit dans l'illégalité la plus totale dans la manière dont sont produites ces images. Cela a été dit, ce n'est pas du cinéma. Les actes de violence, de sadisme, de viol, de violence sexuelle ne sont pas simulés. Dès lors que nous édictons ce fait, nous devons replacer l'industrie pornographique dans le cadre du droit. Il n'est pas aujourd'hui possible de monnayer un acte d'un sadisme inouï. Je ne reviendrai pas sur les catégories et scénarios de ces vidéos, qui banalisent et promeuvent des violences sexuelles.
Ces femmes ont obtenu d'être écoutées par la justice. Nous, associations de terrain, avec le Mouvement du Nid et Les Effronté.es, avons décidé de les écouter et de les accompagner. Mme Champrenault insistait sur l'importance du soin. Nous essayons de fournir à ces victimes un accompagnement psycho-traumatique et des conseils juridiques, entre autres, pour les aider à aller vers deux procès à venir qui s'annoncent terribles.
Dans le cadre des affaires French Bukkake et Jacquie et Michel, nous comptons aujourd'hui près de soixante-dix plaignantes. Face à elle, je n'arrive plus à compter les mis en examens, qui étaient dix-neuf ou vingt au dernier comptage, producteurs et acteurs. Les chefs d'inculpation sont sans appel sur la réalité criminelle de l'industrie pornographique : viol aggravé, proxénétisme aggravé, actes de torture et de barbarie, traite d'êtres humains. Enfin, la justice les écoute. Dans cette procédure hors norme, je ne parviens plus à compter le nombre de juges d'instruction qui s'impliquent aujourd'hui. Le lien est enfin tissé entre la prostitution et la pornographie.
J'aurais pu prononcer des passages entiers du discours de Mme Champrenault. Les mécanismes de rabattage, la façon dont ces femmes sont piégées, mises sous emprise, trompées, violées sur les tournages, sont strictement identiques à ceux de la prostitution.
Quelle est la seule différence ? Elle est terrible. C'est ce que je qualifie de double peine. Au-delà de ce viol tarifé, celui-ci est diffusé, de façon incontrôlée. Il est impossible, pour les victimes, de faire retirer les vidéos de leurs propres tortures. Le producteur ayant organisé ces viols peut continuer à les diffuser, et des millions d'hommes et de femmes se masturbent en visionnant ces actes de torture. Cela doit nous interroger sur l'intégralité de notre société. En effet, que signifie le fait que l'essentiel de la pornographie n'est qu'images de déshumanisation des femmes, de soumission et d'alimentation d'un certain nombre de mythes patriarcaux ? Ceux-ci sous entendent qu'il existe un désir irrépressible des hommes, que les femmes sont des objets sexuels, et qu'elles méritent et souhaitent la violence qui est commise à leur encontre.
J'aimerais qu'on applaudisse l'ensemble des acteurs agissant pour faire avancer cette cause, et les extraordinaires avocats avançant aux côtés des victimes. Je salue notamment Maître Questiaux, avocate de nos trois associations, qui accompagne également plusieurs victimes. Elle est de tous les combats et lutte contre le proxénétisme depuis plus de dix ans. Elle est au coeur de cette mobilisation pour que ces femmes soient entendues. Ce prix est aussi le sien. Elle est essentielle dans la façon dont nous pouvons faire valoir le droit, aujourd'hui, en France.
Pour finir, je remercie toutes les militantes de nos trois associations. Elles traitent un sujet très difficile. Nous sommes des dizaines, des centaines de militantes bénévoles. Nous croyons en ce que nous faisons. #Metoo doit aujourd'hui investir l'industrie porno-criminelle, et aider nos associations, qui ne peuvent pas tout porter en justice. Nous allons avoir besoin de la loi.
Je remercie les quatre sénatrices, Annick Billon, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et Alexandra Borchio Fontimp, qui donnent enfin une suite politique à ces procès et à notre mobilisation pour mettre fin à l`impunité aujourd'hui complète de l'industrie porno-criminelle. Je pense également à la ministre en charge de l'égalité femmes-hommes, Isabelle Rome, qui a reçu les sénatrices pour qu'elles lui remettent ce rapport. Je crois qu'elle est également mobilisée sur le sujet. Le Haut conseil à l'égalité s'est également saisi sur cette question. En travaillant ensemble, nous pourrons faire inscrire cette question à l'agenda politique pour que cesse cette diffusion incontrôlée de vidéos représentant des actes de violences, de viol et de torture, qui font malheureusement office d'éducation sexuelle pour nos enfants. La loi sur l'interdiction d'accès de ces sites aux mineurs n'est en effet pas respectée. L'ensemble de l'industrie porno-criminelle ne la respecte pas en France. J'espère que cela pourra changer.