Intervention de Claire Quidet

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 25 octobre 2022 : 1ère réunion
Cérémonie de remise du prix 2022 de la délégation aux droits des femmes

Claire Quidet, présidente de l'association Mouvement du Nid :

J'essaierai d'être brève, puisqu'il est inutile de répéter ce qui a déjà été dit.

Nos trois associations sont très sensibles et honorées par ce prix que nous remet aujourd'hui la délégation aux droits des femmes du Sénat pour saluer nos actions communes contre l'industrie pornographique.

Au Mouvement du Nid, nous avons accentué depuis quelques années notre travail sur cette question, d'une part parce que l'ensemble de nos délégations étaient de plus en plus souvent sollicitées par des personnes prostituées qui nous confiaient les violences extrêmes qu'elles subissaient dans la pornographie. La porosité entre les deux systèmes était évidente. D'autre part, parce que les dizaines de milliers de jeunes que nous rencontrons chaque année en prévention témoignent lors de nos interventions de l'impact désastreux de ce qui fait parfois office, pour eux, de seule éducation sexuelle. Tout ce qui est présent dans la prostitution l'est dans la pornographie : producteurs et diffuseurs, qui l'organisent et en tirent profit, proxénètes, acteurs et actrices rémunérés pour effectuer des actes sexuels non désirés, activité prostitutionnelle. Cela a été dit, les trajectoires de vie sont bien souvent similaires. Enfin, ceux qui regardent les contenus pornographiques, parce qu'ils contribuent à générer ces profits colossaux, peuvent être assimilés à des clients prostitueurs.

La seule différence réside dans la présence de la caméra. Pour cette raison, nous parlons au Mouvement du Nid de prostitution filmée. La pornographie, c'est de la prostitution qui se déroule devant une caméra. Comme dans la prostitution, la violence y est omniprésente, à un niveau peut-être jamais vu. Nous parlons ici de viol, de torture, d'actes de barbarie. La présence de la caméra n'annule pas cette violence.

Aujourd'hui, nous ne pouvons que nous réjouir que la violence des victimes soit enfin entendue. Nous en sommes très émues. Elle est entendue à travers l'action judiciaire en cours, par la justice. Elle l'est aussi par les médias, qui relaient ce qu'il se passe, et que tout le monde semble découvrir. Elle l'est également par les institutions. En ce sens, le travail de la délégation aux droits des femmes du Sénat est très important dans la reconnaissance de cette parole.

Nous devons maintenant cesser de faire passer les violences que subissent ces personnes dans la pornographie pour de soi-disant productions culturelles, et les nommer pour ce qu'elles sont. Il s'agit d'images de violences réelles, atroces, indicibles, infligées à des femmes, mais aussi des enfants ou des hommes, au profit d'une industrie qui génère des profits colossaux. Elle recycle par ailleurs à l'envi des mythes patriarcaux de domination, d'humiliation, de mépris des femmes et de culture du viol.

Il y a aujourd'hui un mouvement médiatique indéniable. Votre rapport ainsi que les actions en cours y contribuent. Les politiques publiques doivent maintenant se saisir de cette question. La France a fait un pas gigantesque en interdisant l'achat d'actes sexuels en 2016. Elle doit aller plus loin dans la lutte contre toute forme de marchandisation du corps des femmes et contre les violences. Nous avons les moyens de mettre à mal l'industrie pornographique et tout le système porno-prostitueur. Nul doute que l'excellent rapport de votre délégation y contribuera.

Merci beaucoup.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion