Bonjour à toutes et tous.
J'essaierai de ne pas répéter ce qui a été dit. Je suis la porte-parole de l'association Les Effronté.es. Je remercie infiniment la délégation aux droits des femmes et sa présidente Annick Billon, pour ce prix que nous partageons avec les associations Osez le féminisme ! et le Mouvement du Nid. Je suis extrêmement fière de mener ce combat avec ces deux associations et avec nos camarades militantes à qui j'ai envie de rendre hommage, et même « femmage ». Il est très particulier de ressentir la fierté qui est aujourd'hui la nôtre pour un combat aussi dur et même horrible. Pour leurs recherches, les militantes se sont infligées des heures d'images ou de synopsis abominables. C'est très dur psychologiquement.
Les luttes féministes connaissent rarement, à défaut d'un aboutissement, une étape historique telle que ce rapport sénatorial. J'espère qu'il sera suivi de mesures concrètes - j'en suis presque sûre - mais aussi d'ampleur. Nous nous attaquons à une industrie criminelle, qui s'apparente à une mafia. Elle charrie des milliards de dollars chaque année. C'est un haut lieu du patriarcat, où se déroulent les pires horreurs, qui ne sont pas tolérées dans l'espace de l'intime et du privé. Elles sont punies par la loi. Pourquoi seraient-elles acceptées sous le prétexte que « c'est du cinéma » ? La sémantique la plus hypocrite serait celle du porno qualifié d'« amateur », qui ne diffère en rien du reste de l'industrie pornographique.
On pourrait penser que tout le porno n'est pas ainsi. Il ne faut pas croire cela. Je rappelle que 88 % des scènes de pornographie contiennent de la violence explicite et non feinte. C'est énorme. Par ailleurs, à l'occasion de notre audition, nous avons apporté de l'information sur les contenus des synopsis, et notamment les mots clés les plus recherchés. Nous n'avons pas besoin de chercher longtemps pour les trouver. Certains ont été listés par Annick Billon : interracial, fantasme familial, teen, esclavage et autres horreurs... Par ailleurs, les films pornos représentent 35 % de la bande passante du Net. Ils sont en outre extrêmement banalisés dans notre société. Il est considéré comme tout à fait normal d'en regarder, et au contraire, ne jamais en avoir visionné vous fait même passer pour quelqu'un de « coincé ».
Ces souffrances sont devant nos yeux, et nous ne pouvons plus les ignorer.
J'aimerais également insister sur le fait que ces violences sont patriarcales et sexistes, mais aussi transphobes. Les femmes transgenres y sont particulièrement humiliées et dénigrées, ou fétichisées. Ces violences sont également racistes. Les synopsis dont je vous parlais sont illégaux, et très souvent racistes. S'y ajoutent des discriminations lesbophobes. Ainsi, le combat est intersectionnel. Il est important de le dire, ce n'est pas un gros mot.
La pornographie a un impact énorme sur la construction de la sexualité des jeunes enfants et adolescents. En France, le premier porno est visionné en moyenne vers 11 ou 12 ans. La sexualité des adultes est également impactée. Ce n'est pas parce que nous sommes adultes qu'un mur se construit entre ce que nous voyons et ce que nous ressentons ensuite. Nous ne pouvons pas imaginer une société respectueuse des femmes dans la mesure où nous savons que des hommes éprouvent de l'excitation sexuelle devant des actes de torture et de barbarie. C'est impossible.
Ce sujet étant supposément la grande cause du quinquennat, nous espérons que ce rapport sénatorial, qui est historique, sera suivi d'effets. Je remercie encore les sénatrices l'ayant co-rédigé et nous ayant auditionnées, qui ont embrassé ce combat et qui nous ont écoutées.
Enfin, les personnes tombant dans la prostitution ou la pornographie sont souvent multi-traumatisées, mais aussi précaires. Ce combat doit obligatoirement s'accompagner de mesures sociales. Si celles-ci ne sont pas suffisantes et si les parcours de sortie de la prostitution et du porno ne fournissent pas des montants assez élevés, les lois ne seront que pure communication. Ce serait déjà un début, puisque la loi sert à dire ce qui est bien ou pas, mais il faut des budgets. Sans eux, nous sortirons peut-être ces femmes de la pornographie ou de la prostitution, mais nous ne les sauverons pas de la précarité. Ces sujets sont liés.
Je remercie encore mes camarades d'Osez le féminisme ! et du Mouvement du Nid, la délégation aux droits des femmes, et les sénatrices Annick Billon, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et Alexandre Borchio Fontimp.
Ces violences sont devant nos yeux. Nous ne pouvons plus les fermer. Nous n'avons pas le droit de ne pas réagir.