Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce premier PLFSS du deuxième quinquennat aurait dû enfin tracer les lignes d’une stratégie ambitieuse et au long cours, tenant compte des enseignements de la crise sanitaire, en faveur d’une politique sociale et sanitaire à la hauteur des enjeux.
Tel n’est toujours pas le cas et nous ne pouvons que déplorer votre impéritie.
Avant la pandémie, en 2019, des milliers de chefs de service vous alertaient et menaçaient de quitter l’hôpital en raison de l’incapacité de garantir des services de qualité.
En 2022, une épidémie de bronchiolite, saisonnière, prévisible, conduit à déclencher le plan Orsan (Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles), prévu pour des situations exceptionnelles, imprévisibles. Cela se traduit par des rappels de personnels, des transferts de bébés, des déprogrammations d’interventions, des retards de diagnostic, des pertes de chances et du tri.
Oui, du tri ! En 2022, en France, alors que l’épidémie est comparable à celle de 2012. Cependant, depuis cette date, l’hôpital public a continué de s’effondrer. Or lui seul assure la pédiatrie.
Ce qui est un scandale, monsieur le ministre, ce n’est pas que les soignants parlent de tri, c’est de les obliger à en faire ! Qu’avez-vous fait pour la pédiatrie depuis cinq ans ? Le Gouvernement refuse de fixer un Ondam à la hauteur des enjeux, mais il débloque 400 millions pour passer l’hiver quand le scandale enfin éclate : cela ne fait pas une politique de santé.
Cette gestion nourrira les démissions, une fois l’urgence passée. Nous le réaffirmons, seule une vraie perspective pluriannuelle peut donner du sens au nouvel effort que vous demandez au personnel hospitalier épuisé.
Vous avez fermé des lits, supprimé des postes, planifié une gestion du personnel fondée sur des heures supplémentaires et des primes plutôt que sur des embauches et des revalorisations pérennes, et provoqué souffrance au travail, départs et suicides.
Comme en matière d’inaction climatique, vous faites l’objet d’une action en justice visant à faire reconnaître la responsabilité de l’État dans la situation de l’hôpital public. Nous trouvons indécente la satisfaction du ministre des comptes publics s’agissant du niveau de l’Ondam.
Votre aveuglement devient dangereux.
En refusant de rechercher des ressources ou en les asséchant par des exonérations et des exemptions d’assiettes non compensées, les dépenses publiques seront – avec vous – toujours contraintes face à des besoins en progression. Vous préférerez systématiquement le calcul comptable aux défis sanitaire et social.
Ainsi, vous multipliez les mesures d’exonération de cotisations sociales, dont la part non compensée est en hausse. La Commission des comptes de la sécurité sociale note ainsi que « les crédits affectés par l’État au titre de la compensation des exonérations seraient inférieurs de 4, 3 milliards au coût global des mesures sur 2022 ». Ces milliards volés au budget de la sécurité sociale représentent plus de dix fois votre rallonge pour la pédiatrie !
Nous nous réjouissons donc que l’amendement tendant à revenir sur la non-compensation des exonérations de partage de la valeur ait été approuvé sur l’ensemble des travées du Sénat, après l’avoir été pareillement à l’Assemblée nationale. Oserez-vous y revenir par un prochain 49.3, au mépris des deux chambres ?
De manière générale, la trajectoire financière présentée a fait l’objet de nombreuses critiques. Elle trace l’horizon de pressions sur les dépenses publiques, notamment sur les retraites.
Sur ce dernier point, nous devons marquer, une fois encore, notre opposition à la disposition introduite pour reculer l’âge de départ, là aussi avec les mêmes points aveugles sur la question des recettes, sur les politiques d’intensification du travail, de pénibilité et d’éviction des salariés les plus âgés, insuffisamment productifs et trop coûteux pour le capital, car, si la moitié des seniors sont hors de l’emploi au moment de la retraite, 47 % le sont pour cause de licenciement.
À l’insuffisance de l’Ondam répondent les maigres ressources allouées à la branche autonomie.
Nous ne reviendrons pas sur le coupable retard pris dans la prévention de la perte d’autonomie. Les mesures qui y sont attachées ne provoqueront pas le nécessaire choc d’attractivité, qui permettrait d’ouvrir enfin les 93 000 postes supplémentaires d’ici à deux ans pour les seuls Ehpad et autant pour le soutien à domicile associatif, qui attend les mesures spécifiques du Ségur pour mettre fin à un sous-effectif alarmant.
Sur les autres enjeux, le texte se montre aussi insuffisant : alors que plus de 3 millions de personnes vivent dans un désert médical, le Gouvernement refuse d’envisager les premières mesures structurelles à même de desserrer la pénurie à court terme.
La quatrième année d’internat ne peut être au service de la régulation, elle ne peut se justifier que pour la professionnalisation.
D’autres pistes restent inexplorées. Les études de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent qu’il faut mettre l’accent sur la diversité sociale et géographique des étudiants en médecine, en favorisant l’inscription d’étudiants originaires de zones sous-denses, notamment rurales, et en déconcentrant l’enseignement. C’est ce que nous avons proposé, en vain.
Si le Gouvernement régule enfin la télémédecine, il ne peut s’empêcher un nouvel effet de loupe sur les arrêts maladie.
Nous approuvons la suppression par le Sénat du transfert de charges de la branche maladie vers la branche famille. D’autant que nous avons souligné le caractère restrictif des mesures présentées en faveur de la famille, limitées aux familles monoparentales. De fait, le texte oublie certains foyers modestes. Rappelons que la pauvreté touche un enfant sur cinq.
Il faut affecter une partie des excédents pour rouvrir les embauches nécessaires à la Cnaf, revaloriser le congé parental pour en faire non plus une trappe aux femmes pauvres, mais un choix partagé par les deux parents.
Pour le moment, quatre enfants sur dix ne bénéficient pas d’un mode d’accueil. Si nous pouvons saluer la prolongation jusqu’à 12 ans du complément de libre choix du mode de garde (CMG), ainsi que les dispositions pour prévenir la récidive des impayés des assistantes maternelles, il reste que nous manquons ici l’occasion de relancer une politique au profit des familles et des femmes.
Car, à la source des inégalités entre les femmes et les hommes, on trouve souvent des carrières interrompues, des temps partiels subis pour s’occuper d’enfants à qui aucun autre mode de garde n’est offert.
Je conclurai en soulignant que ce PLFSS pour 2023 sonne de nouveau comme un rendez-vous manqué. Ce manque de vision stratégique, au moment où l’hôpital public traverse crise sur crise et alors que la lutte contre la pauvreté marque le pas, explique le vote contre du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.