Intervention de Stéphane Sautarel

Réunion du 15 novembre 2022 à 14h30
Situation et perspectives des collectivités territoriales — Conclusion du débat

Photo de Stéphane SautarelStéphane Sautarel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelles sont les attentes des élus locaux, qui traduisent celles, majoritaires, de nos concitoyens ? C’est d’accéder à un pacte de responsabilité et de confiance, pour faire émerger le clair de l’obscur et dénouer le nœud gordien permettant de boucler leur budget.

Cela passe, bien sûr, par un retour de l’autorité et par une meilleure reconnaissance du travail, mais aussi par une nouvelle approche territoriale.

Cela ne peut reposer que sur une grande démarche décentralisatrice bâtie sur les principes de subsidiarité, de liberté et de responsabilité, établissant que chaque niveau décide de ce qu’il fait et de ce qu’il renvoie à celui du dessus, et qu’il le fasse de manière libre, dans un cadre défini, c’est-à-dire dans un cadre contractuel assis sur l’autonomie financière.

Rappelons à ce titre que le niveau de la dépense publique locale est bien inférieur en France à ce qu’il est dans les autres pays européens : 19 % contre 40 %.

La situation des collectivités dans notre pays est contrastée. Fruit de l’histoire et de la géographie, des richesses et des initiatives, des gestions passées et en cours, la collectivité est toujours responsable. J’en veux pour preuve les efforts continus pour répondre aux exigences de gestion, notamment à la règle d’or qui s’impose à elle. J’en veux également pour preuve les adaptations continues pour répondre aux attentes du quotidien en matière de services publics et d’infrastructures, de cadre de vie et de fierté locale, mais aussi pour préparer l’avenir de nos territoires et renforcer leur attractivité, dans le respect des caractéristiques propres à chacun.

Les perspectives sont souvent empreintes d’inquiétudes, de perte de sens, de découragement face à la bureaucratie, à l’éloignement, au manque d’écoute et de représentation et à l’explosion des dépenses énergétiques. Mais elles sont aussi pleines d’envie, de volonté, d’un formidable engagement quotidien au service des autres, que je veux saluer.

Beaucoup se sentent aujourd’hui « dépossédés » : ni en situation d’agir face à des contraintes administratives fortes et aveugles, ni en situation de faire, car leurs moyens sont comptés, ni en situation de véritablement décider face à une complexité croissante, à une intercommunalité à la gouvernance non encore adulte et à un État contraignant.

En fait, notre décentralisation est pour l’essentiel administrative et non politique. On a confié des tâches aux élus et aux collectivités, mais on leur a rarement donné les moyens juridiques et financiers d’y répondre en autonomie et en responsabilité.

Les attentes qui pourraient devenir des perspectives sont orientées dans quatre directions, que je n’aurai pas le temps de développer ici, mais que j’évoquerai brièvement.

Premièrement, il convient de faire preuve de bon sens et de confier aux collectivités locales tout ce qui relève de la vie quotidienne.

Deuxièmement, il est nécessaire de préserver et de développer les biens communs, ce qui nécessite d’investir massivement dans les infrastructures, dans le respect de l’environnement.

Troisièmement, il faut garantir à chacun le bien-être : cela consiste à réinvestir nos territoires par les services publics de proximité et, d’abord, ceux de la sécurité, de l’éducation et de la santé.

Quatrièmement, et enfin, donnons à tous les justes moyens d’agir, en réinterrogeant le mode de financement des collectivités territoriales.

Les priorités sont de débureaucratiser, de réenraciner et bien sûr de simplifier, en limitant pour cela l’administration administrante. Il s’agit aussi de garder un pays équipé, d’irriguer, d’engager ou de poursuivre une grande politique du numérique, de l’énergie et de l’eau, d’investir massivement dans les infrastructures telles que les routes et les voies ferrées, ainsi que dans le très haut débit et la téléphonie mobile. Cela passe par une réelle capacité d’autofinancement des collectivités territoriales, laquelle est bien mise à mal aujourd’hui.

Cela nécessite de faire preuve de courage, en garantissant la traçabilité de l’argent public, pour rendre la dépense efficace et redonner un espoir à chacun. La refonte de la procédure des marchés publics, dont chacun voit bien aujourd’hui combien elle est inflationniste, serait un véritable signe pour garantir l’investissement.

Un horizon pourrait être ouvert par une réforme constitutionnelle donnant une liberté normative aux territoires, par extension de l’article 73 de la Constitution. Quelle belle perspective s’ouvrirait à chacun si ce texte ne s’appliquait plus aux seules collectivités d’outre-mer, mais à l’ensemble du territoire, ouvrant enfin la voie à l’indispensable différenciation !

Enfin, en matière de financement des collectivités territoriales, ce sont les libertés locales, la lisibilité, la justesse et la subsidiarité qui doivent primer. Pour cela, nous devons ouvrir ce chantier sans tabou, car, en dépit d’un consensus sur le diagnostic, les propositions de réformes, qui doivent garantir l’autonomie et la lisibilité pour les collectivités locales, ne sont pas évidentes.

Mon collègue Mathieu Darnaud l’a rappelé, le Sénat a déjà beaucoup travaillé sur ces sujets, et il continue de le faire.

Sur l’initiative de notre président Gérard Larcher, un groupe de travail s’active pour nourrir les projets du Président de la République en matière institutionnelle et territoriale, avec, comme pilier majeur, la commune. Soyez certains que notre groupe sera au rendez-vous des attentes pour redonner des perspectives. C’est une urgente exigence démocratique.

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