Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 15 novembre 2022 à 14h30
Soutien aux édiles victimes d'agression — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Éric Dupond-Moretti :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, madame Nathalie Delattre, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux de vous retrouver ce soir pour examiner la proposition de loi de votre collègue, Mme Nathalie Delattre, dans le temps réservé au groupe RDSE.

Les parlementaires et les élus locaux sont, par leur engagement et le mandat qu’ils détiennent, les représentants de la démocratie nationale et locale. Ils occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et, je tiens à le dire une nouvelle fois, toute atteinte à leur encontre, quelle qu’en soit la forme, constitue également une atteinte au pacte républicain. S’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République.

Ainsi que j’avais eu l’honneur de le souligner le 22 février 2022 lors de mon audition devant la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le Gouvernement avait décidé, à la suite d’un intense travail avec M. Richard Ferrand, de permettre, dans un futur projet de loi, à la commune de se constituer partie civile, de même que l’Assemblée nationale ou le Sénat en cas d’infraction commise contre l’un de leurs membres.

Cela faisait suite à une violente agression qui avait touché le député Romain Grau à Perpignan, provoquant une vague d’indignation tout à fait légitime dans le pays.

Au-delà de l’élu, nous avions également envisagé une telle possibilité en cas d’infraction commise contre sa famille, à laquelle on s’en prend parfois en raison de son lien avec l’élu.

Je me réjouis donc de la proposition de loi que votre assemblée examine aujourd’hui. Dans la rédaction adoptée par votre commission des lois, elle rejoint un certain nombre de nos réflexions qu’il est indispensable de mettre en œuvre.

Malheureusement, les violences contre nos élus ne sont pas encore suffisamment endiguées. Depuis l’élection du Président de la République, nous recensons 509 affaires signalées d’atteintes aux élus ayant fait l’objet d’une transmission à la Direction des affaires criminelles et des grâces.

Ces atteintes font désormais l’objet d’un suivi statistique très précis, conformément aux instructions que j’ai données. En effet, en réponse à une question au Gouvernement de Mme Françoise Gatel l’année dernière, je m’étais engagé à obtenir des remontées fiables des parquets concernant les atteintes aux élus, dont j’ai fait l’une des priorités de ma politique pénale.

Je suis donc en mesure de vous indiquer que, au total, 61 % des affaires concernent des faits d’atteinte aux personnes. Ce taux atteint même 80 % lorsque la victime est un maire.

Néanmoins, le fatalisme en la matière n’est pas et ne sera jamais de mise, et j’agis, avec ma collègue Caroline Cayeux, dont je veux ici saluer l’engagement, à nos niveaux respectifs, pour garantir une réponse pénale ferme, systématique et rapide.

Depuis mon arrivée place Vendôme, j’ai cherché à tout mettre en œuvre pour combattre, ou du moins mieux réprimer, les atteintes dont font l’objet nos élus. Car, disons les choses, la justice intervient quand il est trop tard, quand le mal est fait. Et je ne choquerai personne si je vous avoue penser qu’une partie non négligeable de la solution réside dans l’éducation des jeunes générations et l’apprentissage ou, plutôt, le réapprentissage collectif du respect élémentaire que nous devons à nos institutions.

Toutefois, au-delà du civisme, il est de notre responsabilité à tous de ne pas banaliser ces actes insupportables et de les dénoncer, tous ensemble, pour ce qu’ils sont, à savoir des atteintes au pacte républicain.

Si la justice ne peut réellement agir en amont, elle doit en revanche être très ferme, très efficace et très rapide en aval. Tel est mon rôle et celui de mon ministère, et nous l’avons, depuis deux ans et demi, pris à bras-le-corps.

Par une circulaire du 7 septembre 2020, soit moins de deux mois après ma prise de fonctions, j’ai souhaité réaffirmer avec force l’importance qui s’attache à la mise en œuvre d’une politique pénale empreinte de volontarisme, de fermeté, de célérité et d’un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales concernant les élus, afin qu’ils soient soutenus dans leur action quotidienne et qu’ils puissent la poursuivre sereinement.

J’ai ainsi demandé aux parquets une réponse pénale rapide et systématique, en privilégiant les déferrements et, pour les faits les plus graves, la comparution immédiate. De même, un magistrat de chaque parquet a été désigné pour être l’interlocuteur privilégié des élus du ressort.

Dans la circulaire du 15 décembre 2020 relative à la mise en œuvre de la justice de proximité, j’ai demandé que soient réaffirmés le développement et l’approfondissement des relations partenariales avec les collectivités locales, le tissu associatif et les acteurs de terrain, afin de renforcer le dialogue institutionnel avec les collectivités locales et les maires.

Voilà près d’un an, lors du Congrès des maires de France du 17 novembre 2021, j’annonçais à cet effet la création d’un groupe de travail visant à améliorer les relations entre les maires et l’institution judiciaire.

Ce groupe de travail a rendu son rapport le 8 mars dernier, avec trente recommandations opérationnelles, parmi lesquelles j’en retiens plus particulièrement cinq sur le sujet qui nous préoccupe : améliorer la connaissance par les magistrats du ministère public de l’organisation des collectivités territoriales du ressort ; construire un partenariat avec les maires ; améliorer le dialogue entre les magistrats du ministère public et les maires ; accompagner le maire dans l’exercice de ses prérogatives en lien avec la justice ; enfin, développer la formation croisée des maires, des magistrats et de leurs collaborateurs.

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