Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 16 novembre 2022 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2022 — Adoption d'un projet de loi modifié

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le second projet de loi de finances rectificative pour 2022 que l’on qualifie généralement de PLFR de fin de gestion.

Le principal objectif de ce texte est de procéder à divers ajustements, ouvertures et annulations de crédits sur le budget de l’État.

J’y reviendrai, mais en réalité l’examen à l’Assemblée nationale a conduit à aller plus loin, monsieur le ministre, en introduisant aussi cette année des mesures fiscales pérennes, revenant sur une pratique établie depuis 2018.

S’agissant du scénario macroéconomique, le Gouvernement anticipe une croissance du PIB de 2, 7 % en 2022, ce qui est conforme à la prévision contenue dans le projet de loi de finances pour 2023 tel qu’il a été déposé à l’Assemblée nationale.

Nous sommes bien loin de la croissance économique que nous attendions lors de l’examen du PLF pour 2022 : environ 4 %. Il est vrai que, depuis, de nombreux chocs sont venus ralentir la progression de l’activité économique – le plus important de ces chocs est évidemment la hausse des prix de l’énergie.

La prévision retenue par le Gouvernement se situe dans la borne haute du consensus des économistes, mais elle ne paraît pas pour autant inatteignable. Le ralentissement de l’activité au troisième trimestre plaide plutôt pour une croissance plus proche de 2, 5 %.

En ce qui concerne l’état des finances publiques, le Gouvernement prévoit un déficit de 4, 9 % du PIB – je crois savoir que nous serons en fait très proches de 5 % – qui serait donc légèrement plus faible que ce qui était attendu au moment du dépôt du PLF pour 2023.

Illustration de nos échanges lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, l’ensemble du déficit serait, une nouvelle fois, le fait de l’État, puisque les administrations locales comme les administrations sociales seraient en excédent ou à l’équilibre.

Cette légère amélioration, qui laisse tout de même nos comptes publics dans un état plus que préoccupant, s’explique à la fois par des anticipations de recettes plus importantes en matière de prélèvements sociaux et d’impôt sur le revenu et par des dépenses moindres liées à des économies de constatation.

Avec un peu plus de 172 milliards d’euros, le déficit budgétaire de l’État serait finalement supérieur de 18, 5 milliards par rapport à la prévision en loi de finances initiale, mais inférieur de 6 milliards par rapport à la première loi de finances rectificative de cet été.

Lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, le solde a été dégradé de 474 millions d’euros, principalement par une augmentation des dépenses du budget général.

Dans les grandes masses, l’amélioration de la prévision de déficit par rapport à la loi de finances rectificative s’explique d’abord par la révision à la hausse des recettes nettes et du moindre niveau attendu du prélèvement sur recettes à destination de l’Union européenne.

Mais l’amélioration du solde provient également d’une consommation moindre de crédits reportés, puisque seuls 7, 6 milliards d’euros devraient être consommés sur les plus de 23 milliards d’euros qui sont reportés.

Monsieur le ministre, la pratique des reports est de plus en plus courante.

À titre d’exemple, seuls 245 millions d’euros sont annulés sur le programme 134, « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », mais ce programme dispose toujours de 4, 5 milliards d’euros non consommés, car de très importants crédits ont été ouverts en cours d’année pour financer les dispositifs d’aide aux entreprises face à l’inflation et ont été très peu utilisés. Ces crédits vont probablement être massivement reportés sur 2023.

Je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, comme la Cour des comptes, monsieur le ministre, cette pratique n’est pas satisfaisante : les reports massifs de ce type ne devraient plus être pratiqués.

La commission des finances a d’ailleurs déposé un amendement tendant à supprimer 4 milliards d’euros au titre des participations financières de l’État – cette enveloppe n’aura aucune utilité cette année.

Quoi qu’il en soit, le déficit demeure considérable, puisqu’il serait à peu près identique aux niveaux atteints en 2020 et 2021, soit deux fois plus que celui constaté au cours des années 2011 à 2019.

Le projet de loi de finances rectificative suppose toutefois un niveau exceptionnel de dépenses en fin d’année avec une dégradation de près de 25 milliards d’euros dans les trois derniers mois de l’année. Il est vrai que des dépenses importantes sont prévues au titre, notamment, des mesures de protection contre l’inflation, mais il est bien possible que, une nouvelle fois, des crédits importants demeurent non utilisés à la fin de l’année.

En tout état de cause – j’y reviendrai demain au début de l’examen du PLF pour 2023 qui continue malheureusement sur cette trajectoire –, nous sommes sur une sorte de plateau en termes de déficit – plutôt un abîme, si l’on considère le solde… – dont il est bien difficile de sortir.

Le niveau des recettes ne varie pas de manière fondamentale malgré de bonnes nouvelles qui se poursuivent sur l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu.

Mais comme je l’indiquais à l’instant, ce collectif budgétaire contient aussi cinq articles comprenant des dispositions fiscales dont la portée va au-delà de l’exercice 2022.

L’article 9 E qui concerne la taxe d’aménagement va même jusqu’à modifier un article du code général des impôts qui est également modifié par l’article 7 du projet de loi de finances…

Je ne proposerai pas de remettre en cause la plupart de ces dispositions, dont l’ajout dans ce texte résulte aussi du caractère particulier de l’examen du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale…

La commission des finances propose toutefois de supprimer l’article 9 C relatif à la répartition entre les collectivités territoriales et leurs groupements du produit de la composante de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) liée aux centrales photovoltaïques. En effet, le sujet de la répartition de cette recette ne peut pas être traité à la va-vite dans un collectif de fin d’année ; c’est un sujet de loi de finances initiale et nous débutons justement son examen demain…

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