Monsieur le ministre, ainsi que vous avez eu l’occasion de le rappeler lors de la présentation de ce projet de loi de finances rectificative, « ce texte traduit des choix qui n’ont pas varié ».
En effet, si ce texte prévoit – et c’est heureux – un certain nombre d’aides ponctuelles sur lesquelles je reviendrai, il exprime aussi le dogme idéologique de la baisse de l’impôt et de la réduction de la dépense publique.
Si la maîtrise de nos comptes publics est nécessaire, comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques, disposer de marges de manœuvre suffisantes pour faire face aux chocs macroéconomiques et aux besoins d’investissements publics ne peut se résumer à cette approche purement libérale, dont on mesure bien les limites et les dangers, singulièrement pour les plus modestes de nos concitoyens.
Dans un contexte de crises multiples, vous avez fait le choix de verser des aides, qui sont tout de même de moins en moins exceptionnelles, pour soutenir le portefeuille des ménages.
À défaut de politique structurelle, ce texte contient plusieurs mesures ponctuelles dont il convient de prendre acte favorablement face à l’urgence et aux difficultés de nos concitoyens.
Certains dispositifs sont d’ailleurs issus des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale. Il en va ainsi des 40 millions d’euros de crédits ouverts pour les associations d’aide alimentaire ; quand on connaît le fonctionnement de ces associations, on sait que ces crédits seront plus que nécessaires.
Nous saluons également l’intégration dans ce texte d’une disposition que nous avions défendue au Sénat, lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative de cette année, disposition qui consiste à allouer des aides supplémentaires à l’enseignement supérieur et à la recherche pour permettre aux universités de faire face à la hausse du coût de l’énergie afin que les étudiants puissent poursuivre leurs études dans des conditions acceptables.
La nouvelle mouture des chèques énergies et l’aide à l’achat de carburant, même réduite, ne peuvent que contribuer à l’allégement des charges qui pèsent de plus en plus lourdement sur les ménages. Toutefois, est-ce là une réponse politique à la baisse du pouvoir d’achat des Français ?
Dès demain, l’examen du projet de loi de finances pour 2023 sera l’occasion de débattre sur le fond des réponses à apporter pour s’attaquer réellement aux inégalités sociales et revenir à un modèle de redistribution des richesses.
À l’heure où la France compte 12 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les mesures gouvernementales sont bienvenues, monsieur le ministre, mais elles ne sauraient vous exonérer de proposer des solutions pérennes permettant à nos concitoyens de vivre dignement.
Pour ce faire, il est nécessaire d’en finir avec le désarmement fiscal et de conserver des recettes à la hauteur des enjeux.
En cette fin d’exercice, nous constatons, cette année encore, des recettes fiscales supplémentaires qui s’élèvent cette fois-ci à 4, 6 milliards d’euros, soit approximativement le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune.
S’il est prudent de ne pas faire de projections de recettes trop favorables en début d’exercice et si l’on peut remarquer que cette louable prudence s’est révélée un peu plus modérée qu’à l’accoutumée, ce supplément de recettes ne saurait trouver sa justification dans la baisse du taux de prélèvements obligatoires, comme l’avance le Gouvernement. Une baisse d’impôt est une baisse d’impôt : quelle que soit la manière dont on analyse les choses, ce sont bien des recettes en moins dans les caisses de l’État et, forcément, des recettes en moins pour le financement des politiques publiques et pour les services publics.
Nous prenons donc acte, monsieur le ministre, des mesures d’urgence contenues dans ce texte et nous poursuivrons les débats, dans les jours qui viennent, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.