Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en août dernier, alors que nous entamions l’examen du premier projet de loi de finances rectificatives pour 2022, je m’étais inquiété devant vous du syndrome de « l’argent magique » et d’un « quoi qu’il en coûte » qui, étant dépourvu de bornes, l’était tout autant de sagesse !
Depuis lors, les taux d’intérêt, qui étaient restés négatifs et à peu près stables depuis 2019, n’ont cessé de poursuivre leur remontée. Sauf retournement, la prévision gouvernementale pour la fin de l’année 2022, à 2, 5 %, a d’ores et déjà été dépassée puisque le taux moyen des obligations assimilables du trésor (OAT) à dix ans a atteint 2, 7 % dès le mois de septembre dernier. Pour rappel, ce même taux était de 1, 6 % au début du mois de mai et de 2, 2 % à la fin du mois de juin. Or, d’après les estimations de la Banque de France, chaque hausse d’un point des taux d’intérêt entraîne, à l’issue d’une période de dix ans, un coût annuel supplémentaire de 40 milliards d’euros pour le budget de l’État, soit l’équivalent du budget actuel de la défense.
Mes chers collègues, la politique inconsidérée de dépense publique que permettait hier de financer sous anesthésie la Banque centrale européenne aura des conséquences très réelles, dont nous ne mesurons pas encore concrètement tous les effets négatifs quant à notre déclassement économique.
L’été dernier, à l’issue de l’examen de la première loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale, le déficit budgétaire de l’État tutoyait les 180 milliards d’euros, en hausse de près de 25 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale.
Le second collectif budgétaire que nous ont transmis nos collègues députés affiche, du fait d’un grand nombre de crédits reportés, un solde qui s’améliore de plus de 5 milliards d’euros. Nous pourrions certes nous en réjouir.
Le déficit budgétaire de l’État, dont on sait bien qu’il alimente une dette publique elle-même vertigineuse, reste cependant assez nettement supérieur à 170 milliards d’euros. Par égard pour les générations futures, nul ne peut vraiment s’en satisfaire.
Notre collègue Vincent Capo-Canellas a rappelé l’essentiel des mesures contenues dans ce texte. Elles sont justifiées par la protection de nos compatriotes face aux dangers que sont l’inflation élevée, la guerre en Ukraine et les aléas climatiques. Beaucoup d’entre elles sont ciblées sur les publics les plus fragiles, par souci d’équité autant que de maîtrise des comptes publics. Le groupe Union Centriste, qui en appelle depuis le début de la crise à des mesures qui soient le plus justement calibrées, s’en réjouit.
Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! Nous ne pourrons pas éternellement dépenser sans compter et faire l’économie de réformes d’envergure.
Trouver des sources d’économies nouvelles et pérennes, afin de réduire significativement notre déficit et notre endettement publics, commanderait d’engager sans délai d’importantes réformes structurelles : mise en œuvre d’une réforme des retraites plus ambitieuse que celle qu’a annoncée le Président de la République ; réformes des prestations sociales et de l’assurance chômage ; réorganisation et redéfinition du périmètre de certains services publics, tels ceux de l’enseignement scolaire ou de l’audiovisuel, avec à la clef une baisse tangible des effectifs ; report et même, dans certains cas, annulation des augmentations de crédits prévues dans le champ des politiques publiques non régaliennes ; et d’autres réformes encore.
Plus tardifs seront nos efforts, plus brutal encore sera notre réveil !