Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 17 novembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Discussion générale

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Dans le même temps, et c’est bien regrettable, la dette climatique s’ajoute à la dette budgétaire et les dépenses défavorables au climat sont multipliées – excusez du peu ! – par deux, sous l’effet des mesures prises pour faire face à la hausse des prix de l’énergie. Là encore, nous récoltons les fruits d’une politique énergétique désastreuse des gouvernements successifs et de l’impréparation des choix politiques permettant de faire réellement face aux défis des risques climatiques.

Face à ces dépenses, je dois le dire, la fiscalité énergétique reste toujours aussi inégalitaire : elle pèse plus sur les ménages à revenus modestes, et sur ceux qui vivent dans des communes rurales ou dans les petits pôles urbains les moins peuplés. Il ne faut guère espérer des recettes qu’elles aident l’État à infléchir la trajectoire de la dette en 2023, puisqu’elles devraient diminuer de près de 6 milliards d’euros en valeur.

Les deux principaux phénomènes affectant l’évolution des recettes fiscales sont la suppression progressive de la CVAE et la poursuite du bouclier tarifaire.

Face à la réduction des recettes, le réflexe budgétaire devrait être d’agir sur les dépenses. Or on en est loin. Encore une fois, le Gouvernement choisit celles qui doivent augmenter, mais pas les économies qui devraient les compenser. Il prépare donc la poursuite de la dégradation des finances publiques ; j’irai même jusqu’à dire qu’il la favorise. Dès le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron, l’heure des choix est renvoyée au prochain quinquennat.

Dans une vision pluriannuelle, qui est d’ailleurs renforcée dans les documents budgétaires, conformément à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les perspectives ne sont guère rassurantes.

Le niveau des restes à payer, c’est-à-dire les dépenses qu’il faudra bien assurer pour couvrir les engagements déjà pris, a augmenté de plus de 50 % depuis 2017.

On le constate, sur les dépenses de personnels, comme sur l’ensemble des crédits des politiques publiques, le Gouvernement ne fait pas de choix : il favorise certaines politiques, qui en ont assurément besoin, mais n’affiche aucune volonté de décider de celles qui devraient au contraire voir leurs moyens réduits. Ce tableau de 2023, mes chers collègues, doit être replacé dans la perspective plus longue que trace le projet de loi de programmation des finances publiques.

Il nous faut une trajectoire que je qualifierais de sérieuse et raisonnable. D’ailleurs, Bruno Le Maire avait qualifié celle du Sénat de « juste et honnête ». Elle est, en tout état de cause, plus ambitieuse et plus juste que celle du Gouvernement, en demandant les mêmes efforts à l’État qu’aux collectivités territoriales, tout en parvenant plus rapidement à un niveau de déficit plus acceptable.

Dans ce projet de loi de finances, nous vous proposerons de mettre en œuvre ce que nous vous avons invité à faire dans le cadre de la loi de programmation, en proposant des économies sur un certain nombre de missions, indépendamment de celles que nous proposerons de rejeter par ailleurs.

Ainsi, je propose moi-même de mettre fin à l’ouverture de crédits au titre du plan de relance. Le temps de la relance est désormais passé, et j’estime que de nouvelles contraintes s’imposent à nous, au regard notamment du contexte de la crise énergétique, qui est tout à la fois majeure et inédite.

La commission a également adopté des amendements de suppression de crédits sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », pour 750 millions d’euros, sur la mission « Santé », s’agissant de l’aide médicale d’État, et sur la mission « Aide publique au développement » pour 200 millions d’euros. D’autres amendements suivront.

Nos travaux de commission regorgent aussi de pistes de réformes structurelles, qui, si elles étaient mises en œuvre, permettraient de dégager des économies. Je pense notamment à l’audiovisuel, domaine dans lequel le Gouvernement ne respecte pas l’engagement pris l’été dernier.

J’aurai l’occasion de m’exprimer sur les dispositions figurant dans le texte au fur et à mesure de son examen, mais je conclurai mon propos en abordant quelques sujets.

Sur le bouclier fiscal et budgétaire, que vous maintenez et étendez aux entreprises, nous ne pouvons qu’approuver les mesures d’urgence ; elles vont dans le bon sens et permettent de soutenir les acteurs économiques, les services publics et les ménages.

Pour autant, je dois avouer que l’ensemble devient illisible. Difficile de s’y retrouver dans le maquis des aides ! Le fait d’inscrire des milliards d’euros de crédits supplémentaires, sans être capables de préciser ni les entités éligibles ni le champ d’intervention, n’est pas pour rassurer. Au contraire, cela inquiète, et chacun se demande s’il fait bien partie de ceux qui seront protégés. C’est bien une forme d’impréparation, le travail dans l’urgence et dix ans de politique énergétique erratique qui nous conduisent à cette situation. Il est grand temps de sortir du flou et d’avoir un cap clair, privilégiant les solutions justes et efficaces.

Pour notre part, nous proposerons en première partie un filet de sécurité repensé, qui vient compléter l’amortisseur « électricité » pour les collectivités territoriales. Il faut répondre à l’inquiétude de nos élus locaux et, plus largement, à celle de nos concitoyens.

Ce qui est en jeu, c’est évidemment le maintien de nos services publics, qui doivent être aussi actifs et performants, sur tout le territoire national. Avec un message désormais simple, clair et juste : toute collectivité territoriale, seule ou en groupement, sans critère d’entrée, bénéficierait d’une prise en charge par l’État de la moitié de la hausse de ses dépenses d’énergie en 2023, après application de l’« amortisseur », lorsque cette hausse dépasse un montant égal à 40 % de la hausse de ses recettes de fonctionnement.

Enfin, la suppression de la CVAE est en soi une bonne chose. En effet, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les impôts de production restent particulièrement élevés en France, en comparaison européenne. Il faut redonner de la compétitivité à nos entreprises. Pour autant, actuellement, l’enjeu pour notre tissu économique est aussi de traverser la crise énergétique et d’être suffisamment protégé et sécurisé ; je viens de le souligner.

En outre, la réforme du Gouvernement est mal préparée, en particulier s’agissant des modalités de compensation des collectivités locales. Sur ce dernier point, il est encore plus urgent de se donner du temps : un temps utile pour une solution acceptée de tous.

En conclusion, je vous invite à nous faire confiance en soutenant les amendements proposés par la commission des finances. Je souhaite que nos débats soient utiles et motivés par l’intérêt de servir la France. Une France forte, souveraine, battante et désireuse d’ouvrir une nouvelle voie, celle de la réussite, d’une réussite qui mobilise les efforts de tous et de chacun, à la mesure de ses capacités.

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