… contrairement à celui de ma collègue Éva Sas sur l’isolation thermique des logements. Le logement, c’est un quart des émissions de CO2. L’objet de son amendement concernait 11 millions de foyers en précarité énergétique, 5 millions de passoires thermiques et, bien évidemment, la baisse de nos dépendances aux marchés fossiles.
Personne ne pourra ralentir la nécessaire transition énergétique, venez-vous de déclarer, monsieur le ministre. Le Parlement a formulé des propositions et indiqué vouloir une inflexion conforme à ce que revendiquent l’ensemble des organisations non gouvernementales (ONG) et organismes spécialisés.
Vous avez rejeté cet amendement, comme vous avez rejeté celui de Jean-Paul Mattei, député Modem, pourtant voté très majoritairement. Je ne parle pas là de la volonté de taxer les superprofits ou de créer un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) « climatique », auquel vous êtes idéologiquement opposé. Je parle d’une taxation temporaire à 35 % de bénéfices exponentiels en période de grave crise et dans un contexte exceptionnel de guerre en Europe.
Avouez-le : ce n’était pas la nuit du 4 août et l’abolition des privilèges ; c’était la traduction par le Parlement d’une demande profonde de plus de justice sociale.
La liste est longue des amendements qui auraient pu et dû enrichir votre projet de loi de finances et que vous avez choisi de jeter dans les poubelles gouvernementales.
Je reviens donc à ma question : respecterez-vous le travail du Sénat ou voulez-vous entraver le pouvoir d’agir des élus, nationaux et locaux ?
L’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a pour objet de mettre au pas les collectivités. Cet article inacceptable a, évidemment, été massivement rejeté. Il est inacceptable, car les collectivités votent des budgets à l’équilibre, contrairement à l’État. Il est inacceptable, car ce que vous appelez « contrat de confiance » est une remise en cause de leur autonomie, principe consacré par l’article 72 de la Constitution. Il est inacceptable pour le Sénat, chambre des territoires, qui l’a rejeté à une immense majorité, pour l’Assemblée nationale, qui l’a également rejeté, ou encore pour les associations d’élus, qui n’ont eu de cesse de vous interpeller sur le sujet.
Lorsque le Parlement, par ses deux chambres, les associations de maires et d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) vous disent que ce texte est inacceptable, que faites-vous dans votre nouvelle méthode démocratique revendiquée par la Première ministre ? Vous le retirez ? Non ! Au contraire : sorti par la porte, vous le réintroduisez par la fenêtre sous la forme d’un article additionnel à l’article 40 du projet de loi de finances pour 2023 !
Étrange conception de la démocratie parlementaire.
Étrange conception de la démocratie tout court.
Qui plus est, messieurs les ministres, en vous attaquant aux collectivités territoriales, vous vous attaquez aussi au dernier échelon démocratique qui résiste encore dans l’avancée inquiétante des doutes saisissant notre démocratie et notre peuple.
Vous devriez, nous devrions, au contraire, tout faire pour préserver et soutenir les communes et les élus locaux. Chaque crise, des « gilets jaunes » à la pandémie, nous a montré à quel point ils sont la digue la plus solide en termes de cohésion sociale.
Leur diversité de choix et de situations est une formidable opportunité d’évaluer les réponses politiques les plus efficaces face aux crises sociales, démocratiques et climatiques.
À ma question, voulez-vous travailler avec le Parlement ? Je vous réponds que, nous, nous souhaitons travailler, proposer, contribuer, car l’urgence climatique est là, et bien là. Elle est plus encore redoutable pour les plus fragiles d’entre nous. Il est impossible de rester sans débattre et sans agir pour faire face aux défis qui sont devant nous.
La situation exige une autre gouvernance. Les solutions concrètes doivent être travaillées et mises en œuvre avec les collectivités, avec le Parlement, avec les partenaires sociaux, avec les associations et les ONG, avec les citoyens.
La trajectoire écologique doit être forte, équitable et immédiate. L’anecdotique ne peut plus suffire, ni les boucliers ponctuels. Combien d’hivers mauvais et d’étés suffocants faudra-t-il pour que vous entendiez ces propositions ?
Si les débats sénatoriaux sur le projet de loi de finances pour 2023 n’ont pour vocation que de renforcer le democraticwashing, si, à l’arrivée, vous refaites le choix du 49.3 et celui de ne retenir que quelques amendements gouvernementaux ou d’affichage, alors, messieurs les ministres, notre débat est dénué de sens. Dites-le-nous, assumez ce cap, et ne perdons pas notre temps !
Cependant, le péril est grand, parce que la démocratie sans le Parlement, ce n’est déjà plus la démocratie !
Messieurs les ministres, pouvez-vous prendre l’engagement d’un dialogue sincère avec le Sénat ? Si vous y êtes prêts, sachez que notre groupe y tiendra sa juste place.