Nous prenons acte des arguments de notre rapporteur général, qui vante, tout comme nous, les vertus du bicamérisme. Mais le Parlement n’est pas que la somme de deux chambres ; il faut le concevoir dans son unité. Les deux chambres doivent se défendre quand l’une ou l’autre est piétinée. Or c’est ce qui s’est passé. L’unité institutionnelle en dépend.
Selon nous, vous devez clarifier votre position. Soutenez-vous le passage en force au titre de l’article 49.3 sur les textes budgétaires ? Quelles garanties avez-vous obtenues sur la considération de l’exécutif vis-à-vis des propositions adoptées au Sénat ?
L’excellent Charles Dickens évoquait en ces termes le mépris de l’exécutif pour le travail législatif : « Désolé de faire quelque chose qui risque d’interrompre des activités aussi sympathiques, comme disait le roi au moment de dissoudre le Parlement. » Le Sénat s’honorerait de ne pas cautionner le mépris avec lequel ont été tranchés des sujets sur lesquels l’Assemblée nationale pouvait débattre.
Les collectivités territoriales, ce sera non en première partie. Le débat sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est reporté. Puis, le 49.3 annihile ce débat, qui n’aura pas lieu. Le rapporteur général, portant la voix de la majorité, nous explique qu’il faut que nous l’ayons.
Le débat sur le budget pour 2023 s’est fait dans la presse, et quasiment pas dans l’hémicycle. En acceptant ce débat tronqué par un gouvernement qui poursuit ses annonces sans transmettre son texte et qui continue de faire la promotion de celui-ci sans contradicteur, le Sénat se fourvoie.
L’atteinte, mes chers collègues, est grave. Elle se reproduira certainement l’année prochaine et les suivantes, tout au long de ce quinquennat. Que décidera la majorité sénatoriale ? Que le débat doit se tenir pour solde de tout compte de la démocratie ? Selon nous, ce serait un peu léger.
Le Parlement doit faire corps. Il doit présenter un front uni pour refuser les entraves aux conditions sereines du débat démocratique. La question préalable que nous vous opposons, vous le savez, n’est pas une dérobade ; ce n’est pas le genre de la maison. Nous sommes prêts, nous aussi, à affronter le Gouvernement et la majorité sénatoriale. Nous sommes prêts à faire valoir notre projet de justice fiscale, de justice sociale et de renforcement de l’indispensable intervention publique pour enrayer les dérives du marché. C’est un message d’alerte. C’est une opposition franche à la méthode et au contenu du projet de loi. Nous vous appelons à la même clarté.