Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 17 novembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Discussion générale

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Pour justifier ce choix, vous nous expliquez que les collectivités doivent, elles aussi, contribuer à l’effort de redressement des comptes publics.

C’est d’abord injuste, car les collectivités n’ont aucune responsabilité dans le déséquilibre des comptes de la Nation. De par la loi, elles sont tenues de voter un budget à l’équilibre. L’État emprunte pour financer son fonctionnement, les collectivités pour investir. La part des collectivités dans la dette globale du pays représente environ 8 % du total, et ce chiffre n’a pas varié depuis trois décennies.

D’ailleurs, l’effort demandé aux collectivités a déjà été effectué. Elles ont ainsi participé, ces dernières années, pour 46 milliards d’euros au redressement des comptes publics.

Vous laissez entendre que les collectivités seraient assises sur un matelas de pièces d’or. Or la réalité est que les recettes et les dépenses s’équilibrent : il n’y a pas de gras. Les comptes 2021 ne sont bons que par rapport à ceux de 2020, lorsque les collectivités ont subi la crise sanitaire.

Si l’on compare ces chiffres à ceux de 2019, les dépenses d’équipement des communes sont en recul de 12, 5 %. Et si les fonds de roulement sont en excédent d’un an et demi, c’est parce que les communes, intercommunalités, départements et régions n’ont pu en 2020 engager l’ensemble des investissements votés avant la crise.

Une stabilité des dotations générera, sur le plan macroéconomique, un effet récessionniste. Rappelons que les collectivités sont un levier économique essentiel pour les territoires, où elles réalisent encore plus de 70 % de l’investissement public – 70 % de l’investissement public, 8 % de la dette publique et 0 % du déficit public : quel bilan magnifique ! Qui dit mieux ?

Monsieur le ministre, après la crise sanitaire, qui a coûté près de 7 milliards d’euros aux collectivités, ces dernières font face à l’explosion du prix des matières premières, des denrées alimentaires et de l’énergie. Certaines d’entre elles voient leurs dépenses d’énergie bondir, de façon vertigineuse, jusqu’à 600 % !

Les maires s’inquiètent de leur capacité à faire face à leurs factures et, quand elles seront acquittées, du niveau d’excédent qui sera constaté l’an prochain pour engager les investissements nécessaires au développement de leur commune, au service de leur population.

Il conviendrait tout d’abord de permettre aux collectivités d’absorber le choc énergétique. À l’évidence, les quelques annonces de ces dernières semaines n’y suffiront pas. Elles ne sont pas de nature à rassurer les élus locaux. Seuls une indexation de la DGF sur l’inflation et le retour aux tarifs réglementés de vente de l’énergie à l’ensemble des collectivités seraient des signaux forts et rassurants.

Les services publics de proximité doivent être confortés. Le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Les affaiblir aura pour conséquence d’aggraver les fractures géographiques et sociales et donc, en fin de compte, d’amplifier la crise civique, voire politique que nous traversons.

Pour conclure, je voudrais évoquer votre méthode. Si nous contestons, au fond, les choix régressifs du PLF pour 2023, nous en contestons tout autant la forme. Dans une interview au site lagazette.fr, en date du 26 septembre dernier, vous évoquiez, monsieur le ministre, les contrats de confiance que vous souhaitiez mettre en place avec les collectivités.

En évoquant la maîtrise de leurs dépenses, vous avez souligné que si jamais des collectivités et des strates ne faisaient pas l’effort de maîtrise de la hausse de leurs dépenses de fonctionnement, il pourrait y avoir une incitation. Jusque-là, tout va bien. §Vous ajoutez ensuite : « La première année, ce sera l’absence d’accès à toute dotation de l’État (DSIL, DETR, fonds vert…) pour les collectivités n’ayant pas respecté l’objectif, au sein d’une catégorie qui ne l’a pas atteint non plus. Ensuite, si manifestement il n’y a vraiment pas de volonté de s’inscrire dans cette trajectoire alors que les autres collectivités le font, il pourrait y avoir des reprises. » Ne s’agit-il pas là une atteinte directe à l’article 72 de la Constitution, consacrant le principe de libre administration des collectivités ?

Vous prenez, monsieur le ministre, un risque économique et politique considérable à corseter ainsi les administrations publiques et les collectivités. Elles sont, les unes et les autres, une réponse concrète quotidienne à la fracture sociale qui s’aggrave sans cesse dans notre pays.

Votre budget ne prend pas en compte l’état réel de notre société, nous ne pourrons dès lors que le rejeter.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion