Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 17 novembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Discussion générale

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dit parfois que l’Assemblée nationale vote, tandis que le Sénat délibère…

Après des débats qui ont effectivement tourné court au Palais-Bourbon du fait de l’absence de majorité absolue et du recours quasiment inévitable à la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, il semblerait que le véritable examen de ce projet de loi de finances commence aujourd’hui dans notre hémicycle. On peut en tout cas en juger ainsi au nombre d’amendements déposés, qui bat chaque année un nouveau record, et dont beaucoup seront certainement adoptés par notre assemblée…

Que restera-t-il de ces modifications ? Plus que jamais, il est difficile de le prévoir, tant la configuration actuelle est inédite. Malgré une majorité relative, le Gouvernement dispose toujours des marges de manœuvre importantes que lui confère la Constitution et dont il ne se prive pas : le 49.3, bien évidemment, mais aussi un pouvoir d’amendement élargi et le monopole de la capacité à engager des dépenses.

Au-delà du cadre institutionnel, il y a surtout la disproportion des moyens humains et techniques de l’exécutif, bien supérieurs à ceux du Parlement malgré une volonté et une détermination sans faille de notre côté.

Ce budget 2023 est aussi le premier que nous examinons sous la nouvelle configuration établie par la loi organique du 28 décembre 2021, dont nous avons eu une première expérience le mois dernier avec le nouveau débat annuel sur les finances locales.

À l’origine, il était même question d’un projet de loi spécifique pour les finances des collectivités locales, à l’instar du PLFSS pour la sécurité sociale. Peut-être un jour la durée des débats correspondra-t-elle plus fidèlement aux grands volumes budgétaires : le budget de la sécurité sociale devant celui de l’État et le budget de l’enseignement scolaire devant le service de la dette…

Après deux années très marquées par les conséquences de l’épidémie de covid-19 et un rattrapage économique important depuis un an et demi, l’inflation est repartie nettement à la hausse avec une accélération depuis cette année liée notamment au conflit russo-ukrainien, mais pas seulement.

Dans ce contexte, les perspectives de croissance en 2023 apparaissent quelque peu incertaines, alors que des pays voisins sont d’ores et déjà entrés en récession.

L’article liminaire de ce PLF présente les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2023, les prévisions d’exécution en 2022 et l’exécution en 2021.

Depuis la modernisation de la LOLF, sont aussi détaillés le niveau d’endettement public, qui ne figurait jusqu’ici que dans les annexes, le taux de prélèvements obligatoires ou encore les prévisions par type d’administration publique.

Le PLF 2023 post-49.3 prévoit toujours un déficit public de 5 % du PIB, également inchangé par rapport au programme de stabilité et à la loi de finances rectificative. Pourtant, les sources de possible révision étaient importantes. La croissance réelle serait toujours de 1 % l’an prochain contre 2, 7 % en 2022.

Au fond, ces hypothèses sont toujours assez incertaines. Le Haut Conseil des finances publiques lui-même, dans son dernier avis, a partiellement démenti la position qu’il avait tenue cet été lors du premier projet de loi de finances rectificative.

J’en viens maintenant aux principales mesures de ce PLF.

La réforme phare de la première partie est bien sûr la suppression, sur deux ans, de la contribution à la valeur ajoutée des entreprises. La majorité sénatoriale avait soutenu, il n’y a pas si longtemps, une réforme similaire : celle de la taxe professionnelle, alors en partie remplacée par la CVAE et par la cotisation foncière des entreprises (CFE).

Si l’objectif assumé est d’améliorer l’attractivité économique de notre pays, la réforme proposée accentue aussi une évolution durable de nos finances publiques vers un usage de plus en plus diversifié des recettes de TVA : d’abord, pour le financement des régions ; bientôt pour celui des départements ; et de façon massive aujourd’hui en faveur de la sécurité sociale.

Si la question de l’équité de la TVA est souvent posée, son efficacité économique a fait ses preuves en permettant des rentrées fiscales massives, encore plus en période de forte inflation des prix, sans entraîner de distorsions économiques.

Reste à savoir si les comptes publics doivent dépendre aussi fortement de cette ressource ou rester suffisamment diversifiés et indépendants des aléas de la conjoncture.

Je n’aurais pas été complet sans rappeler les conséquences spécifiques sur les budgets des collectivités locales.

Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances locales est éclairant, en particulier au regard des comparaisons internationales. Les finances locales ne représentent en France que 20 % environ de la dépense publique, loin derrière les dépenses de la sécurité sociale et celles de l’État. C’est bien inférieur à la moyenne européenne, où les dépenses des collectivités locales représentent en moyenne 40 % de la dépense publique. Il est vrai que la France n’est ni un État fédéral comme l’Allemagne ni un État très décentralisé comme l’Espagne.

Justement, cette répartition originale de la dépense publique nous ramène à la question lancinante des priorités et des missions.

Depuis neuf mois, avec le conflit russo-ukrainien, nous avons voté plusieurs rallonges au budget de la défense, dont la dernière en date, au PLFR, s’élève à plus d’un milliard d’euros. Globalement, les budgets régaliens ont connu ces dernières années un certain retour en grâce.

Cela dit, en 2023, tous les budgets ou presque vont augmenter… Effet, d’une part, de l’inflation et, d’autre part, de la volonté du Gouvernement d’assurer un certain nombre de missions essentielles, même si le service de la dette a fait son grand retour depuis cette année avec la remontée des taux d’intérêt et alors que notre niveau d’endettement public bat des records depuis la crise sanitaire.

Il faut dire que l’exécutif n’a pas ménagé ses efforts avec la politique du « quoi qu’il en coûte », dont on voit qu’il n’est pas si facile de sortir. La maîtrise de la dépense publique est notre responsabilité commune, quel que soit notre bord politique.

En ce qui concerne les dotations de l’État aux collectivités locales, le Gouvernement poursuit la politique du précédent quinquennat, marquée par une grande stabilité. La DGF reste autour de 26-27 milliards d’euros. Je salue en particulier la revalorisation de la dotation de solidarité rurale (DSR) à hauteur de 110 millions d’euros, ce qui contribuera à rattraper le retard accumulé par rapport à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU).

Vient ensuite l’épineux sujet de la taxation des superprofits.

Il faut noter que le Gouvernement a répondu en partie à la question avec l’amendement retenu en première partie du PLF sur le plafonnement des rentes dites inframarginales, terme comptable pour désigner des revenus exceptionnels liés à un contexte de crise – un accord européen a été conclu en septembre à ce sujet.

La fiscalité reste un domaine hautement politique et il n’y a pas lieu de le nier. Après tout, les grands tournants historiques ont souvent pris leur source dans des disputes au sujet de l’impôt et de sa juste répartition – il n’est que de penser à la Révolution ! À ce titre, le groupe du RDSE proposera de nouveau, comme chaque année, l’amendement classique visant à élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu, dit amendement Joseph Caillaux.

Ce rappel historique ne nous empêche pas d’être en prise avec les réalités les plus contemporaines, qu’il s’agisse de l’aménagement du territoire, avec notre expérience d’élus issus souvent de territoires ruraux, ou de la transition écologique dont nous saisissons bien les enjeux sans céder à un quelconque dogmatisme.

Comme cet été, le pouvoir d’achat ou, pour le dire d’une autre façon, le niveau de vie de nos concitoyens, reste le fil rouge de ce projet de loi de finances, alors que les prix de l’énergie atteignent des niveaux historiquement élevés, sans que l’on puisse prévoir aisément une trajectoire d’évolution à court ou moyen terme.

Nous ferons un certain nombre de propositions pour défendre les intérêts de nos populations et de nos territoires dans ce contexte imprévisible.

En conclusion, le groupe du RDSE sera d’abord attentif au détail des débats qui promettent cette année d’être riches. Caractérisé par une grande liberté de vote, mon groupe sera sensible au sort qui sera donné à nos différents amendements, dans le respect des positions des uns et des autres.

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