Les collectivités ont su montrer par le passé qu’elles étaient responsables : elles ne représentent aujourd’hui que 9 % de la dette publique ; sur la période 2018-2021, elles ont réalisé 11 milliards d’euros d’économies par rapport au tendanciel inscrit dans la loi de programmation pour cette période.
Elles font des efforts, parce qu’elles doivent présenter des budgets en équilibre : à la différence de l’État, toute hausse non financée de leur fonctionnement se traduit immédiatement par une augmentation de la pression fiscale, mesure impopulaire pour des élus à portée de baffes – voilà une corde de rappel très efficace !
Le Sénat a conscience que les collectivités doivent participer à l’effort collectif de redressement des comptes publics. Nous ne sommes ainsi pas revenus sur l’évolution des concours de l’État aux collectivités locales, à l’article 13 de la loi de programmation des finances publiques : en euros constants, ces concours vont diminuer au cours du quinquennat.
Cette mesure représente à elle seule près des trois quarts de l’effort sur les dépenses de fonctionnement exigé par l’objectif d’évolution de la dépense locale (Odedel) par rapport à la trajectoire zéro volume.
C’est aussi la raison pour laquelle le groupe Les Républicains ne soutient pas le principe de l’indexation de la DGF sur l’inflation – ce serait irresponsable.
Comme l’année dernière, ce budget apporte des réponses imparfaites à des défis importants. Je veux d’abord parler de la flambée des prix de l’énergie, l’une des premières préoccupations des chefs d’entreprise, et de son impact sur notre compétitivité.
Le 16 octobre dernier, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef) lançait un signal d’alarme sur la question et demandait au Gouvernement des ajustements sur le programme d’aide de 10 milliards d’euros. On peut comprendre les craintes des chefs d’entreprise : sur les 3 milliards d’euros inscrits en 2022, seuls 500 millions ont été consommés à ce jour !
Le mécanisme du bouclier électricité est flou. Par exemple, le code de l’énergie parle de moins de dix personnes employées. Comment comprendre ce seuil ? Fait-il référence à des équivalents temps plein ou, de manière plus stricte, à un effectif de dix salariés ? La même question se pose pour les collectivités locales.
En outre, les modalités pratiques d’application de l’amortisseur d’électricité sont renvoyées à des décrets d’application. Comment peut-on se préparer dans de telles conditions ?
J’ai d’ailleurs l’impression que le Gouvernement s’y perd lui-même : le dispositif du fameux amendement n° I-1662, que je viens de citer, évoque une extension des boucliers tarifaires, alors qu’il s’agit plus sûrement de l’amortisseur !
Au-delà du flou de ces mesures et de l’incompréhension des chefs d’entreprise, nous assistons dans l’économie réelle à un phénomène de déstabilisation de la compétitivité relative de nos entreprises par rapport à leurs concurrentes allemandes et américaines – Bruno Le Maire l’a lui-même reconnu voilà quelques instants.
Le gouvernement allemand a décidé un premier montant d’aide de 25 milliards d’euros et, dans l’attente de la validation par la Commission européenne du bouclier de 200 milliards, les factures énergétiques de décembre des petites entreprises seront directement payées par le Gouvernement. Pourquoi n’avons-nous pas les moyens d’en faire autant ? Tout simplement parce que nous sommes entrés dans la crise du covid-19 avec des finances déjà fragilisées.
De leur côté, les entreprises américaines bénéficient d’un prix de l’électricité dix fois plus faible qu’en France. Elles sont par ailleurs soutenues par un plan de 370 milliards de dollars en subventions et crédits d’impôt.
Pour la France, le Président de la République a annoncé, voilà une dizaine de jours, une enveloppe de 10 milliards d’euros en faveur de la décarbonation. Mais il s’agit en fait de 5 milliards auxquels s’ajoutera, peut-être, une autre enveloppe de 5 milliards si les entreprises respectent les objectifs qui leur ont été fixés. Qui plus est, ces crédits figuraient déjà dans le plan France 2030 – nul besoin de vous rappeler, monsieur le ministre, l’amendement à 34 milliards d’euros déposé l’an dernier, soit le plus cher de la Ve République…
Face à ce constat et à ce besoin d’une aide directe en faveur des entreprises, nous rejoignons le Gouvernement sur la nécessité de renforcer leur compétitivité.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement relatif à la CVAE. Toutefois, la mesure que nous proposons est bien différente de celle du Gouvernement, car nous partageons les critiques avancées par le rapporteur général de la commission des finances : tout est flou dans votre dispositif, que ce soit dans la manière dont les collectivités seront compensées ou dans le futur lien entre le dynamisme économique des territoires et cette compensation.