Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ère du « quoi qu’il en coûte » s’est refermée. Avec la remontée des taux, la hausse des coûts de l’énergie et l’inflation qui s’installe dans l’économie mondialisée, nous ne pouvons plus dépenser sans compter, mais nous devons compter ce que nous dépensons. C’est ce que vous avez appelé, monsieur le ministre, le « combien ça coûte ».
Je salue ce changement de braquet, qui tire les conséquences d’une situation nouvelle. Il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités, comme disait le général de Gaulle. Nous y voilà !
Je ne reviendrai pas sur le contexte global de ce budget, mon collègue Emmanuel Capus ayant déjà expliqué pourquoi notre groupe soutient le texte du Gouvernement. Je me contenterai de présenter quelques pistes d’action complémentaires.
Pour embrayer après le « combien ça coûte », je propose de passer à la vitesse de croisière du « mieux qu’il en coûte ». Désormais, à budget constant, nous devons impérativement améliorer l’efficacité des dépenses publiques.
Nos propositions répondent à cette logique. Je vous en cite trois, qui illustrent l’esprit de ce projet de loi de finances : stimuler l’innovation, la réindustrialisation des territoires et le « produire en France » ; accélérer la transition écologique et protéger la biodiversité ; enfin, renforcer notre souveraineté culturelle.
La réindustrialisation du pays passera à la fois par les territoires et par l’innovation. Si nous voulons éviter notre déclassement en pays de sous-traitance, il ne faut pas « oublier Lisbonne et mourir ». Nous devons investir massivement dans la recherche et dans l’innovation, pour que nos chercheurs et nos entrepreneurs trouvent et développent les solutions aux défis du siècle. C’est également vital pour notre balance commerciale.
C’est tout le sens de la mission d’information dont mon groupe a pris l’initiative, voilà un an, et dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur. L’objectif de cette mission n’était pas d’orner d’un rapport supplémentaire les rayonnages de votre bibliothèque, monsieur le ministre ; il s’agissait de trouver des solutions efficaces et opérationnelles pour contribuer à changer la donne.
L’ensemble de nos propositions peut être divisé en trois : un tiers pour le Gouvernement ; un tiers pour le secteur privé ; un tiers pour le Parlement. Avec les membres de cette mission d’information et son président, Christian Redon-Sarrazy, nous avons pris notre part et proposé des mesures concrètes.
La plus importante, par le signal positif qu’elle enverrait, concerne le crédit d’impôt recherche (CIR). Nous proposons, à enveloppe budgétaire constante, de reventiler une part réduite de l’enveloppe au bénéfice des PME et des ETI, en supprimant le taux de 5 % au-dessus du seuil de 100 millions d’euros de dépenses de recherche et développement.
Rappelons qu’un euro de CIR entraîne 1, 4 euro de dépenses privées de recherche chez une PME, contre 40 centimes dans un grand groupe. Dans un cas, cette dépense est utile et créatrice de richesse supplémentaire ; dans l’autre, vous conviendrez qu’elle manque d’efficacité.
Telle est, monsieur le ministre, notre conception du « mieux qu’il en coûte ». Je sais que le Gouvernement ne souhaite pas toucher à ce dispositif, dont je conviens qu’il contribue à l’attractivité du pays. Pourtant, alors que nos concitoyens exigent davantage de justice fiscale, l’argent public ne doit pas servir à faire venir des entreprises étrangères pour de mauvaises raisons. Nous préférons qu’il finance directement l’innovation des PME et ETI de nos territoires.
Par ailleurs, pour accélérer la transition écologique, nous voulons ouvrir le bénéfice du régime du mécénat aux particuliers et aux entreprises qui consentent des dons aux communes forestières pour aménager des accès ou encore replanter des essences résilientes. Après les mégafeux qui ont ravagé nos forêts cet été, nous souhaitons permettre aux Français d’agir, de façon locale et concrète, pour les préserver.
Ce dispositif a été adopté par notre commission des finances, grâce au travail mené par mon collègue Vincent Segouin. J’espère que nous pourrons l’intégrer au budget, afin de le rendre opérationnel dès le 1er janvier 2023 et de préparer ainsi l’avenir.
Enfin, pour renforcer notre souveraineté culturelle, nous proposons également de mobiliser davantage de capitaux privés.
C’est essentiel, car le monde de la culture a été fortement frappé par la pandémie. Dans le même temps, l’encours global sur les livrets d’épargne réglementés, dont le livret A et le livret de développement durable et solidaire (LDDS), a dépassé 500 milliards d’euros, soit cinq fois le montant total du plan de relance : c’est considérable !
C’est pourquoi nous proposons de créer un nouveau livret d’épargne réglementée, dénommé Livret C, comme « culture », afin de mobiliser les capitaux privés pour le financement des lieux culturels, notamment patrimoniaux, et de la création. D’autres propositions, dont celle de ma collègue Colette Mélot en faveur de l’art numérique, vont dans le même sens. J’espère qu’elles pourront enrichir le texte du Gouvernement, en l’orientant dans la voie du « mieux qu’il en coûte ».