Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce budget pour 2023 se tient dans des conditions particulières, que d’autres orateurs ont rappelées avant moi : crise énergétique, inflation, perte de pouvoir d’achat. On observe une augmentation importante du coût de l’énergie et des produits alimentaires, catégories qui pèsent tout particulièrement sur les plus modestes, compte tenu de la structure de leurs dépenses.
C’est pourquoi, cette année plus encore qu’à l’ordinaire, nous devons être dans ce budget à l’écoute de nos concitoyens, de nos collectivités, de nos entreprises et de tous les acteurs économiques, dont les voix se font toujours plus criantes pour formuler plusieurs demandes.
Ils demandent que l’État redevienne davantage opérateur, en fournissant des services publics et en intervenant directement dans la vie économique française et la production de biens et de services.
Ils demandent que l’État redevienne davantage régulateur, en garantissant le fonctionnement du système complexe qu’est notre société.
Ils demandent que l’État redevienne davantage régalien, pour protéger et garantir l’ordre public, mais aussi, de manière plus générale, pour assurer la sécurité dans ces différents domaines.
Ils demandent que l’État redevienne plus fort pour lutter contre les inégalités sociales et rétablir la justice fiscale.
En somme, ils demandent à l’État d’être de nouveau pleinement en phase avec les besoins de nos concitoyens.
Mais comment les rassurer, alors même que nous venons d’achever les débats sur un projet de loi de programmation des finances publiques peu ambitieux ? Le Gouvernement a renoncé à faire payer celles et ceux qui bénéficient aujourd’hui de la crise. Il a renoncé à donner à l’État l’élan nécessaire pour venir en aide aux territoires et aux populations les plus fragiles, dont le nombre va toujours grandissant, comme le souligne le rapport sur l’état de la pauvreté en France établi par le Secours catholique.
Comment ne pas être inquiet pour nos concitoyens en examinant ce budget pour 2023 ?
Vous continuez à vouloir ramener le déficit public à moins de 3 % d’ici à 2027, au nom de la maîtrise de la dépense publique.
Si vous n’aviez pas fait le choix de réduire de 54 milliards d’euros les prélèvements obligatoires entre 2017 et 2023, notre déficit aurait pu être maîtrisé sans rogner sur les dépenses publiques. Visiblement, il ne suffit pas de s’autoproclamer bon gestionnaire pour l’être !
Au nom de la maîtrise de la dépense publique, monsieur le ministre, des cataclysmes se profilent : toujours moins de services publics, alors que les besoins s’en font plus que jamais sentir ; toujours moins de justice sociale et fiscale, alors que notre société croule sous les inégalités ; toujours moins de réponses à la crise écologique, alors que l’humanité est menacée ; toujours plus de misère, plus de crises dans les hôpitaux et les écoles, plus de files d’attente à la pompe et à l’aide alimentaire !
Monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur de nombreux points de votre texte.
Tout d’abord, quelles protections apportez-vous aux habitants de nos territoires ?
Une récente étude de l’UFC-Que Choisir a montré l’ampleur de la crise sanitaire en France et, surtout, dans les territoires ruraux : il y est devenu particulièrement difficile, voire impossible, de consulter un médecin généraliste ou des spécialistes.
Parallèlement, l’hôpital s’effondre sous les coups de l’austérité budgétaire ; les démissions se multiplient, reflétant l’exaspération des personnels soignants.
À titre d’exemple, dans mon département de la Nièvre, les élus et les habitants assistent, contre leur gré et malgré leurs nombreuses protestations, à des fermetures de services dans différents établissements : fermetures de services de médecine, de lits de long séjour, ou encore de maternités et de centres périnataux faute de sages-femmes.
Alors, il faut investir fortement pour améliorer les conditions de travail, augmenter les salaires du secteur de la santé et permettre le recrutement de personnel, afin que plus jamais un être humain habitant ce pays ne puisse mourir dans un couloir sur un brancard, faute de soins ou dans l’attente d’être transporté dans un hôpital.
Ensuite, quels services publics souhaitez-vous encore maintenir sur nos territoires ?
Aux yeux du Gouvernement, c’est toujours l’objectif obsessionnel de maîtrise budgétaire qui est prioritaire. Vous considérez les services publics uniquement comme une dépense, sans jamais vous interroger sur ce que coûte leur absence ni sur ce qu’ils peuvent apporter en matière de cohésion sociale, d’accès aux droits, d’emploi, de lutte contre le réchauffement climatique, mais également de développement économique et de création de valeur ajoutée.
Enfin, quels secours donnez-vous à nos collectivités ?
Celles-ci ne peuvent se satisfaire de leurs dotations actuelles, d’autant qu’elles subissent depuis plusieurs mois une augmentation sans précédent de leurs charges de fonctionnement du fait de la crise inflationniste.
Je prends acte des mesures que vous proposez, monsieur le ministre, mais expliquez-nous comment les collectivités peuvent aujourd’hui entretenir les écoles, les collèges, les lycées, ou encore les piscines, tout en s’adaptant aux bouleversements irréversibles dus au dérèglement climatique, alors que leurs dépenses ne devront progresser que d’un rythme inférieur de 0, 5 point au taux de l’inflation.
Votre budget promet une cure d’austérité, que vous souhaitez voir supportée par les collectivités, qui deviennent les grandes perdantes de ce projet. Les associations d’élus sont unanimes : les mesures retenues par le Gouvernement en direction des collectivités ne sont pas à la hauteur des défis auxquels elles doivent faire face.
Mes chers collègues, j’ai envie de faire miennes les paroles de Victor Hugo : « Je ne suis pas […] de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; […] mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. »
Face à un tel niveau d’urgence, il est temps de renverser votre logique et de repenser le budget de la France en partant des besoins de la population et de la planète, pour aller ensuite chercher les moyens nécessaires. Cela suppose au préalable d’imposer un partage des richesses, une plus grande participation du capital et une redistribution des revenus, au sens large.