Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les similitudes entre l’Union européenne et la France invitent à analyser les problématiques de manière conjointe.
Ces deux institutions vivent à crédit ; elles accordent des baisses de recettes indues ; elles sont en difficulté pour décaisser les fonds de relance ; elles tardent à prendre des mesures structurelles pour lutter contre la spéculation énergétique.
Elles marquent une ambition forte en matière de politique environnementale, mais peinent à les concrétiser et, surtout, à les financer. Ces difficultés pourraient s’expliquer par une appétence indiscutable et partagée pour le modèle libéral.
Ces deux institutions vivent à crédit : la France s’endettera l’année prochaine de 270 milliards d’euros supplémentaires et l’Union européenne de 1 061 milliards.
La France est la première contributrice au budget européen au titre des rabais indus consentis par l’Union à des États membres, comme cela est le cas pour l’Allemagne, pourtant en bonne santé financière. Dès lors, nul étonnement à constater que la contribution de la France ait augmenté de 15 % entre 2019 et 2023.
Ainsi, la France se trouve lésée. Ses crédits promis au titre de la relance européenne sont en diminution de 1, 9 milliard d’euros par rapport aux montants escomptés. Elle est privée de ces fonds à cause d’une croissance « vigoureuse » : il est étonnant que le niveau d’endettement des États pour soutenir cette croissance ne soit pas pris en compte.
L’activité économique de notre pays est, de fait, sous perfusion d’argent public, au détriment des finances publiques.
La France ou l’Union européenne – à qui la faute ? – peinent à décaisser les crédits de la relance, si bien que 66 % des montants alloués à la France restent à ce jour en suspens, faisant peser une menace sur la croissance et les investissements publics.
La Cour des comptes européenne indique, par exemple, que les engagements français ne comprennent « aucune mesure de soutien direct pour accroître la production d’énergies renouvelables ». Certes, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables est entre-temps passé par là, mais c’est à croire, madame la secrétaire d’État, que vous ne saviez pas, un an avant son examen, que votre propre gouvernement préparait ce texte.
Le paquet Climat était annoncé comme un moment décisif pour la réalisation d’une trajectoire ambitieuse de réduction des émissions d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Ce paquet prévoit en bout de chaîne un Fonds social pour le climat doté d’un budget annuel de 9, 7 milliards d’euros, notoirement insuffisant et, surtout, pas financé. Concrètement, la soutenabilité même des mutations de la production et des modes de vie est dès à présent menacée.
L’ambition portée sur les recettes était pourtant réelle. Si nous combattions certaines pistes de réflexion, comme l’élargissement du système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQE), fonctionnant comme une véritable taxe carbone européenne, nous en soutenions d’autres, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Toutefois, l’étroitesse des importations couvertes, le risque renouvelé d’un affrontement entre les modèles sociaux et son lien caduc avec le marché carbone engendreront, dans le dispositif actuel, des inégalités entre les entreprises et des incertitudes impropres à leurs besoins de planification.
Où sont passées les ressources propres promises par la Commission ? Que de retard depuis l’adoption de la directive portant des engagements non contraignants en 2021 ! Où en est le projet de réforme de l’impôt sur les sociétés, évoqué à l’instant par notre collègue Joly, véritable arlésienne européenne annoncée dès le début des années 2000 ?
L’ambition d’une transition socialement juste doit être financée sans augmenter toujours davantage la contribution française au budget de l’Union. Nous le demandons solennellement : l’Union doit abandonner le projet de réforme présenté voilà une semaine visant à durcir et à individualiser les règles sur l’endettement des États membres. Cette négociation, d’apparence vertueuse, prépare le retour de la rigueur par la fenêtre.
Cette inquiétude est amplifiée par le fait que notre gouvernement soutiendra la position de la Commission en faveur de l’austérité ; une fois cet étau imposé, il ne respectera pas les règles qu’il aura lui-même soutenues !
De telles contradictions nous invitent à voter contre la contribution française au budget de l’Union européenne.