Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances fixe à 24, 5 milliards d’euros la contribution de la France au budget de l’Union européenne pour 2023, un montant en baisse par rapport à l’année dernière.
Comme chaque année, certains contesteront le coût prétendument exorbitant que représente la contribution nette de la France au budget de l’Union. C’est oublier un peu vite que la mutualisation permet des bénéfices bien supérieurs à la somme des contributions de chaque État membre, à commencer par l’accès au marché unique, dont les bénéfices annuels sont estimés à 124 milliards d’euros.
Il n’en demeure pas moins que nous devons rester attentifs à la façon dont cette contribution importante est dépensée à Bruxelles.
L’Europe traverse une série de crises – sanitaire, climatique, énergétique, migratoire, inflationniste… – sans précédent dans son histoire qui exigent des réponses fortes.
Certes, les événements récents nous ont une nouvelle fois montré que c’était dans les crises que le projet européen avançait le plus vite.
Face au Brexit, l’Europe a fait preuve d’une unité sans faille et obtenu gain de cause pour presque toutes ses attentes.
Face au covid-19, après quelques débuts hésitants, elle s’est dotée d’instruments permettant d’affronter de futures grandes épidémies, d’un plan de relance massif et d’un emprunt commun d’une ampleur inédite.
Face à la guerre en Ukraine, elle a pour la première fois montré ses muscles et fait avancer l’Europe de la défense bien plus vite en cinq jours qu’en cinquante ans d’existence.
Mais les réjouissances s’arrêtent là ! Car si l’Europe s’est bel et bien réveillée, elle reste encore au milieu du gué, semblant éprouver toujours autant de difficultés à transformer ses intentions ambitieuses en actes décisifs.
En matière énergétique, les réponses se font toujours attendre pour, d’une part, casser la spirale inflationniste qui ne cesse de s’emballer et, d’autre part, assurer notre indépendance stratégique à long terme. N’oublions pas que la Commission européenne a attendu la dernière minute pour introduire le nucléaire dans sa liste des activités durables, alors que le gaz, beaucoup plus polluant, y figurait déjà depuis longtemps.
Le même constat peut être fait pour ce qui concerne notre souveraineté alimentaire. Malgré les nombreuses alertes du Sénat, la Commission n’a eu de cesse de remettre en cause la politique agricole commune, diminuant les revenus de nos agriculteurs, leur imposant de ne plus produire sur une partie de leurs terres et menaçant de faire baisser leurs rendements dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table », alors même que, pour la première fois cette année, l’agriculture française ne peut plus nourrir l’ensemble de la population de notre pays.
J’ai également du mal à comprendre les décisions budgétaires du Conseil, qui, par rapport à la proposition initiale, tendaient à diminuer de 50 millions d’euros le budget alloué aux migrations et à la gestion des frontières, et de 12 millions d’euros celui qui est dédié à la sécurité et à la défense, alors même que nous connaissons de graves troubles géopolitiques.
L’accord interinstitutionnel survenu cette semaine, qui rend d’ailleurs déjà obsolète l’évaluation de la contribution française, comme l’amendement du Gouvernement en est l’illustration, a certes rebattu les cartes, mais au regard du contexte actuel, qui ne cesse de se dégrader, cette position des États membres nous interpelle et nous inquiète.
Je pourrais ainsi multiplier les exemples à l’envi. Quid de la nécessaire réindustrialisation de notre continent ? De la dette galopante que nos enfants auront à rembourser et du pacte de stabilité et de croissance, que la Commission propose d’assouplir ? De la politique commerciale, qui n’évolue que par petites touches, alors que la géographie et la grammaire du commerce international sont de plus en plus bouleversées ? Des difficultés à mettre en place la taxe carbone aux frontières de l’Europe, ce qui permettrait pourtant de mettre fin aux distorsions de concurrence pesant sur nos entreprises et nos agriculteurs ?
L’Europe ne peut plus se contenter de faire des constats et de déclamer des ambitions. Elle doit passer à l’offensive, s’affirmer comme puissance pour peser dans les affaires du monde et ne pas laisser aux autres le soin de choisir son destin.
Elle doit aussi sortir des hésitations qui condamnent à l’immobilisme et apporter de vraies solutions aux préoccupations de l’ensemble des Européens. C’est à ce prix qu’elle pourra sortir d’une autre crise qui la ronge depuis longtemps : celle de la confiance de nos concitoyens dans le projet européen.
Le chemin semble encore long. Malgré tout, en responsabilité, puisqu’il s’agit tant de satisfaire à une obligation internationale de la France que de permettre le fonctionnement de l’Union, le groupe Les Républicains votera pour l’article 25 du projet de loi de finances, avec, vous l’aurez compris, quelques doutes et interrogations.