Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a bien dans notre hémicycle, derrière moi, deux drapeaux distincts : le drapeau national tricolore et celui de notre Union européenne. Or notre bref débat ce soir sur l’article 25 du projet de loi de finances est l’un des rares moments parlementaires suivis d’un vote où nous pouvons échanger sur les priorités européennes et sur les moyens à y consacrer. C’est court ! L’article 25 est laconique et aride, puisqu’il s’agit simplement d’une somme.
Assurément, autant pour chacun des États membres avec les parlements nationaux qu’à l’échelle européenne avec le Parlement européen, la démocratie parlementaire ne pèse pas comme elle le devrait dans le pouvoir budgétaire européen. Le mode de financement de notre union, essentiellement par les contributions nationales, renforce le poids dans la négociation du cadre financier pluriannuel des gouvernements des différents États, avec ces arrangements perpétuant les différents rabais qui nous ramènent à ces calculs mesquins aux relents thatchériens, auxquels même le Brexit n’a pas mis fin.
Je dois dire d’ailleurs ma consternation de lire dans le compte rendu de ce même débat à l’Assemblée nationale tant d’applaudissements sur de trop nombreux bancs à une intervention qui se concluait en martelant l’antienne nationaliste du sempiternel « juste retour ». Je citerai ces propos que je ne partage pas du tout : « Il est inenvisageable que la contribution de la France au budget de l’Union européenne soit supérieure à ce que cette dernière lui rapporte. »
Alors ce soir, ici au Sénat, tant mieux si ce débat touche aux enjeux européens communs. Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 est clairement obsolète, avec le déferlement d’une succession de crises – covid-19, invasion russe, effondrement du paradigme énergétique, inflation à deux chiffres à l’échelle européenne, des États membres dont les économies basculent dans la récession – et, toujours, la nécessité de réussir le Green Deal, de relever ce défi du climat.
Pour cet article 25, il n’a fallu que quelques semaines pour rehausser de 408 millions d’euros le prélèvement sur recettes, qui est notre contribution estimée, sachant déjà qu’il faudra y revenir dans quelques mois pour l’ajuster mieux aux impacts dévastateurs de l’inflation. On le sait, la contribution française a connu ces dernières années un « ressaut absolument majeur », pour reprendre les termes qu’employait ce matin le secrétaire général aux affaires européennes.
L’enjeu est donc très clair : si nous voulons nous construire un avenir européen, si nous ne voulons pas liquider des politiques essentielles, parce que nous connaissons les limites des contributions nationales, ainsi que les échéances à venir pour payer l’emprunt commun de la relance, il nous faudra déployer de nouvelles ressources propres bien moins maigres que la contribution plastique, que le premier petit mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à venir, que l’extension du marché carbone envisagée, peut-être, pour 2026.
Avec des caisses aussi dégarnies, quelle est notre capacité d’agir et de déployer une stratégie commune face à la prochaine crise ? Soyons particulièrement exigeants avec la Commission européenne : le panier annoncé de nouvelles ressources propres qu’elle nous prépare doit être consistant ; il faut sortir du temps des bricolages à court terme !
Il s’agit de mettre à contribution ceux qui, actuellement, profitent de l’Europe, voire des crises, sans prendre part à l’effort collectif. Je pense aux grandes entreprises du numérique, à la taxation des transactions financières, à une assiette commune de l’impôt sur les sociétés. L’Union européenne compte toujours des paradis fiscaux parmi ses membres, chacun ne contribue pas selon ses moyens, et c’est insupportable.
Il s’agit de trouver l’argent là où il dort, d’autant que le cadre financier pluriannuel réformé qui sera nécessaire ne peut en aucun cas sacrifier le Green Deal, en particulier les exigences de 30 % des dépenses de l’Union européenne affectées à la réalisation de nos objectifs pour le climat et de 12 % des dépenses à la biodiversité. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estime les investissements nécessaires pour la transition écologique à 6 % du PIB, soit 900 milliards d’euros par an à l’échelle européenne. Voilà ce vers quoi nous devons nous diriger.
J’espère, madame la secrétaire d’État, que les prochains mois permettront d’avancer en ce sens. C’est dans cette attente que mon groupe votera l’article 25 et l’amendement déposé par le Gouvernement.