Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 17 novembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Article 25 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis plusieurs années, l’Union européenne est confrontée à une succession de crises majeures, qui mettent à mal sa cohésion et ses finances et questionnent sur ses véritables ambitions, devenir une « puissance » ou demeurer un simple « espace ».

Crise migratoire, pandémie, changement climatique, guerre en Ukraine, crise énergétique, sont autant d’événements qui s’enchaînent et se superposent. Ils mobilisent d’importants moyens, tant des États que de l’Union.

L’inflation qui sévit et s’accroît dans la zone euro, en entraînant une hausse des taux, complique encore la situation.

Pour faire face au choc économique causé par la pandémie de covid-19, un plan de relance européen a été financé par un emprunt, c’est-à-dire l’émission d’une dette commune. À cela s’ajoutait la volonté d’introduire de nouvelles ressources propres.

Ce que certains ont qualifié d’« accord historique » me semble être un glissement vers un nouveau paradigme financier, dont les Français n’ont pas totalement conscience – je me suis déjà exprimé sur ce sujet.

Je note avec regret le retard pris sur la question des nouvelles ressources propres et, comme le relève notre rapporteur spécial, les recettes escomptées demeureraient inférieures aux besoins de financement, notamment du plan de relance européen et du Fonds social pour le climat.

Tout cela n’est pas sans conséquence, y compris pour la France, qui pourrait, en cas d’échec, être appelée à rembourser la part de subventions pour 2, 4 milliards d’euros par an, à compter de 2028, ce qui s’ajouterait aux contributions nationales qui seront appelées par la Commission pour financer le cadre financier pluriannuel.

Pour 2023, le montant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est évalué à 24, 5 milliards d’euros, mais le Gouvernement rehausse cette somme de presque 500 millions, par l’amendement qu’il a déposé.

Il s’agit d’une relative stabilité. Je n’entrerai pas dans le détail des chiffres, dans la mesure où la commission des finances a parfaitement analysé tout cela. J’insiste néanmoins sur le fait que la France continue de contribuer largement au financement du rabais des pays dits « frugaux »: l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark. La France est même le premier contributeur au financement de ce mécanisme.

Ces États ont certes moins laissé filer les déficits que d’autres, mais à quel prix ces économies ont-elles été réalisées ? Pas seulement par une gestion plus rigoureuse, mais aussi grâce à de faibles investissements dans le domaine de la défense et de la sécurité et à une modeste contribution à la lutte contre le terrorisme globalisé.

Nombre de ces pays ont privilégié leur économie et leur commerce extérieur au détriment du reste. Si, dans le contexte de guerre en Ukraine, ils retrouvent un intérêt pour la sécurité, c’est surtout dans le cadre otanien et par l’achat d’équipements militaires structurants américains. Les 100 milliards d’investissements soudainement annoncés par l’Allemagne, et ses atermoiements sur certains programmes en coopération, illustrent malheureusement parfaitement cette réalité.

Alors que nous finançons des rabais, soutenons la coopération et appelons à une véritable autonomie stratégique, cette attitude de quelques pays m’inquiète pour l’avenir de la base industrielle et technologique de défense, la BITD, européenne, dont la France est un acteur majeur aux compétences internationalement reconnues. En outre, seule puissance nucléaire de l’Union européenne, nous savons les efforts, et même les sacrifices, consentis pour maintenir cette ultime garantie de la sécurité collective. Et la défense a été trop souvent la variable d’ajustement des budgets.

Par ailleurs, les choix énergétiques hasardeux de certains de ces pays sont une source de préoccupation, tant au niveau de la souveraineté que de l’environnement : relance des centrales à charbon, dépendance au gaz russe… Par ricochet, la filière nucléaire française a pâti d’une vision trop idéalisée des énergies renouvelables, portée par quelques États pour des motifs industriels et politiques et non pas environnementaux ou stratégiques. Par ailleurs, je nourris certaines inquiétudes à propos des projets de taxonomie européenne.

Ces problématiques énergétiques sont désormais au cœur du projet « REPowerEU » – que d’anglicismes, mes chers collègues, dans ces programmes européens post-Brexit ! Ce projet soulève de nombreuses questions sur son financement et son efficacité réelle à terme. Enfin, n’allons-nous pas remplacer des dépendances par de nouvelles dépendances ?

Vous l’aurez compris, je voterai cette contribution, tout en nourrissant quelques inquiétudes.

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