Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos contributions et réflexions au débat sur le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne.
Vous l’avez tous rappelé, ce débat démocratique est essentiel. Je me réjouis de la tonalité positive de vos interventions.
Messieurs Rapin, Kern et Gattolin, vous l’avez dit, la guerre en Ukraine et ses conséquences de long terme contribueront à façonner l’Europe et son budget pour de longues années. Elle demande aujourd’hui une réponse unie, à l’échelle du continent européen, et forte.
Monsieur Bocquet, vous dites que la France est lésée. Certes, la France est le deuxième pays contributeur au budget de l’Union européenne, que nous finançons à hauteur de 17, 4 %, derrière l’Allemagne. Mais la France est aussi le deuxième pays bénéficiaire des politiques européennes en pourcentage des dépenses de l’Union, derrière la Pologne, puisque 11 % des dépenses de l’Union européenne sont réalisées dans notre pays.
La France est notamment la première bénéficiaire de la PAC, sur vingt-sept États membres, pour quelque 9 milliards d’euros par an. Les politiques de compétitivité et de cohésion amènent également des retombées importantes, à hauteur respectivement de 2, 8 milliards d’euros et 2, 5 milliards d’euros.
Certes, d’autres États membres obtiennent des rabais, comme l’a souligné M. le sénateur Pascal Allizard, mais l’avantage obtenu par la France sur la PAC soutient l’ensemble de notre modèle agricole. Et comment ne pas mentionner les retombées économiques de l’existence du marché intérieur, lesquelles sont estimées, vous l’avez dit, madame Gruny, à près de 120 milliards d’euros ?
Aussi, même dans une logique strictement comptable, qui n’est pas une logique souhaitable, comme nombre d’entre vous l’ont rappelé, l’Europe nous « rapporte » plus qu’elle ne nous coûte. Je pense notamment aux fonds régionaux, au programme Erasmus, à la solidarité financière en temps de crise ou à la sécurité collective.
Le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne est essentiel au bon fonctionnement de l’Union européenne et à la mise en œuvre des grandes politiques que nous défendons. Les crises que nous traversons, la crise sanitaire d’abord, puis la guerre en Ukraine, viennent plus que jamais renforcer la nécessité d’une Europe souveraine, soudée et unie, comme l’a dit M. Emmanuel Capus, dotée des moyens d’action adéquats.
Les réponses à ces défis ne pourront être que collectives et, pour cela, nous avons besoin d’une Europe dotée de moyens à la hauteur des enjeux actuels et à venir.
C’est aussi pour cette raison que nous travaillons à la mise en place des ressources propres, qui ont été évoquées par nombre d’entre vous.
Comme l’ont dit MM. Jean-François Rapin et Claude Kern, les crises illustrent le caractère indispensable de l’outil budgétaire commun, car il nous permet de faire face à des situations exceptionnelles en apportant une réponse commune, au niveau européen.
Tout cela est très concret : au cours des derniers mois, le budget de l’Union européenne nous a permis d’apporter un soutien décisif à l’Ukraine, de faire face à la crise énergétique et économique, Mme la sénatrice Pascale Gruny y a fait référence, et de préparer l’avenir via le plan de relance.
J’ajoute quelques mots sur ce que l’Union européenne a pu faire, avec ce budget, face à l’agression de l’Ukraine par la Russie : elle a apporté au gouvernement et au peuple ukrainiens un soutien militaire, un soutien humanitaire, un soutien économique et financier, qui sera renforcé par la mise en œuvre d’une aide de 18 milliards d’euros d’ici à l’année prochaine, comme l’a annoncé la présidente de la Commission européenne. Le Conseil Écofin de novembre a permis d’en confirmer les modalités et de garantir son décaissement rapide.
Cette guerre a évidemment eu des conséquences importantes sur les économies européennes, nombre d’entre vous l’ont rappelé, et nécessite une réponse commune ambitieuse, notamment dans le domaine énergétique – M. le sénateur Jacques Fernique en a parlé et nous avons eu l’occasion d’en débattre récemment en commission.
Dans cette perspective, les Vingt-Sept se sont accordés sur le redéploiement de fonds issus du plan de relance en faveur de l’investissement dans notre sécurité énergétique – tel est l’objet du plan RePowerEU.
Le budget de l’Union a aussi permis d’apporter une assistance aux États membres les plus touchés par la crise économique liée à la pandémie de covid-19. Oui, l’Europe protège : ce n’est pas un slogan, mais une réalité.
Sans l’Europe, nous n’aurions pas eu accès aussi rapidement au vaccin contre la covid-19 que nous ne produisions pas sur notre sol. Un plan de relance inédit, doté de plusieurs centaines de milliards d’euros, a de surcroît été adopté et mis en œuvre dans des délais que je qualifierai également d’inédits. Voilà un grand succès européen et une preuve irréfutable de notre capacité à faire face aux crises.
Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’à cet égard nous devrions bénéficier, en 2023, d’un abondement de notre plan de relance à hauteur de 12, 7 milliards d’euros, sur un total de 40 milliards d’euros jusqu’en 2026.
Messieurs les sénateurs Joly, Bocquet et Kern, il est parfois trop compliqué, c’est vrai, d’obtenir le « déblocage » des financements européens, et les délais sont à la fois trop longs et assez inégaux selon les territoires et selon les fonds. Vous auditionniez ce matin le secrétaire général des affaires européennes ; comme il a dû vous le dire, il met en place une cellule qui aidera à accélérer le versement de ces fonds et en facilitera l’utilisation.
Le plan de relance repose sur le principe d’un endettement commun, ce qui représente une avancée historique de la construction européenne. Historique, ce plan l’est aussi en tant qu’il permet de soutenir les États dans leur effort de relance, de promouvoir une croissance durable et soutenable et d’impulser les transitions numérique et énergétique tout en faisant de l’Europe une région compétitive.
C’est en partie pour ces raisons que le prélèvement opéré sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne s’élèvera en 2023 à 25 milliards d’euros. Cette contribution permettra à l’Europe de disposer des moyens nécessaires à la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel, lui-même placé au service de nos priorités communes, au premier rang desquelles figure la double transition, écologique et numérique.
Monsieur le sénateur Jean-Claude Requier, vous avez souligné la croissance des dépenses et suggéré quelques pistes d’économies. Nous y sommes très attentifs ; nous avons, par exemple, limité la hausse des salaires des fonctionnaires européens, qui sera de près de 2 points inférieure à leurs demandes initiales.
Je veux aussi vous assurer que, compte tenu du niveau de notre contribution, nous sommes très vigilants quant à la bonne utilisation de ces fonds. Désormais, et de manière là encore inédite, en vertu du règlement du 16 décembre 2020, entré en vigueur le 1er janvier 2021, le budget de l’Union est protégé contre les violations des principes de l’État de droit, y compris contre le fait de ne pas prévenir de telles violations.
Nous nous donnons de la prévisibilité, monsieur le rapporteur Mizzon, avec le budget 2021-2027, mais des aléas, des chocs exogènes, des crises, pourraient bien sûr bouleverser le cadre financier pluriannuel ; l’Europe sait d’ailleurs montrer de la flexibilité.
Monsieur le sénateur Fernique, monsieur le rapporteur Mizzon, monsieur le président Rapin, vous avez évoqué la révision du CFP. Compte tenu des conséquences sur nos économies de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de la crise de la covid-19, la Commission a bel et bien inscrit une telle révision à son programme de travail pour 2023, mais nous n’en connaissons pas pour le moment le champ exact. Nous en saurons davantage au début de l’année prochaine et vous pouvez compter sur nous pour nous assurer que l’accord soit conforme à nos priorités politiques.
Cette vigilance s’applique également aux ressources propres, que tous les orateurs, me semble-t-il, ont mentionnées. Comme vous le savez, la France œuvre en faveur de la création de nouvelles ressources propres. La Commission en a présenté trois : la première est fondée sur les recettes issues du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, elle sera en place dès le début de l’année 2023 ; la deuxième s’appuie sur le produit du système communautaire d’échange de quotas d’émission, l’ETS ou Emissions Trading System ; la troisième correspond à la part des bénéfices résiduels des entreprises multinationales qui sera réattribuée aux États membres, ce que certains d’entre vous réclamaient.
Ce n’est peut-être qu’un début, mais vous pouvez compter sur nous pour nous attacher à faire grandir ces ressources propres.
Enfin, vous le savez, l’exercice budgétaire européen…