Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 novembre 2022 à 13h30
« ambitions européennes et chocs économiques actuels » — Audition de Mm. Jean Pisani-ferry professeur à sciences-po paris et à la hertie school of governance berlin senior fellow chez bruegel et titulaire de la chaire tommaso padoa-schioppa à l'institut universitaire européen florence xavier timbeau directeur principal de l'observatoire français des conjonctures économiques ofce charles wyplosz professeur honoraire à l'institut de hautes études internationales et du développement iheid à genève

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président :

Le projet européen est ambitieux par nature : construire à 27 un marché intérieur largement adossé à une monnaie unique est un défi immense, dont la réalisation - loin d'être achevée - implique une convergence dans un nombre croissant de domaines, débordant largement le seul champ économique et monétaire. Cette réalisation est fragilisée par les chocs économiques qui frappent le marché de manière symétrique ou asymétrique. C'est un chemin au long cours, semé d'embûches.

La guerre en Ukraine est, bien plus qu'une embûche, un séisme géopolitique qui ébranle l'édifice européen et a des répercussions économiques. Les sanctions contre l'agresseur russe alimentent la flambée des prix de l'énergie, provoquant une poussée inflationniste dans toute l'Union européenne - récemment évaluée à près de 10 % en taux annuel par Eurostat et à 6,2 % en France, l'un des pays les moins touchés.

L'Union européenne ambitionnait de rebondir après le choc conjoncturel de la pandémie. Elle affiche aussi des ambitions de plus long terme en matière de transitions verte et numérique. Elle voit ses efforts contrariés par ce nouveau contexte et lutte aujourd'hui pour éviter les fermetures d'entreprises, étranglées par leur facture énergétique. Parallèlement, elle se voit conduite par la pandémie et la guerre à élargir le champ de ses ambitions. Pour défendre ses intérêts et soutenir ses valeurs au plan international, elle assume désormais vouloir construire son autonomie stratégique aux niveaux militaire, industriel, pharmaceutique, alimentaire, spatial...

Le contexte européen est donc paradoxal avec, d'un côté, des ambitions toujours grandissantes et, de l'autre, une accumulation de chocs économiques. Ce paradoxe n'a pas empêché le commissaire européen Frans Timmermans d'annoncer hier à la COP 27 un renforcement des ambitions climatiques de l'Union, alors même que le coût économique et social du Pacte vert - sur lequel le Sénat n'a pas manqué d'alerter - commence enfin à faire débat.

Cette tension entre ambitions européennes et chocs économiques nous a conduits à organiser cette table ronde avec des économistes. Nous accueillons donc Jean Pisani-Ferry, enseignant à Paris, Berlin et Florence, qui a cofondé le think tank économique européen Bruegel et vient d'être missionné par le Gouvernement pour évaluer les impacts macroéconomiques de la transition écologique ; Xavier Timbeau, directeur principal de l'OFCE, qui enseigne à Sciences Po et a notamment travaillé sur l'inflation, la croissance et le pacte de stabilité européen ; Charles Wyplosz, à distance, enseignant à Genève et économiste spécialiste de l'intégration européenne, qui a publié en 2005 avec Jean Pisani-Ferry un livre dont le titre résonne encore aujourd'hui : L'Europe déclassée.

Je vous remercie pour votre présence. Votre parole experte nous sera précieuse pour envisager dans quelle mesure et à quel prix l'Union peut réaliser ses ambitions.

Il apparaît nécessaire d'évaluer, d'une part, les effets des chocs conjoncturels sur l'économie européenne et nos concitoyens et, d'autre part, les conséquences des réponses apportées en urgence pour amortir ces effets, conséquences immédiates et conséquences à moyen et long termes, en particulier au regard des objectifs de l'Union européenne.

Inflation galopante, hausse vertigineuse des prix de l'énergie, difficultés d'approvisionnement en matières premières, fragilité des chaînes d'approvisionnement : les conséquences de ces chocs sur le marché intérieur apparaissent chaque jour plus violentes. Jusqu'où l'inflation peut-elle aller ? Les mesures budgétaires prises pour la compenser sont-elles suffisantes ? Sont-elles appropriées dès lors qu'elles empêchent le signal-prix de jouer ? Sont-elles suffisantes ? Sont-elles prises au juste échelon, alors même que sont apportées des réponses asymétriques et que la disparité des plans nationaux, corrélée à l'état des finances publiques dans les États membres et à leur mix énergétique, risque d'entraîner des distorsions de concurrence à l'intérieur du marché unique ? Ces mesures et leurs modes de financement sont-ils pertinents et efficaces à court et moyen termes ? Je pense notamment à la création de ressources propres. Préconisez-vous d'autres initiatives européennes, à l'instar de l'emprunt mutualisé levé pour financer le plan de relance européen après la pandémie ?

Les mesures monétaires prises pour juguler l'inflation sont-elles pertinentes ? Ne risquent-elles pas de casser durablement la croissance ? À cet égard, les prévisions disponibles sont préoccupantes.

Plus généralement, dans quelle mesure la réponse apportée aux chocs économiques est-elle de nature à réduire les capacités de l'Union européenne à atteindre ses objectifs ambitieux ? Faudrait-il réviser certains d'entre eux, en termes d'exigence, de calendrier, de pertinence, dans un environnement économique et géopolitique mondial chaque jour plus incertain ? Voici les questions qui nous préoccupent tout particulièrement.

Avant de vous entendre, je cède la parole à la Présidente Primas, qui sait l'importance d'une analyse objective des faits pour fonder une politique économique efficace.

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