Merci pour votre exposé liminaire, dont j'ai beaucoup apprécié la finesse, notamment lorsque vous évoquiez le commencement de la fin de la naïveté pour l'Europe.
L'arrivée vraisemblable au pouvoir d'une coalition droite-extrême-droite en Italie et en Suède, ainsi que la poussée de la droite nationaliste en Finlande posent des questions sur la construction européenne. Je partage votre distinguo entre l'État de droit, qui repose sur des principes comme l'indépendance de la justice ou la liberté d'expression, et la pensée politique libérale. C'est bien l'État de droit qui est mis en cause en Hongrie et en Pologne, mais pas dans les trois pays que j'ai cités.
Cela témoigne d'une évolution, d'une Europe qui n'est plus envisagée comme un espace de croissance et de prospérité, mais sous le prisme des affrontements et des difficultés vis-à-vis de la Russie, de la Chine ou même de la Turquie. Mme Meloni a fortement critiqué la Russie et la Chine, la Finlande et la Suède ont adhéré à l'Otan, le parti Vox en Espagne est lui aussi devenu très critique de la Russie. N'est-ce pas un changement de paradigme, d'une Europe qui promet libéralisme économique et politique à une Europe plus géopolitique, construite en réaction à des menaces extérieures ?
Mme von der Leyen, dans son récent discours sur l'état de l'Union, a mis l'accent sur la lutte contre les ingérences extérieures ; cela participe de ce réarmement intellectuel, de la fin de la naïveté. Entre ce glissement pro-atlantiste de l'extrême-droite et l'idée que l'Europe peut se doter d'une souveraineté stratégique, comment voyez-vous ces évolutions et ces dynamiques nouvelles ?